Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

En savoir plus sur le déni de grossesse avec notre experte et sage-femme Pauline Fétu

Les pieds d'un bébé dépassant d'une couetteLes pieds d'un bébé dépassant d'une couette
Fé Ngo - Unsplash
Écrit par Maud Finance
Publié le 18 juin 2021, mis à jour le 18 juin 2021

Le déni de grossesse est un événement peu commun, mais qui habite pourtant les pires cauchemars de beaucoup de femmes en raison de sa singularité et du pouvoir de son inconscient. Comment est-il possible de masquer tous les symptômes d’une grossesse, à commencer par l’arrondissement du ventre lié au développement du bébé ? Pauline Fetu nous fait part de ses connaissances et de son expérience pour décrypter un fait traumatisant, pouvant toucher n’importe quelle femme.

 

Quel est la définition exacte du déni de grossesse, Pauline ?

La définition simple du déni de grossesse réside en le mot « déni », synonyme d’être enceinte sans en avoir conscience. Ici, nous touchons réellement au sens psychique du déni : ce n’est pas que la femme fait « semblant » de ne pas être enceinte, mais réellement qu’elle n’a aucune idée de ce qui lui arrive.

Deux différents « types » de déni de grossesse sont communément admis : le partiel et le total. La femme faisant un déni de grossesse partiel se rendra compte durant sa grossesse, plus ou moins tard, qu’elle est enceinte, alors que la femme victime d’un déni total ne réalisera qu’elle attend un enfant qu’une fois le moment venu de son propre accouchement.

 

Avez-vous déjà rencontré des femmes victimes de déni de grossesse ?

Une seule durant ma carrière. La future mère était d’ailleurs en plein déni de grossesse total, puisqu’elle était arrivée aux urgences pensant qu’elle avait une importante gastro, alors qu’elle était finalement sur le point d’accoucher.

 

Comment avez-vous vécu cet événement en tant que sage-femme ?

Quel impact cela-a-t-il eu dans votre devenir professionnel ? Selon moi, c’est justement dans ces moments difficiles que l’on prend conscience de l’importance de son rôle de sage-femme. Durant cette expérience, j’ai d’abord dû me soucier de l’aspect médical avant de penser au côté psychologique puisque j’avais devant moi une femme en train d’accoucher. Les premières questions que je me suis posées ont d’abord concerné l’état du bébé : est-ce que la mère accouche à terme ? est-ce que le bébé sera bien formé ? Nous avancions à l’aveugle, puisque nous ne connaissions absolument pas les antécédents médicaux de cette femme. Dans le cas de cette patiente, j’avais devant moi une jeune étudiante, amoureuse et en couple, bien entourée, dont le projet de vie n’était absolument pas d’avoir un enfant dans l’immédiat. Le choc émotionnel est énorme pour ces femmes : elles se demandent si elles vont abandonner leur enfant voire accoucher sous X, comment vont-elles devoir l’annoncer à leurs proches si elles tant est qu’elles s’en donnent la peine… Fort heureusement, sur le plan médical, tout s’est très bien déroulé pour cette jeune femme : le bébé était né à terme et en bonne santé. Ensuite, nous avons accompagné la jeune mère du mieux possible, un suivi qui est au cœur même du métier de sage-femme.

 

Beaucoup de femmes en ont peur. Dans quelle proportion un cas de déni de grossesse peut toucher les femmes ?

En France, les dénis de grossesse représentent trois naissances sur 1000.

 

Une femme victime d’un déni de grossesse est-elle forcément fragile psychologiquement, d’où le déni ?

Selon les études, il n’y a pas de facteurs socio-culturels qui touchent davantage une catégorie plus qu’une autre. Mais il y a cependant des facteurs de risque, que sont les troubles psychiques liés à de potentiels traumatismes. Par exemple, les femmes à qui l’on a toujours dit qu’elles ne pourraient pas avoir d’enfants, celles qui tombent enceintes à la suite d’une agression sexuelle, ou qui ont été victimes de violences durant l’enfance… Cela se manifeste tel un mécanisme de défense. Ce sont des femmes qui font une sorte de blocage, qui ne peuvent pas concevoir l’idée d’être mère, à qui l’idée ne leur a même jamais traversé l’esprit. Deux grossesses très rapprochées peuvent aussi s’y prêter : elles sont encore en train d’allaiter et ne pensent sincèrement pas pouvoir être à nouveau enceintes si rapidement. Dans ce dernier cas, il n’est même pas question de ne pas vouloir de l’enfant, c’est simplement qu’elles ne considèrent pas la grossesse comme étant possible.

 

Le déni de grossesse peut-il arriver à n’importe quelle femme ?

En tous les cas, aucune catégorie sociale ne semble plus touchée qu'une autre, ni le fait d'avoir d'ores et déjà eu ou non un enfant. 

 

Comment expliquer que les symptômes physiologiques ne se développent pas ? (Règles, ventre arrondi…)

Dans le déni de grossesse, tout est lié au psychisme. Pour ces femmes, il est tellement inconcevable de pouvoir attendre un enfant qu’elles attribuent leurs symptômes à autre chose : les nausées sont expliquées par un repas trop gras, l’absence de vraies règles par le stress ou par des cycles naturellement irréguliers… Quant au bébé, il trouvera lui-même la place pour se développer même si le ventre ne s’arrondit pas. Simplement, il ne s’étend par vers l’avant mais vers l’arrière, le haut ou le bas. Il pousse les organes comme le foie et l’estomac, par exemple. Mais encore une fois, tout est une question de conscience : la femme faisant un déni partiel peut arriver à l’hôpital ne sachant pas qu’elle est enceinte et pour autant, lorsqu’elle repart en ayant eu l’information, son ventre se sera arrondi assez subitement. Quelqu’un le lui aura dit, elle en aura pris conscience, donc son corps également.

 

Le moment de l’annonce doit être un véritable choc pour la future mère ?

L’annonce est toujours un choc, effectivement, bien que cela puisse être une bonne nouvelle pour certaines. Cependant, il y a toujours une sorte de culpabilité générée par rapport au bébé : elles se demandent si elles ne lui ont pas fait de mal durant tous ces mois passés dans l’ignorance de leur état… elles se sentent également trahies par leur propre corps. Pour toutes ces raisons, un suivi psychologique est généralement indiqué par la suite, même lorsque la grossesse est finalement acceptée par la mère.

 

Après l’accouchement, quelles sont les relations entre la mère et le bébé ?

Dans tout accouchement, il y a de toute façon un risque psychologique, parce-que la mise au monde d’un nourrisson est toujours quelque chose d’extrêmement bouleversant pour la femme. Il y a un lien à créer entre la mère et son bébé, même lors d’une grossesse « normale ». Chez les femmes en déni de grossesse, je dirai que le lien est plus à risque, d’où la proposition d’une aide adaptée. Cela peut passer par un suivi à domicile, ou un séjour plus long à la maternité par exemple.

 

Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

© lepetitjournal.com 2024