Il était une fois, il y a de cela 900 ans, débutait l’histoire connue d’une famille originaire du Latium : les Colonna. Ils prétendaient descendre de la gens Iulia, se faisant de ce fait héritiers de César. Se disant fils d’Ascagne et du troyen Énée, il se murmurait qu'ils étaient d’essence divine, par le fait d’une mystérieuse affiliation les liant à la déesse de l’amour, Vénus. Ennemis héréditaires historiques des Orsini ainsi que des Caetani : leur influence iconique les a fait entrer dans la postérité.
Les Colonna se font connaître dans l’historiographie à partir du Xème siècle, sous le nom Tuscolo. Il s’agit d’une très ancienne famille du Latium, proche du Vatican, et qui revendiquait une parenté avec la dynastie des Julio-Claudiens. Pietro Colonna, comte de Tuscolo (1078-1108), originaire d’une ville des Castelli Romani, est le premier à adopter le patronyme Colonna.
Un contexte propice
Au début du XIIème siècle, le Latium connaît de profondes transformations socio-culturelles qui conduisent à une restructuration des jeux de pouvoir et d’influence, et donc à une recomposition de la noblesse romaine. C’est dans ce contexte que les Colonna et d’autres « nouvelles familles » s’imposent dans la campagne Romaine tout en prenant de plus en plus de place dans la Curie du Vatican. En 1193, Giovanni est le premier Colonna à accéder au titre de cardinal, suivi d’un autre Giovanni en 1212. Leur entrée dans les cercles de pouvoir romains, ouvrira au clan Colonna l’accès aux plus hautes fonctions politiques, militaires et religieuses du Moyen-Age, puis de la Renaissance.

Colonna versus Rome : l’origine de la bataille des deux papes
L’année 1294 marque un tournant dans l’histoire des Colonna, infaillibles soutiens gibelins du Saint-Empereur germanique. L’arrivée au pouvoir du Pape Boniface VIII, membre de la famille Caetani, les place en défaveur. Pour faire face à l’hostilité grandissante des guelfes, les partisans du pape, les Colonna choisissent le complot et s’allient à Philippe le Bel, roi de France. Dans le sillage de cette trahison qui fait scandale à Rome, les Colonna sont forcés de s’exiler, tandis que la Ville Éternelle sombre dans une profonde crise politique qui ne prendra fin qu’au XVème siècle.

Si vous êtes familier de la série de roman Les Rois Maudits, de Maurice Druon, le nom de Guillaume de Nogaret, la « gifle d’Anagni » et l’arrivée de la papauté à Avignon, sont tout autant d'évènements qui ne vous seront pas étrangers.

Fin d’un exile et réconciliation
L’année 1417 marque le grand retour des Colonna à Rome, et la fin de la guerre des deux papes. Martin V, né Odonne Colonna, met officiellement un terme à la crise politico-religieuse qui a meurtri la chrétienté occidentale pendant un siècle et permet aux Colonna de récupérer de leurs biens et domaines familiaux, dont ils avaient été en partie dépouillé par les Orsini. Toutefois, sa mort relance les hostilités entre Orsini et Colonna, qui se voient à nouveau dépossédés d’un bon nombre de leurs propriétés par Sixte IV, qui n’est autre qu’un allié des « Ours de Rome ».

Le conflit Colonna/Orsini ne prend fin qu’en 1511, sous le pontificat de Jules II, et ce après deux siècles de guerre d’influence. Une « Pax Romana » est alors convenue entre Fabrizio I Colonna et Giulio Orsini, après une cérémonie de pardon mutuel, la promesse de ne plus guerroyer, le tout conclut par un baiser symbolique devant l’autel, en présence du souverain pontife.


Les héros de la bataille de Lépante s’assagissent
Après la défaite des Ottomans contre les Chrétiens, dont la flotte papale est dirigée par l’illustre Marcantonio Colonna II, le clan romain se fait plus discret sur la scène politico-religieuse et embrasse une carrière de mécène et de diplomate. Ainsi, Costanza, fille de Marcantonio Colonna et de Felice Orsini prend le Caravage sous son aile, tandis qu’il connaît un succès fulgurant.


Proches des cours royales espagnoles et françaises pendant tout le grand XVIIème siècle, les Colonna font peau neuve, et notamment auprès du Saint-Siège, afin de faire oublier leur passé tumultueux. À partir du XIXème siècle, la famille Colonna se range et participe à la construction du Royaume d’Italie sous la Maison de Savoie. Ils mettent de côté leurs intrigues machiavéliques et embrassent ce siècle de renouveau économique, politique et social.


Pendant la deuxième Guerre Mondiale, Ascanio, fils de Fabrizio Colonna et d’Olimpia Doria Pamphilj devient ambassadeur d’Italie à Washington. Il est d’ailleurs celui qui livre au Président Roosevelt la déclaration de guerre de l’Italie, avant de démissionner le jour même.

L’héritage Colonna aujourd’hui
Si les fascinantes collections d’art de la famille Colonna sont parvenues jusqu’à nous aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à la libanaise de naissance, Isabelle Hélène Sursock, qui en 1909 épousa de Marcantonio VII Colonna. Véritable reine des mondaines romaines, cette femme tenace et intelligente défendit contre vents et marrées, l’héritage culturel des Colonna, y compris pendant les deux guerres mondiales. Imitant le dévouement et l’engagement de son époux auprès Saint-Siège, elle en deviendra même citoyenne.

À l’image des Torlonia et des Barberini, les Colonna n’ont pas disparu dans les méandres de l’histoire. Ils existent toujours au travers de deux lignées. D’une part, les « Colonna di Paliano » incarnés par le Prince Marcantonio Colonna et ses héritiers : don Giovanni Andrea Colonna di Paliano, don Prospero Colonna di Paliano, prince d’Avella et don Filippo Colonna di Paliano. Les “Colonna di Stigliano quant à eux, sont représentés par don Prospero Colonna di Stigliano, prince de Stigliano et son neveu don Stefano Colonna di Stigliano.

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