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Frédéric Petit - "Nous sortirons plus forts et plus unis"

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Écrit par Damien Bouhours
Publié le 31 mars 2020, mis à jour le 31 mars 2020

Alors qu'une crise sanitaire sans équivalent secoue la planète, lepetitjournal.com est allé à la rencontre des députés des Français de l'étranger. Frédéric Petit, député de la 7e circonscription, nous parle de l'impact de la crise du Covid-19 sur les Français résidant en Europe centrale et orientale. 

 

Quelle est la situation dans votre circonscription ?

Les 16 pays de ma zone ont tous pris des mesures de confinement et de prévention sanitaires, généralement comparables à celles que nous connaissons en France. La plupart d’entre eux ont déclaré l’état d’urgence ou de crise sanitaire. J’ai une pensée pour la région de Zagreb, tout d’abord, où un séisme de magnitude 5 a secoué la vieille ville, au pied de la montagne, et ajouté une crise à la crise. Je sais aussi le désarroi de mes amis, à qui on a demandé de se confiner samedi soir, pour les inviter à ne pas rester dans les immeubles le dimanche matin. Au téléphone, le traumatisme et les doutes sont palpables.

En Allemagne, au 30 mars 2020, 58 247 cas sont confirmés et 455 décès sont à déplorer. Les ressources sanitaires sont fortement mobilisées. Un plan national d’urgence de près de 8 Md€ a été mis en place pour les hôpitaux qui comprend le doublement du nombre de lits de soins intensifs (28 000 actuellement). Des mesures de renforcement des structures sanitaires sont également prises par les Länder. Et la coopération franco-allemande et internationale est effective. Ainsi 63 patients français sont actuellement soignés dans des hôpitaux en Allemagne ainsi que 26 patients italiens.

Les contrôles aux frontières terrestres et aériennes sont limités avec tous les pays limitrophes de l’Allemagne, dont la France, depuis le 16 mars. Seuls les transports de marchandises et les travailleurs frontaliers sont autorisés à passer et ce, sous contrôle. Les lignes ferroviaires sont par ailleurs supprimées entre l’Allemagne, la France, l’Italie, la Suisse, la République tchèque, le Danemark et la Pologne. En Allemagne, de nombreuses mesures de soutien à l’économie ont été prises (145M€ supplémentaires affectés à la recherche, fonds de soutien à l’économie au niveau des Länder) et de nouvelles mesures réglementaires sont en vigueur : assouplissement du droit des faillites, de l’accès aux allocations sociales, etc. Des mesures fiscales ont également été adoptées : maintien du régime fiscalo-social des travailleurs frontaliers, aides fédérales de plus de 1 000 Md€ comprenant un plan d’urgence pour les indépendants et petites entreprises, fonds de stabilisation économique, garanties de prêts bancaires aux entreprises en difficulté. Je viens d’ailleurs d’apprendre qu’un règlement des Arbeitsagentur (agences pour l’emploi) de nos voisins allemands interdisait l’accès à ces dispositifs aux salariés cotisants en Allemagne si leur employeur était établi en France (alors que c’est un cas assez fréquent dans les métiers commerciaux ou de gestion d’établissement). Je travaille à l’heure actuelle avec mes collègues français et allemands pour régler cette anomalie.

En Autriche, 8 552 cas sont confirmés (86 décès). 23Md€ sont investis pour la recherche contre le virus et l’accélération des procédures d’autorisation de vente. L’Autriche souhaite multiplier les tests pour permettre un retour très progressif à l’activité dès le 13 avril ; Une application, CovidApp, a été lancée notamment. Anonyme pour les autorités, elle permet d’avertir l’entourage de personnes infectées. Le Tyrol, et tout particulièrement la station de ski de Ischgl ont été placés en quatorzaine avec interdiction de sortir en extérieur. Les élections municipales du 22 mars ont été repoussées en Vorarlberg et Styrie. Austrian Airlines a suspendu ses vols le 25 mars, le trafic ferroviaire est réduit de plus de 80 %. Les services de transports sont réduits au rythme du week-end. De nombreuses mesures de soutien à l’économie ont été prises, notamment un paquet budgétaire de 38 Mds € réservé aux entreprises autrichiennes. Afin de soutenir l’emploi, le gouvernement a mis en place  des mesures de chômage partiel, plusieurs fonds (l’un pour assurer le paiement des salaires et des loyers, l’autre pour éviter l'insolvabilité des entreprises, favoriser le maintien des salariés dans l'emploi et assurer la continuité des services de soin de santé et de l’ordre) ainsi que la défiscalisation des primes versées aux personnes qui travaillent.

