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Profiter de l’expatriation pour se reconvertir...est-ce une bonne idée ?

Vous osez le changement de voie professionnelle en expatriation ? Alors là, Chapeau ! Mais est-ce une bonne idée de combiner les deux ? Lepetitjournal.com s’est entretenu avec trois jeunes femmes qui tentent le coup.

nouveau départ dans la vie professionnelle d'un expatrié nouveau départ dans la vie professionnelle d'un expatrié
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 26 février 2023, mis à jour le 20 février 2024

 

 

Milande, Anne-Sophie et Léonore* sont expatriées. La première vit au Royaume-Uni, la seconde au Vietnam et la troisième en Inde. Elles sont toutes les trois trentenaires, mais ce n’est pas la seule caractéristique qui les lie : elles ont changé de métier pendant leur vie à l’étranger. Ont-elles eu une bonne idée ? Quels bénéfices en tirent-elles, ou, au contraire, à quelles difficultés ont-elles fait face ? Comment se passent leur projet professionnel aujourd’hui ? Voici leurs histoires. 

 

Reconversion professionnelle, « J’y vais mais je ne sais pas ce qu’il va se passer… » 

Grâce à une opportunité professionnelle de son mari, Milande s’installe il y a un an à Londres. Bien qu’elle connaisse le pays, l’installation est intense : il faut se loger, trouver rapidement un métier suite à un stage qu’elle réalise à distance. Consultante en agence média en France, Milande sent que cette voie ne colle pas avec sa personnalité : « C’est en cherchant une opportunité au Royaume-Uni que je me suis rendu compte que je voulais changer de métier. Je me lance donc dans une formation autour du métier de la tech, mais je ne sais pas ce qu’il va se passer… ». 

 

La reconversion professionnelle en expatriation

 

En 2019, Léonore démissionne d’un poste en marketing pour suivre son mari en Inde : « J’ai senti que c’était le moment pour tenter la vie à l’étranger. Je ne m’épanouissais plus vraiment dans mon métier, mais j’avais peur de ne pas trouver d’opportunités là-bas… » Et pour cause, Léonore peut difficilement obtenir un visa de travail en tant qu’accompagnatrice . « Douche froide…Puis je me suis dit qu’il était temps de faire le point ». Elle choisit de s’appuyer sur une coach spécialisée. Et puis un jour, ça y est : « J’écrivais bénévolement pour un média français sur l’expérience de l’Inde. J’aimais ça, je m’y investissais de plus en plus. Et si cela devenait mon nouveau métier ? ». 

 

Anne-Sophie vit actuellement sa 4ème expatriation au Vietnam, mais aussi sa 3ème vie professionnelle. Après avoir monté une structure d’art en France, elle vit une expérience dans une maison de ventes aux enchères en Australie, puis monte à nouveau une boutique en France. Mais l’expatriation en Corée du Sud remet un peu sa vie en question : burn out, difficultés à travailler à distance et angoisse liée à l’environnement pollué. Anne Sophie sent qu’elle doit se tourner vers un projet « qui a plus de sens, et qui soit moins « business » ». Au Vietnam, avec son mari, ils se lancent alors dans un projet autour d’une fibre innovante à base de soie, à destination de différents types d’industries (cosmétique, naval…). L’entreprise s’appelle Swa Biotech et collabore vertueusement avec une minorité ethnique “Ma” dans le sud. La production de la matière permet de soutenir le village, de rénover maisons et ateliers et de former la population pauvre volontaire. 

 

Province de Dong Nai, dans le sud du Vietnam
Province de Dong Nai, dans le sud du Vietnam 

 

Se reconvertir à l’étranger, « on sort de sa zone de confort, c’est grisant » 

Qu’est-ce que l’expatriation a eu de positif dans leurs différentes reconversions professionnelles ? Anne-Sophie répond tout de suite « On a plus de temps pour remettre les choses à plat. L’expatriation offre ce temps d’introspection si précieux et cela accélère la réflexion sur ses projets personnels et professionnels » Léonore confirme : « J’ai mis 6 mois environ à vraiment m’installer et me sentir bien en Inde. Ce temps-là, je l’ai aussi utilisé pour me demander concrètement ce que je voulais faire professionnellement. Je me suis documentée, j’ai rencontré des gens, j’ai discuté avec mes proches, je me suis appuyée sur ma coach. ».  Milande réalise que le fait de partir en expatriation challenge beaucoup : « Je suis sortie de ma zone de confort. C’est grisant. Je ne vais pas dire qu’on a plus peur de rien mais on a déjà réussi à partir, alors pourquoi pas s’ouvrir à d’autres projets ? ».

