Née à Fiesole d’une mère peintre et d’un père ethnologue, Dacia Maraini appartient à une ancienne famille sicilienne, les Alliata di Salaparuta. En 1938, la famille s’installe au Japon et en 1943, le gouvernement demande aux époux Maraini de signer l’adhésion à la République de Salò. Fosco et Topatia (noms du père et de la mère de Dacia) rejettent cette demande et sont emmenés dans un camp de concentration. Les Américains les libèreront deux ans plus tard. En Sicile, Dacia commence sa formation littéraire et à dix-huit ans, elle s’installe à Rome avec son père.
Dans la Capitale, elle poursuit ses études au lycée et devient journaliste, archiviste et secrétaire. En 1962, elle publie son premier roman “La Vacance” et dans les mêmes années, elle écrit des pièces de théâtre et fonde avec d’autres écrivains “Le théâtre du Porc-épic”. En 1990 elle remporte le Prix Campiello avec “La Longue vie de Marianna Ucrìa” et avec “Buio”, recueil de récits sur la violence sur l’enfance. En 1999, elle remporte le Prix Strega.
“TRIO”, édité par Rizzoli, est son dernier chef-d’oeuvre littéraire. Captivant et délicat, le roman épistolaire raconte l’histoire de deux femmes, Agatha et Annuzza, liées par un profond sentiment d’amitié. Tout commence le 5 mai 1743. La peste s’abat sur Messine et la peur de la contagion sépare deux grandes amies. Annuzza et Agatha se connaissent depuis qu’elles sont petites : ensemble, elles ont appris l’art de la broderie sous le regard attentif, mais sévère, de soeur Mendola. Maintenant, Annuzza vit à Palerme et Agata à Messine, avec son mari Girolamo et sa fille Mariannina. À travers d’intenses lettres, les deux jeunes femmes racontent leurs journées, parlent de livres, d’amour, en particulier de Jérôme, l’homme qui fait battre le coeur des deux jeunes femmes et parfois, se rappellent leur enfance.
Le Petit Journal de Rome : Pourquoi avez–vous choisi de raconter l’histoire de deux amies et de la peste à Messine à travers des lettres?
Dacia Maraini : J’ai souvent utilisé dans mes romans la forme épistolaire. C’est une modalité qui me tient à coeur. Je me suis également arrangé avec les coutumes du XVIII siècle : les philosophes exprimaient leurs idées à travers les lettres, comme le fait merveilleusement Montesquieu avec ‘Les lettres persanes’
Le Petit Journal de Rome : “J’espère pouvoir communiquer aux lecteurs les émotions que j’ai éprouvées en écrivant ces pages”. Quelle est l’émotion que vous avez ressenti le plus souvent?
Dacia Maraini : Les émotions d’un voyage dans le temps d’abord et puis l’émotion d’une amitié qui parvient à surmonter la jalousie et la rivalité à travers les mots et la sincérité.
Le Petit Journal de Rome : Agata et Annuzza sont liées par une profonde amitié, parfois mise en doute par l’amour qu’elles éprouvent toutes deux pour Jerome. Nous pouvons le considérer comme le protagoniste du roman ?
Dacia Maraini : Je ne sais pas si on peut le considérer comme le protagoniste, mais il est certainement central dans le récit. Pour le personnage de Jérôme, je me suis inspirée du grand Ulysse, voyageur charmeur, homme agité et aimable. Mais à qui on ne peut demander une stabilité affective ou familiale parce qu’il la fuit toujours.
Le Petit Journal de Rome : Quelle est la lettre la plus significative ?
Dacia Maraini : Je ne crois pas qu’il y ait une lettre plus significative quel es autres. Elles sont toutes comme les maillons d’une chaîne et se tiennent les unes aux autres.
Le Petit Journal de Rome : Vous identifiez-vous à Agata ou à Annuzza ?
Dacia Maraini : Je ne m’identifie à aucune des deux. Je pense que l’auteur met un peu de lui dans chaque personnage.
Le Petit Journal de Rome : A la lumière de ce que nous vivons actuellement, avec quels mots pourriez-vous définir ce roman?
Dacia Maraini : TRIO est le mot que j’ai choisi, car il me rappelle la musique. Je voulais que ce trio ait un rythme musical qui donne un air à l’histoire.