Les Balkans occidentaux bientôt dans l’UE ? 

Par Déborah Collet | Publié le 20/05/2020 à 18:00 | Mis à jour le 21/05/2020 à 00:20
Photo : Tirana, capitale de l'Albanie.
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Vingt années sont passées depuis le tout premier sommet de Zagreb, en 2000, durant lequel l’Union européenne s’était montrée conciliante à l’égard de l’adhésion des Balkans occidentaux : la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Slovénie, l’Albanie et la Serbie. Lors du sommet digital tenu cette année le 6 mai, l’Union européenne a renouvelé son engagement politique envers ces pays.

 

Macédoine du Nord et Albanie : vers une adhésion à l’UE ? 

Au cours de ce sommet, les vingt-sept ministres des Affaires européennes ont pris en considération l’éventuelle entrée dans l’UE de la Macédoine du Nord et de l’Albanie en engageant des négociations. Le Premier ministre croate, Andrej Plenković, a rappelé que le chemin européen pour les Balkans occidentaux sonné comme une évidence : "Ces pays sont entourés par l’Union européenne. Si on regarde une carte géographique."

Cette décision d’ouverture intervient six mois après le "non" catégorique du président de la République française Emmanuel Macron. Il jugeait le fonctionnement des institutions européennes "trop bureaucratique" et exigeait qu’elles soient réformées avant l’intégration de nouveaux membres. Jusqu’à présent, les Pays-Bas et le Danemark s’y opposaient également.

 

L’Union européenne renforce ses conditions d’adhésion

Toutefois, si intégration il y a, quelles sont les conditions d’acceptation pour entrer dans l’UE ? Lors du sommet, l’Allemagne et les Pays Bas ont exigé que la capitale albanaise, Tirana, engage des réformes avant l’ouverture formelle des négociations. L’Union Européenne exige de l’Albanie plus de transparence dans le financement des partis politiques, des campagnes électorales et une réforme électorale. Ce pays doit aussi continuer à lutter contre la corruption et la criminalité par l’application de sa réforme judiciaire avec le bon fonctionnement de la Cour constitutionnelle et de la Haute Cour. Olivér Várhelyi commissaire européen hongrois a déclaré "Ces conditions sont strictes mais équitables." Ces réformes devront être tenues avant la conférence intergouvernementale pour lancer officiellement l’ouverture des négociations. Toutefois aucune date n’a été fixée.

Dans un communiqué de presse datant de février 2020, la Commission européenne a aussi listé des propositions pour un renforcement du processus d'adhésion à l'Union européenne en vue d'un élargissement aux Balkans occidentaux. L’objectif est de mettre en place des réformes dites fondamentales menant certains pays des Balkans à rejoindre l’UE : l'état de droit, le fonctionnement des institutions démocratiques, de l'administration publique et de l'économie des pays candidats. La Commission européenne a également choisi de renforcer son pilotage politique concernant le processus d’adhésion en engageant des rencontres régulières entre l’UE et les pays des Balkans. 

 

Et pour les autres pays des Balkans ? 

La Bosnie-Herzégovine, le Kosovo, le Monténégro et la Serbie sont toujours dans la course pour rejoindre l’UE et figurent comme les candidats officiels. Des négociations ont d’ores et déjà été engagées avec le Monténégro et la Serbie et plusieurs chapitres ont été ouverts. La Bosnie-Herzégovine et le Kosovo restent des candidats potentiels. 

La commission européenne se veut optimiste pour l’avenir : "Pour la Serbie j’aimerais ouvrir plusieurs chapitres et peut-être en conclure certains d’ici la fin de l’année. Il reste un dernier chapitre avec le Monténégro, je souhaite pouvoir l’ouvrir", a assuré Oliver Varhelyi, Commissaire européen à l’Élargissement à la chaîne Euronews.

Cependant, Olivier Cadic, sénateur représentant les Français établis hors de France et Nicolas Bizel, diplomate européen ont déclaré dans une tribune que ce n’est que le début "d’un processus à l’issue incertaine." Ils ont précisé : "Plusieurs pays négocient depuis près de dix ans déjà, mais face aux hésitations des États membres et sans vision claire sur le futur de l'Union européenne et de ses frontières finales, aucune perspective d'élargissement n'est à prévoir dans les années qui viennent."

Les relations entre les pays des Balkans pourraient être compromises puisqu’ils sont divisés : la Croatie, la Slovénie, la Roumanie et la Bulgarie sont déjà membres de l’Union Européenne tandis qu’autres pays espèrent l’être prochainement.

 

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Pourquoi souhaitent-ils entrer dans l’UE ? 

La majorité des habitants des Balkans souhaitent devenir européens pour participer à la construction européenne et bénéficier d’opportunités économiques. Ils exigent "des réformes fondamentales et l'influence de l'Union européenne défenseur des droits et libertés fondamentales se doit de jouer un rôle majeur." selon la tribune de Olivier Cadic.