Dans les autres pays, dans l’ensemble, cette crise est prise très au sérieux. Les rares Etats de la région qui ont tardé à réagir l’ont fait en redoublant d’efforts par la suite (je pense notamment à la Serbie). Certains pays ont réagi avant nous. La Pologne, par exemple, a interdit les rassemblements et fermé les écoles et université dès le 12 mars. Les frontières ont très rapidement été fermées (sauf pour les marchandises et les retours de nationaux au pays). Le 26 mars, le gouvernement a annoncé que le confinement devenait obligatoire pour toute la population (selon des règles proches de celle de la France) et que les regroupements en extérieur étaient limités à deux personnes. Les élections présidentielles polonaises prévues pour le mois de mai ont pour le moment été maintenues, mais, comme nous l’avons vu avec les élections municipales en France, cela dépendra fortement de la rapidité de progression de l’épidémie.

La Roumanie, qui avait très rapidement imposé une quatorzaine pour les personnes revenant de pays à risque, a également fermé ses frontières et imposé des mesures plus strictes de confinement le 25 mars. Depuis dimanche, les autorités roumaines ont plafonné les prix des carburants et interdit toute augmentation pour l’électricité, l’énergie, l’eau et le gaz.

Il est vrai qu’en Hongrie, les restaurants et cafés sont encore ouverts une partie de la journée et ne ferment qu’à partir de 15h, et l’activité économique dans la plupart des secteurs se poursuit normalement. L’exécutif a cependant d’ores-et-déjà prévu des dispositions plus strictes qui pourraient bientôt entrer en vigueur.

La Slovaquie a su gérer une transition délicate, avec un nouveau parlement et un nouveau gouvernement récemment investis, sans que la situation sanitaire n’ait eu à en souffrir. Cela mérite d’être salué ! La République tchèque reste, quant à elle, encore relativement épargnée par l’épidémie, bien que le nombre de malades augmente rapidement depuis quelques jours.

Il faut noter que de nombreux pays d’Europe centrale et orientale ont pris des mesures de confinement sur l’ensemble du territoire avant la France

Constatez-vous des difficultés particulières rencontrées dans certains pays par les expatriés ?

Je constate une situation sanitaire globalement stable dans la majeure partie des pays de la circonscription. Cependant, la zone des Balkans occidentaux est une zone sensible en raison de la situation politique locale, qui est parfois complexe et instable. Il y a en particulier des Français qui ont fait le choix de prendre leur retraite dans des pays membres de l’Union européenne, notamment sur la côte de la Mer Noire (Bulgarie, Roumanie) ou de la Mer Adriatique (Croatie). A l’heure actuelle, il n’y a pas trop d’inquiétudes à se faire, mais ces populations cumulent deux facteurs qui pourraient constituer des handicaps dans le futur : d’une part, ce sont souvent des populations à risque, d’autre part, ils vivent éloignées des capitales. La côte dalmate a fort heureusement été épargnée par le séisme.

Il faut noter que de nombreux pays d’Europe centrale et orientale ont pris des mesures de confinement sur l’ensemble du territoire avant la France, en mettant en œuvre une logique de stricte vigilance préventive alors que le nombre de personnes touchées reste largement inférieur à ce que nous connaissons, du moins dans l’état actuel des décomptes, loin d’être fiable partout, il est vrai.

En Europe, le rapatriement se déroule de manière beaucoup plus fluide que dans le reste du monde.

Constatez-vous des problèmes de rapatriement pour les touristes bloqués sur place ?

Aucun cas critique n’a été porté à ma connaissance, dans ma circonscription en ce qui concerne le rapatriement des Français dits ‘de passage’. En Europe, le rapatriement se déroule de manière beaucoup plus fluide que dans le reste du monde. La proximité géographique et l’habitude des Etats de coopérer régulièrement dans le cadre des institutions européennes sont des facteurs importants qui facilitent la bonne coordination en cas de crise.

Nous, parlementaires des Français établis à l’étranger, sommes en lien constant avec la cellule de crise du Quai d’Orsay et, je sais que cette cellule de crise est sur le pont 24 heures sur 24, en lien avec l’ensemble des postes et des consulats dans le monde ainsi que l’ensemble des services. En une semaine, l’essentiel des 130 000 personnes bloquées a été rapatrié en France. Il reste quelques points chauds en cours de résolution. Il s’agit surtout de préparer la suite puisque la crise sanitaire risque de se développer à l’avenir dans des pays où les conditions de traitement et de logistique ne sont pas satisfaisantes. Dans la 7ème circonscription (Allemagne, Europe centrale, Balkans), ce sont surtout les pays des Balkans et du bassin de Danube qui retiennent toute mon attention. J’ai invité le ministre à réfléchir dès à présent à une stratégie régionale, voire pays par pays dans certains cas, afin d’adapter notre réponse au cas par cas : un Français en difficulté dans l’ouest de la Pologne ou à Bratislava, ne fera pas l’objet d’une procédure identique à celle d’un Français en Albanie, ou sur la Mer Noire. Le rapatriement systématique vers la France n’est pas toujours la solution…

Nous avons bien entendu un problème de soutien général au réseau de la présence française à l’étranger.

