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175 entrées pour découvrir toutes les facettes de la ville éternelle

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Écrit par Olivia Audin
Publié le 16 juin 2019, mis à jour le 16 juin 2019

Rome et ses mythes, ses  fontaines, ses Vespas, ses monuments : voilà autant d’images d’Epinal qui masquent la réalité complexe et profonde de la capitale italienne.

Journaliste de formation, Fleur de la Haye-Serafini, dans le Dictionnaire insolite de Rome, traque l’original, l’amusant, le poétique dans Rome, pour que, entrée après entrée, se construise la mosaïque vibrante de couleurs de la ville éternelle. 

Le petitjournal.com de Rome: La collection des Dictionnaires Insolites des Editions Cosmopole s’étend : il y en a de plusieurs pays et villes, et voici maintenant celui, attendu, de Rome. Qu’y apprend-on ?

Fleur de la Haye-Serafini: Ce qui fait les Dictionnaires Insolites, c’est une personnalité qui, à travers son regard, sa subjectivité, propose un texte sur une ville. J’étais une amoureuse folle de Rome, où se trouvent mes origines, et que j’ai souhaité redécouvrir. J’ai eu un véritable coup de foudre pour Rome, pour sa langue. Ca donnait enfin un sens à mon apprentissage du Latin ! J’ai vécu à Garbatella, à Prati, à San Lorenzo, à Monte Mario, en périphérie, pour en quadriller les différents visages. J’avais  une envie personnelle de participer à cette collection. Le dictionnaire a des entrées, de A à Z. Il n’est pas comme les guides traditionnels, qui orientent vers des adresses : celui-ci croise plein de disciplines, de l’architecture, de l’art, de l’histoire, des curiosités anecdotiques, de la sociologie. Ca me plaisait de livrer mon regard, mon amour de Rome. Et aussi mes désamours, car je ne brosse pas la ville que dans le sens du poil. On retrouve 175 entrées assez courtes, qu’on peut picorer, d’un bout à l’autre ou dans tous les sens. 

Y a –t-il une ligne directrice particulière ?

Je voulais apporter des réponses aux questions que moi-même je me posais. J’ai eu l’idée du livre il y a un an et demi. J’avais lu et vu beaucoup de choses sur la ville, Stendhal, Moretti, et je restais frustrée de ne pas avoir certaines informations. Par exemple : pourquoi est-ce qu’il y a partout des trous dans les routes ? Pourquoi est-ce qu’il y a des ordures jetées sauvagement ? Comment les romains font-ils pour évoluer alors que la ville semble immobile dans le passé ? On doit en permanence contourner ce centre historique, névralgique, pesant. Comment vivre avec le poids du passé ? Je posais ces questions à mes amis romains qui ne pouvaient pas toujours m’éclairer. J’ai cherché dans les journaux romains, sur des blogs, et j’ai eu envie de partager tous ces petits savoirs que j’accumulais. Je voulais donner à lire ce qui ne se disait pas dans les autres guides, comme un melting-pot d’idées. Que se cache-t-il derrière la beauté un peu fanée, un peu dégradée de la ville ? 

Quelles sont les entrées de ce dictionnaire qui vous ont le plus marquées ? 

La toute première que j’ai écrite, qui est un peu impressionniste, émotive : cette onomatopée, ce cri romain : la fameuse exclamation « aho », qu’on entend partout, qui me manquait quand je quittais la ville. Elle peut être joyeuse, énervée, se module au jour le jour et m’accompagne. Ce son est représentatif d’un lâcher-prise que les romains ont, d’une franchise vocale. Une autre entrée est une insulte qui se dit beaucoup à Rome, c’est « li mortacci tua », littéralement « tes sales morts », qui est une insulte proprement romaine, à ne pas dire ailleurs, ce serait trop risqué. Cette insulte très répandue, et parfois aussi affective, montre leur amour des métaphores et l’attachement des romains à leur famille. On me la dit beaucoup quand je roule en scooter ! Une autre entrée que j’aime bien, c’est « parking » : j’y ai répondu en un mot : « sauvage ». Inutile d’en dire plus ! Sinon j’en aurais fait quarante pages. 

Est-ce que cette « sauvagerie » du parking urbain, qui perturbe parfois la circulation ou les piétons, est révélatrice d’une difficulté des romains à se mettre à la place des autres ?

J’essaie d’évoquer cela quand je parle de l’indolence italienne. C’est l’explication que j’ai trouvée à ces actions. C’est une façon de « laisser couler ». Cela vient peut-être d’une municipalité qui n’investit pas dans ses infrastructures, dans les routes, dans les parkings, d’une louve qui a abandonné ses enfants, d’une « mère possessive » comme disait Fellini, qui ne redistribue rien. Ses enfants, du coup, ne font rien non plus pour la ville, ils sont blasés. Comme un boomerang, un cercle vicieux. De plus, les romains sont poussés à avoir une voiture, car les transports fonctionnent mal : ça déborde. Il y a peut-être aussi l’idée qu’historiquement, les romains n’ont pas eu le temps de développer un sens civique, une autonomie, comme tout, avant, était géré par l’Eglise. Ils sont encore en train d’intérioriser l’idée du bien commun. 

Le livre est donc destiné aux touristes de passage, mais aussi à ceux qui vivent ici, qui trouveront un éclaircissement à leurs interrogations.

FHS : Oui, j’ai essayé d’expliquer aussi, en profondeur, pourquoi il n’y a pas assez d’argent pour laver les murs par exemple, qui ressemblent parfois à des mosaïques de tags : les citoyens sont mis à contribution. Même quand on passe juste un week-end à Rome, ce sont des choses qui sautent aux yeux. Comme les ordures dans les rues. J’ai fait une entrée dessus, et aussi sur la structure de la diversité culturelle, sur la Mafia qui a grignoté des pans entiers de la politique et qui s’est rapprochée de la Mairie. C’est ce que j’appelle la Rome sombre. Ce livre, c’est l’aboutissement de mes réflexions, des réponses que je voulais apporter à moi-même. J’ai interrogé beaucoup de personnes différentes pour ce dictionnaire : des doreurs qui m’ont parlé d’art et d’artisanat, ou encore le Muezzin de la Mosquée de Rome : j’ai fait de belles rencontres.

Informations

Rencontre-Dédicace de Fleur de la Haye-Serafini le 20 juin 2019 à 19h, à la librairie Stendhal, Piazza San Luigi dei Francesi 23.

Le dictionnaire insolite de Rome, Fleur de la Haye-Serafini, Editions Cosmopole, sortie en librairie le 7 juin 2019.

 

Olivia KAJDAN AUDIN
Publié le 16 juin 2019, mis à jour le 16 juin 2019

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