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Italie: Les limites à l’interdiction de licenciement en temps de Covid

Licenciement ItalieLicenciement Italie
Écrit par Lablaw
Publié le 3 janvier 2021, mis à jour le 3 janvier 2021

Depuis le début de la pandémie, les licenciements pour motif économique sont bloqués en Italie. Une interdiction qui a des limites.

 

Dès le début de la pandémie déclarée, le décret « Cura Italia » (décret législatif n ° 18/2020) a interdit les licenciements pour motif économique en Italie. Le blocage a initialement été fixé à 60 jours à compter du 17 mars 2020, avant d’être prorogé de mois en mois par les décrets successifs suivant l'évolution de la courbe épidémiologique de Covid-19 - « Rilancio » (DL 34/2020), « Agosto » (DL 104/2020), « Ristori » (DL 137/2020) - jusqu'au 31 janvier 2021.
La dernière intervention réglementaire est l'actuel projet de Loi de Finances 2021, approuvé et publié au Journal officiel à la fin de l’année 2020.  Elle prolonge l'interdiction des licenciements individuels pour cause réelle et sérieuse et les licenciements collectifs (avec suspension des procédures en cours) jusqu'au 31 mars 2021. Elle introduit en outre une nouvelle période maximale de douze semaines de traitements de subvention salariale pour les périodes comprises entre le 1er janvier 2021 et le 31 mars 2021.

En clair, avec la Loi de Finances 2021, les employeurs - jusqu'au 31 mars 2021 - ne pourront toujours pas :

•    Lancer la procédure de licenciement collectif prévue par la loi n. 221/1991 ;
•    Mettre fin à la relation de travail pour cause réelle et sérieuse, conformément à l'art. 3 de la loi n. 604/1996, quel que soit le nombre de salariés présents dans l'entreprise.

Dans quel cas est-il possible de licencier ?

Toutefois, actuellement (et jusqu'au 31 mars 2021), il existe encore plusieurs situations dans lesquelles l'interdiction de licenciement ne s'applique pas.

Il s’agit notamment des :
•    Licenciements des dirigeants ;
•    Résiliations de contrat d'apprentissage ;
•    Licenciements pour raison disciplinaire ou cause réelle et sérieuse ;
•    Licenciements suivant l’échec de la période d’essai.

Outre les cas précités, l'interdiction de licenciement ne s'applique pas selon les exceptions à la règle générale expressément prévues par les lois précitées. Il s’agit notamment des situations de :
•    Cessation définitive de l'activité, résultant de la liquidation de la société sans poursuite, même partielle de l'activité ;
•    Faillite, sans exercice provisoire de la société, ou la résiliation est ordonnée ;
•    Convention collective d'entreprise, stipulée par les syndicats comparativement les plus représentatifs au niveau national, d’incitation à la cessation du rapport de travail.

Par rapport à cette dernière hypothèse, en attendant que le ministère du Travail n’intervienne directement pour préciser ses indications opérationnelles et clarifier certains points critiques, il est d’ores et déjà possible de donner quelques explications.
L’Art. 12, alinéa 11, du D.L. n. 137/2020, proposant le même libellé de l’alinéa 3 de l'art. 14 du D.L. n. 104/2020 ("décret Août"), établit que la suspension des licenciements pour cause réelle et sérieuse ne s'applique pas en présence d'une « convention collective d'entreprise stipulée par les syndicats les plus représentatifs au niveau national, d'incitation à mettre fin à la relation de travail, et limité aux travailleurs qui adhèrent à l'accord précité ».