Des aides ont-elles été mises en place (ou en négociation) pour aider les entrepreneurs présents dans votre circonscription et pour qu'ils se protègent de cette crise sanitaire qui pourrait se prolonger en crise économique ?

Oui, chaque Etat et gouvernement a réagi à la crise économique, de la même façon qu’en France. Mais, les solutions apportées varient d’un pays à l’autre. La première différence vient évidemment des montants et des sommes en jeu. L’Allemagne fédérale ainsi que les Länder ont bien entendu une autre force de frappe et une autre capacité de décision que l’Albanie ou la Serbie, par exemple. En termes de soutien à l’emploi, outre l’Allemagne et l’Autriche, la Pologne et la Bulgarie ont rapidement réagi, mais sur des bases de compensation de l’ordre de 40 % pour l’Etat, et avec des reports de charges. La République tchèque et la Hongrie semblent s’orienter vers des mesures plus radicales, mais sans être encore très claires. La Slovaquie vient à peine de nommer un nouveau gouvernement et cumule le choc terrible que va constituer pour elle la crise dans l’automobile. Je suis les évolutions dans chacun de ces pays avec beaucoup d’attention.

Il faut attendre encore une semaine et les premiers signaux concernant le mois de mars pour évaluer l’impact des différentes mesures de soutien à l’économie, mais tous mes interlocuteurs s’accordent pour dire qu’il ne s’agit pas là d’une crise financière, mais bien d’une crise économique, et que les outils financiers vont être accessibles très rapidement.

Nous avons bien entendu un problème de soutien général au réseau de la présence française à l’étranger. Or, cela ne concerne pas uniquement les réseaux économiques, mais aussi notre réseau d’enseignement à l’étranger, nos réseaux culturels, scientifiques, nos volontaires, nos réseaux d’expertise internationale, d’aide au développement. Ma principale inquiétude vient de là car nous pourrions, par inattention, perdre énormément. Ainsi, nos Alliances françaises sont particulièrement menacées aujourd’hui. L’amendement aux lois d’exception que j’ai proposé la semaine dernière pour parer à cette situation a été déclaré irrecevable mais je ne désarme pas. Je suis en contact permanent avec les services concernés pour les sensibiliser à cet angle mort de notre action vers ces réseaux. Tout le monde a désormais conscience du problème. Celui-ci n’est pas tant budgétaire que le fait qu’il faudra trouver très rapidement, région par région et parfois pays par pays, les outils politiques et juridiques pour que les aides qui seront accordées soient légales, réalistes, transparentes et justes.

Sur le plan des mesures de soutien à l’économie, l’Union européenne a su faire preuve de flexibilité et de réactivité en autorisant les Etats membres à réorienter une partie des fonds européens auxquels ils ont droit pour faire face à l’urgence. En outre, la banque centrale européenne a déjà mobilisé 750 milliards supplémentaires (pour un total de stimulus de 1 024 milliards d’euros en 2020), chiffre qui pourra être revu à la hausse en cas de nécessité. Je regrette bien évidemment une solidarité insuffisante entre Etats membres pour la mise en œuvre de nouveaux mécanismes de mutualisation des dettes (cf. les désaccords actuels au sein du Conseil européen), mais j’ai la conviction que nous sortirons de cette crise plus forts et plus unis. C’est dans l’adversité que la solidarité se révèle. L’Union européenne aura un rôle majeur à jouer dans la reprise économique lorsque les pics d’épidémie seront passés.

 

Quel message souhaiteriez-vous communiquer à nos lecteurs en cette période difficile ? 

Je voudrais faire passer un message ‘personnel’ à tous mes concitoyens de la 7ème circonscription, où qu’ils soient, dans quelle que situation qu’ils se trouvent.

La crise sanitaire actuelle bouleverse les plans et les actions de chacun d’entre nous. Elle fait peur et pose question. Il ne m’est actuellement pas possible de venir à la rencontre de toutes et tous dans les 16 pays de notre circonscription.

Je leur propose donc une permanence téléphonique tous les vendredis à partir de 14h. Il leur suffit de m’envoyer un message à contact@federcpetit.eu avec leurs noms et numéro de téléphone ainsi que l'heure à laquelle je peux appeler. S’il y a des sujets qui vous préoccupent particulièrement, n’hésitez pas à les mentionner afin que mon équipe et moi-même puissions nous préparer à y répondre. Vous recevrez confirmation par mail de l'heure à laquelle je vous téléphonerai.

La communication sur les réseaux et sur internet, c’est bien, mais le contact direct, en ces temps de crise, c’est encore mieux…

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