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WhatsApp, SMS, mail: des méthodes valables pour notifier un licenciement en Italie ?

Alors que les nouvelles technologies envahissent notre quotidien, jusqu’au droit du travail, selon quelles modalités un licenciement peut-il être notifié en Italie ? De WhatsApp aux mails, zoom sur ce que permet, ou non, la jurisprudence.

une femme utilise son smartphoneune femme utilise son smartphone
Écrit par Lia Meroni
Publié le 11 novembre 2024

Les nouvelles technologies jouent un impact de plus en plus fort sur notre vie quotidienne et tous les aspects qui y sont liés, y compris le travail.
On comprend donc qu'il n'est pas rare que les employeurs fassent usage de ces technologies (telles que WhatsApp, SMS ou un simple courrier électronique) dans le but de faciliter et de simplifier, à la fois la communication et l'échange d'informations avec leurs salariés, mais aussi, dans les situations les plus désagréables, comme la notification d’un licenciement.

Mais le licenciement notifié à travers WhatsApp, un simple courrier électronique ou un SMS est-il légitime ? A-t-il une valeur juridique ? Ou doit-il se faire « à l'ancienne », c'est-à-dire par lettre recommandée ou par une remise en main propre ?

Dans cet article, nous visons à présenter, de la manière la plus complète et exhaustive possible, l'état de la jurisprudence sur les questions susmentionnées.
Mais, avant d'analyser les arrêts les plus intéressants sur ce sujet, faisons un petit récapitulatif des critères formels du licenciement.

Les critères formels du licenciement en Italie

Comme on le sait, le licenciement doit être notifié/imposé au salarié concerné par écrit et il doit contenir les motifs (qu'ils soient objectifs, par exemple la réorganisation de l'entreprise ou l'externalisation des tâches confiées au salarié, ou subjectifs, par exemple l'utilisation inappropriée ou l'abus des outils de l'entreprise).
Concernant la notification écrite, l'article 2 de la loi n. 604 de 1966 prévoit que tant la notification du licenciement que la communication des motifs du licenciement doivent être effectuées par écrit, sous peine d’inefficacité, de sorte que toute notification exprimée sous une forme différente est nulle et non avenue (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 9 mars 2006 n° 11670).

Concernant le cœur de notre article, c'est-à-dire les modalités de notification du licenciement, la loi italienne n'impose pas à l'employeur d'utiliser des formules sacramentelles particulières. Elle édicte simplement qu'il est nécessaire et suffisant que l'acte écrit de licenciement soit porté à la connaissance du salarié (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 24 septembre 2014 n° 20106).
En effet, le licenciement est un acte unilatéral et réceptif (en Italien « recettizio »), c'est-à-dire un acte juridique qui se perfectionne par la connaissance qu'en a son destinataire.

Il a été rappelé que la remise du bulletin de salaire avec l'indemnité conséquente à la cessation du travail (en Italien « TFR ») et la déclaration à remettre au nouvel employeur n'équivaut pas à la forme écrite du licenciement, une communication par écrit manifestant la volonté claire de mettre fin à la relation de travail étant nécessaire (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 20 mai 2016, n° 10547).
Ces précisions faites, il convient de voir quelles sont les modalités de notification/imposition du licenciement.

Les modalités « classiques » de notification du licenciement : la recommandée au domicile du salarié et la remise en main propre

Généralement, le salarié concerné reçoit le licenciement avec lettre recommandée envoyée à son domicile (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 5 juin 2009, n. 13087).
Un autre moyen « classique » de notifier le licenciement est la remise en main propre au salarié concerné par l'intermédiaire d'une personne désignée par l'employeur.
La lettre, remise en main propre au salarié concerné et contresignée par celui-ci pour réception, permet à l'employeur de prouver la réception de ladite communication.

Les modalités « modernes » de notification du licenciement : WhatsApp, SMS ou courrier électronique

Compte tenu du silence de la loi sur les modalités de notification du licenciement, la jurisprudence a admis la légitimité du licenciement notifié/imposé par des moyens qu’on pourrait définir « modernes » et « plus en phase avec les temps », c’est-à-dire par courrier électronique, par SMS ou par WhatsApp, à condition que l'intention de l'employeur de mettre fin à la relation de travail se manifeste sans équivoque, il n'y a aucun doute quant à l'origine de la communication de l'employeur et son contenu a été porté à la connaissance du salarié concerné.

a)    WhatsApp
WhatsApp est le système de messagerie le plus connu au monde, utilisé non seulement dans la vie quotidienne mais aussi, comme on l’a vu, sur le lieu de travail pour faciliter et simplifier les échanges entre l’employeur et le salarié.
Mais comment les conversations WhatsApp sont-elles qualifiées par la jurisprudence ? À titre d’exemple, le Tribunal de Rome a donné une réponse à cette question, avec un arrêt récent de 2023, selon lequel « les messages « WhatsApp » peuvent être inclus dans des représentations mécaniques lorsqu'ils sont produits sur du papier auquel la disposition de l'article 2712 du Code civil italien est applicable, qui prévoit que « ... Toute représentation mécanique des faits et des choses constitue une preuve pleine et entière des faits et des choses qu'elle représente, si celui contre lequel ils ont été produits ne désavoue pas leur conformité... » (Tribunal de Rome, chambre sociale, arrêt du 30 mai 2023, n° 5561).