Certaines cicatrices du passé, notamment l’héritage de l’ancienne Yougoslavie, engendre des conflits frontaliers, encore présents dans les mœurs des habitants des Balkans. Il est aujourd’hui inimaginable de penser qu’un jour les différends sur le tracé de la frontière entre le Kosovo et la Serbie soient résolus sans une intervention de l’UE. La situation entre la Serbie et le Monténégro et les tentations nationalistes en Bosnie-Herzégovine créent aussi une instabilité permanente. Selon la tribune d’Olivier Cadic, l’Union européenne a un rôle certain à y jouer, celui du médiateur. Il précise : "Intégrer les Balkans occidentaux dans l'UE offrirait une protection, une stabilité, de nouveaux espaces de discussions et de négociations au sein même des institutions européennes." D’après lui, les pays des Balkans souffriraient également "de la fuite de leur jeunesse et de leur population la mieux formée vers l'Union européenne."

En plus d’une certaine passivité de l’Union européenne face à cette adhésion, les États européens n’ont pas réagi rapidement pour apporter une aide aux Balkans occidentaux pendant la crise de Covid-19. Au contraire, la Chine et la Russie sont intervenues, si bien que les institutions européennes redoutent une influence grandissante de ces deux États sur ces nations encore incertaines quant à leur avenir européen. 

 

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Déborah Collet

Spécialisée en communication et dans les relations médias, elle est aujourd’hui journaliste au sein de la rédaction internationale.
2 Commentaire (s) Réagir
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xavierklein ven 22/05/2020 - 10:27

Je vis souvent en Crète où un grand nombre de ressortissants Albanais résident et constituent d'ailleurs une force économique considérable. Je les fréquente souvent. Sans eux (et d'autres immigrés bulgares, ukrainiens, syriens, égyptiens, maghrébins, etc.), les industries du tourisme, du bâtiment, de l'agriculture, l'économie locale s'effondrerait. Citoyens de troisième zone, comme les métèques de l'Antiquité, ils vivent précairement, sans réels droits et surexploités par les grecs: travaille et tais toi! De leur propre aveu, recueilli à de multiples reprises -et c'est l'une des raisons de leurs exils- l'Albanie (ex régime communiste le plus délirant et totalitaire d'Europe) est TOTALEMENT sous l'emprise de la corruption, des mafias, du népotisme, du clientélisme et des ex nomenklaturistes. Il faudrait beaucoup de temps pour que les mentalités et les pratiques changent. L'Europe vieillissante du Nord a besoin de main d'oeuvre à bon marché pour ses champs, ses chantiers, ses usines, ses cuisines, etc. Mais est-ce vraiment l'intérêt de ces pays balkaniques que de les vider de leurs forces vives qui ne rêvent, il est vrai, que de s'expatrier? L'entrée de ces pays dans une Union Européenne technocratique et ultra-libérale, sans réalité de politique commune fiscale, sociale et environnementale, où l'"Europe" et l'Humanité ne sont que l'impudique paravent d'intérêts financiers bien compris serait une catastrophe pour nous et pour eux. Comme citoyen français, je ne suis nullement d'accord pour que mes impôts subventionnent au niveau européen sans véritable et rigoureux contrôle démocratique sur le terrain des dirigeants et des systèmes défaillants et corrompus. C'est déjà le cas en Roumanie, Bulgarie, et même en Grèce où l'UE feint de croire à des états de droits là où les mentalités et pratiques quasiment mafieuses se perpétuent. Assez de cette hypocrisie qui ne profite qu'au business et aux affairistes!

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icat sam 23/05/2020 - 23:13

Je suis étonnée par les commentaires de Xavier Klein qui , pour moi qui vit aussi en Grèce une partie de l'année, en lis la totalité de la presse, discute avec les albanais, bulgares etc.ai une opinion très différente. Parlez-vous grec M.Klein? N'avez-vous pas remarqué que les émigrés sont de moins en moins nombreux en Grèce car les grecs ont été tant appauvris par la "crise" et les mesures drastiques qui leurs ont été imposées de façon injuste que c'est eux qui occupent les postes dont vous parlez. Savez-vous quel est le smic en Grèce et quelle proportion de la population le touche? Savez-vous quel est le taux d'imposition? L'erreur indéniable du gouvernement Simitis (PASOK) a été de faire entrer la Grèce dans la zone euro et il en irait de même pour tous les pays des Balkans. Si je ne suis pas d'accord avec votre point de vue sur ce qui se passe en Grèce par contre, j'approuve votre commentaire "L'entrée de ces pays dans une Union Européenne technocratique et ultra-libérale, sans réalité de politique commune fiscale, sociale et environnementale, où l'"Europe" et l'Humanité ne sont que l'impudique paravent d'intérêts financiers bien compris serait une catastrophe pour nous et pour eux." Le "pour nous" je n'en suis pas certaine, pour eux, je le crains fort hélas!

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