En devenant journaliste pendant son expatriation, Léonore est non seulement sortie de sa zone de confort mais aussi de chez elle : « J’ai exploré ma ville de résidence, l’Inde et sa culture sous toutes les coutures. J’ai rencontré puis raconté les histoires de personnes passionnantes. Dans le cas de mon métier, je pense que vivre à l’étranger m'apportera une valeur ajoutée pour la suite. »  

 

Un nouveau projet à l’étranger, « forcément on va manquer des opportunités »

Au début de sa reconversion et durant sa formation de plusieurs mois, Milande est mitigée. « C'étaient les montagnes russes. J’étais très excitée lorsque je rendais des projets, et en même temps j’étais déprimée, je pleurais souvent, c’était dur d’être dans le flou, j’ai dû m’accrocher. » La jeune entrepreneure se rend vite compte que la formation pour se reconvertir était juste une étape, et que « le vrai boulot est de se vendre ». 

Changer de vie professionnelle à distance n’est donc pas si simple, et ce, pour plusieurs raisons selon les trois jeunes femmes : « La France offre tant d’aides et de subventions pour les entrepreneurs, mais nous pouvons difficilement en bénéficier à l’étranger. Pour ma part, j’ai réussi à trouver un incubateur dédié aux femmes expatriées qui entreprennent, Willa Expat. » précise Anne-Sophie. « Et il y a un autre point noir, ce sont les conditions : travailler sans cesse à distance m’a beaucoup pesé, sans parler du décalage horaire à gérer et qui rallonge les décisions… ».

Milande regrette de manquer des événements importants dans le domaine de la tech : « Il n’y a pas longtemps a eu lieu une conférence sur la tech à Paris. Je rate des opportunités de réseautage, c’est frustrant… » 

 

Changer de voie en expatriation, « mais surtout, surtout, pas seul(e) »

« Tout entrepreneur, en France ou à l’étranger, vit des coups de mou. J’ai un immense soutien de mon conjoint à chaque projet réalisé. Pas le droit de baisser les bras. C’est presque un mentor. » raconte Anne-Sophie. « Et puis financièrement, il faut l’admettre, c’est très sécurisant. De mon côté, il n'y a pas d’argent qui rentre et mon mari ouvre les vannes. ». Léonore est aussi très reconnaissante du soutien de son mari. « J’ai eu beaucoup d’incertitudes. Il m’a toujours épaulé, il relisait les articles, donnait son avis, en parlait autour de lui. Quand j’ai décidé de suivre une formation, il s’est organisé pour être plus présent pour nos enfants. ». Milande se dit beaucoup plus heureuse au Royaume-Uni avec son mari et son nouveau projet, une plateforme de recrutement basée sur un algorithme de matching, Coshaco. « La particularité de mon projet est que les entreprises envoient directement des propositions d’entretiens aux candidats. Je suis aussi en train de développer « le mentoring », pouvoir devenir mentor bénévole. » 

 

Pour en savoir plus sur Coshaco, cliquez sur cette image
Pour en savoir plus sur Coshaco, cliquez sur cette image

 

Durant leur reconversion à l’étranger, Milande et Anne-Sophie ont rejoint le programme Willa Expat. Une expérience qu’elles recommandent : « Cela apporte une structure au projet. Nous pouvons nous entourer d’experts et d’un réseau solide d’entrepreneurs. J’ai appris à pitcher ! » nous confie Milande. « Selon moi, la difficulté de la reconversion est d’y trouver une légitimité. L’incubateur propose des formations de qualité ce qui nous apportent légitimité et crédibilité face au regard des autres » ajoute Anne-Sophie. Les trois jeunes femmes sont unanimes, il ne faut pas se reconvertir seul(e), d’autant plus qu’en expatriation, on est loin de ses proches. S’appuyer sur un accompagnement professionnel, un réseau d’amis, ou un groupe d’entrepreneurs sur place est essentiel, « et pourquoi pas se constituer un « board » de conseillers dans son entourage ! » conclut Anne-Sophie. 

 

*le prénom a été changé