Dans un arrêt très récent de 2024 - dont un extrait est indiqué ci-dessous - le Tribunal de Naples a admis que « les conversations WhatsApp et les messages texte extraits des utilisateurs de téléphones sont dépourvus de valeur probante s'ils sont produits avec une simple transcription en format « word» et dépourvus des supports informatiques dans lesquels les conversations sont présentes. La nécessité de déposer le support réside dans le fait qu'il permet de « vérifier la fiabilité de la preuve elle-même par l'examen direct du support afin de vérifier avec certitude tant la paternité des enregistrements que la fiabilité de ce qu'ils documentent…» (Tribunal de Naples, chambre I, arrêt du 22 mars 2024, n° 3236).
Encore, le Tribunal de Catane s’est prononcé sur la légitimité du licenciement notifié au salarié via WhatsApp, en qualifiant ce système de messagerie comme un « document électronique ».

Le licenciement a donc été considéré comme pleinement légitime, compte tenu du fait que la charge de la notification du licenciement par écrit, au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la loi n° 604 du 15 juillet 1966, sous peine de nullité de celui-ci, peut être acquittée par tout moyen, y compris informatique, qui permet au salarié d'imputer la communication à l'employeur avec certitude.

Il est intéressant d’observer que le Tribunal de Catane a qualifié Whatsapp de « document électronique que le salarié avait attribué avec certitude à l'employeur », à tel point que le salarié l'a rapidement contesté dans le délai extrajudiciaire de 60 jours à compter de sa réception.
L’arrêt affirme très clairement que « ... La méthode utilisée par l'employeur, en l'espèce, semble apte à remplir les exigences formelles en question, car l'intention de licencier a été communiquée par écrit à la salariée de manière non équivoque, comme le démontre la réaction immédiatement exprimée par ladite partie. » (Tribunal de Catane, chambre sociale, arrêt du 27 juin 2017).
Si l’arrêt susmentionnée reconnaît clairement la validité du licenciement notifié via WhatsApp, il n'en va pas de même de la « réception » du message WhatsApp par le salarié.
En effet, l'arrêt ne fournit aucune indication et/ou précision sur ce que l'on entend par « réception » du message WhatsApp provenant de l'employeur, se limitant à considérer la « réception » en question comme certaine et régulièrement survenue.

En l'absence d'indications, on pourrait penser à la fameuse « coche bleue » de WhatsApp, qui donne la preuve de la lecture et de la réception du message par son destinataire.
Cependant, l'incertitude absolue de recevoir le message sur WhatsApp (et l'absence de toute intervention jurisprudentielle sur ce point) a été soulignée à juste titre dans la doctrine italienne, puisque cette messagerie sociale pourrait ne pas être lue ou ne pas être délivrée pour des raisons de réseau ou de connexion et, par conséquent, elle pourrait se prêter au risque d'altération ou de suppression par le destinataire, à une utilisation abusive par des tiers,  avec pour conséquence de soulever d'autres problèmes quant à la certitude de la communication et aux implications possibles que cette circonstance pourrait avoir pendant le procès. 

b)    SMS
La jurisprudence, s'avérant dans l'air du temps, a aussi admis la légitimité du licenciement notifié par SMS.
À titre d'exemple, le Tribunal de Gênes, par un décret du 5 avril 2016, a considéré que le licenciement notifié par SMS par l’entreprise (en l'espèce, il s’agissait d’un café) était parfaitement valide, car le contenu du SMS envoyé au salarié, qui était barman, montrait clairement la volonté de l'entreprise de mettre fin à la relation de travail (« Je ne prends plus d'apéritifs, bonne chance »).
De même, la Cour d'appel de Florence a jugé que le licenciement notifié par SMS était valide, puisque le message SMS pouvait être assimilé à un télégramme dit « phonodicté » (c'est-à-dire un télégramme dicté par le service téléphonique approprié), s'il était prouvé que le message provenait effectivement de l'auteur apparent de la déclaration.

En l'occurrence, la teneur du SMS du 21 août 2012 envoyé par l'employeur au salarié (et régulièrement reçu par ce dernier) ne laissait place à aucun doute, en pouvant se qualifier comme un véritable licenciement : « malheureusement il va y avoir un changement d'entreprise qui ne me permet plus de profiter de votre précieuse collaboration. Merci pour le moment et je vous souhaite le meilleur dans votre vie. » (Cour d'appel de Florence, chambre sociale, arrêt du 5 juillet 2016 n° 629).
En d'autres termes, le licenciement notifié par SMS semble être conforme aux critères de la forme écrite conformément à l'article 2 de la loi n. 604 de 1966, car le message SMS, lu d'abord sur l'écran du téléphone puis imprimé comme un document à produire en justice, avait été compris par le destinataire comme la communication effective d'un licenciement et avait donc fait l'objet du recours extrajudiciaire, pour le contester.  
À la suite des conclusions formulées par la Cour d'appel florentine, le Tribunal de Turin a affirmé que le licenciement notifié par SMS n'est pas comparable au licenciement communiqué oralement, mais plutôt à celui communiqué par télécopie et, comme ce dernier, répond certainement à l'exigence de la forme écrite (Tribunal de Turin, chambre sociale, arrêt du 23 juillet 2014).

c)    Courrier électronique (e-mail)
Enfin, la jurisprudence s'est prononcée sur la légitimité du licenciement notifié par courrier électronique, au motif que l'exigence de communication écrite du licenciement doit être considérée comme satisfaite, en l'absence de procédures spécifiques, par tout moyen impliquant la transmission au destinataire de l'écrit dans sa matérialité.
La Cour suprême a donc jugé valide l'acte de licenciement joint à un courrier électronique, qui a été envoyé au salarié par l'entreprise, qui était active dans le secteur aéroportuaire.
En l'espèce, la Cour suprême avait déduit la certitude de la réception du courrier par le salarié de la circonstance que, après la communication de l'employeur du 28 décembre 2011, celui-ci avait envoyé une série de courriers ultérieurs à ses collègues de travail dans lesquels il les informait de la cessation de sa relation de travail (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 12 décembre 2017, n° 29753).

 

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