Il ressort en outre que tels accords doivent être signés par les syndicats les plus représentatifs au niveau national.
Cela signifie que :
•    L'entrepreneur doit convoquer les syndicats qui ont signé la convention collective nationale (CCNL) applicable à l'entreprise. L'invitation à la rencontre doit être adressée à toutes les organisations syndicales signataires de la CCNL et - étant donné que la loi utilise l’article « des » au lieu du simple « de » - l'accord doit être signé par au moins deux différents organisations syndicales.
•    La loi, faisant expressément référence à la structure nationale des syndicaux (qui peuvent, en tout état de cause, signer des accords à travers leurs propres divisions territoriales de la catégorie), semblerait en fait exclure les représentants syndicaux au niveau de l'entreprise sur la liste de sujets habilités à signer tels accords. Cependant, tant le RSA que le RSU pourront apposer leurs propres signatures sur les accords (s’ajoutant à celles des représentants syndicaux désignés par les organisations syndicales signataires des conventions collectives nationales).
•    Ces conventions collectives ne sont pas structurelles, mais ont un effet limité dans le temps : elles seront valables tant que la suspension des licenciements pour motif économique demeure, c'est-à-dire jusqu'au 31 mars 2021. Cependant, bien que la loi ne l'indique pas expressément, on peut supposer que les travailleurs intéressés par ces accords pourront encore y adhérer même après le 31 mars 2021 (sur ce point, une clarification du ministère du Travail serait toujours souhaitable).
•    Les conventions collectives peuvent déjà définir d'éventuelles sommes à verser comme incitation au départ, en fonction par exemple, de l'ancienneté dans l'entreprise, du niveau professionnel ou encore de la proximité d'une retraite. Cependant, les accords peuvent également se limiter à certifier la nécessité de réduire le personnel employé dans l'entreprise, en se référant à des négociations directes avec l'entrepreneur pour quantifier les montants des « incitations » économiques à verser aux travailleurs individuels.
•    Les conventions collectives, malgré le silence de la norme, devraient également fixer un délai durant lequel les travailleurs concernés doivent adhérer aux principes établis dans l'accord syndical. Dans ce cas, il semble approprié pour l'employé de se joindre par écrit.
•    La loi ne prévoit pas la nécessité de déposer en ligne les accords auprès du ministère du Travail dans les trente jours suivant la souscription (comme il est prévu au contraire, pour d’autres conventions par l'article 14 du décret législatif n. 151/2015).
Enfin, avec l'adhésion à la convention collective par le salarié individuel, la relation de travail prend fin par une résiliation ou une démission consensuelle (techniquement ce n'est donc pas un licenciement). Mais le législateur a prévu, en dérogation au principe général, que dans ce cas, les travailleurs peuvent toujours profiter de Naspi (indemnité de chômage).

Les accords syndicaux visés à l'art. 12 du décret « Ristori » constituent donc le principal outil que les entreprises peuvent utiliser pour déroger à l'interdiction de licenciement pour des raisons économiques, pendant la période d'urgence Covid-19.

Que se passe-t-il en cas de licenciement d’un travailleur malgré l'interdiction en vigueur ?

Notons que les premiers commentateurs du décret « Cura Italia » avaient relevé que la loi introduisant l'interdiction de licenciement, ne précisait pas les sanctions applicables en cas de violation de la norme.

Or, la jurisprudence absolument dominante s’oriente nettement vers la nullité du licenciement.
C’est notamment le cas avec la récente condamnation du Tribunal de Mantoue du 11 novembre 2020 (n. 112/2020). Les juges ont en effet affirmé que l'interdiction générale de licenciement est « une protection temporaire » afin de « sauvegarder la stabilité du marché et du système économique » et que « c’est une mesure de la politique du marché du travail et de la politique économique liée aux besoins de l'ordre public». Dès lors, compte tenu du caractère impératif et de l’ordre public de cette règle, il s'ensuit la nullité des licenciements adoptés en contraste avec cette interdiction, avec en conséquence le droit du travailleur licencié à la réintégration sur le lieu de travail (dans le cas où les protections applicables à la relation sont celles prévues à l'art. 18 loi 300/1970, si le rapport de travail est soumis à la c.d. Tutele Crescenti, visé au décret législatif n. 23/2015).

Au regard de la jurisprudence, il faut donc considérer que toute possibilité de licenciement pour raison économique reste rigoureusement exclue jusqu'au 31 mars 2021, à l'exception des dérogations expressément prévues par la législation, et mentionnées ci-dessus.

 

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