Des dispositions ont été prises par l’Université d’Oxford afin de protéger ses étudiants contre la menace des pouvoirs extraterritoriaux de la Chine, consacrés par la loi de sécurité nationale promulguée le 30 juin 2020 par les instances chinoises.
Les étudiants des cursus spécialisés sur l’étude de la Chine dans le viseur de la loi de sécurité nationale
Certaines universités américaines avaient déjà mis en place des mesures similaires à celles qui viennent d’être annoncées par l’Université d’Oxford. Les étudiants spécialisés dans l’étude de la Chine devront rendre leurs devoirs de manière anonyme, et ne pourront plus participer aux travaux dirigés réalisés en groupe contraints de se transformer en cours privés entre l’élève et le professeur. De plus, il sera considéré comme une infraction au règlement d’enregistrer un cours, ou de le partager à des camarades extérieurs au cursus.
Ces dispositions de protection de l’anonymat et de la liberté académique sont prises à des milliers de kilomètres du territoire chinois car l’article 38 de la loi de sécurité nationale exerce une juridiction extraterritoriale. Cela signifie que la Chine, par ce texte, s’accorde de nombreux droits de surveillance notamment, à l’extérieur de ses frontières. Il procure également la légitimité légale à la police chinoise d’arrêter des citoyens non-résidents chinois ou hongkongais à travers le monde, coupables d’avoir enfreint la loi promulguée par Pékin le 30 juin 2020.
« Les infractions récemment introduites par la loi sont formulées de manière vague, induisant la crainte que n’importe quelle critique contre le gouvernement pourrait être interprétée comme une infraction criminelle », explique Eva Pils, professeur de droit à King’s College London.
Cela explique la volonté d’Oxford d’anonymiser les travaux de ses étudiants, particulièrement de ceux possédant un lien personnel ou familial avec le pays au régime autoritaire. C’est le cas de 120 000 étudiants au Royaume-Uni, un chiffre ayant progressé d’un tiers durant les quatre dernières années. L’impact du covid-19 sur le nombre d’étudiants d’origine chinoise dans les établissements britanniques n’est pas encore précisément connu. Néanmoins, il est certain qu’il continuera d’augmenter dans les mois et années à venir.
Le vice-président de l’organisation Universities UK, doit d’ailleurs s’entretenir avec des intellectuels chinois le mois prochain à propos des conséquences de la loi sur les universités britanniques. Dans le même temps, un groupe d’académiciens est quant à lui chargé d'élaborir une ébauche d’un code de conduite tenu d'être respecté par celles-ci avec ses étudiants menacés par la surveillance chinoise.
« Les étudiants chinois qui arrivent dans nos établissements britanniques viennent d’universités où les classes sont dotées de caméras, où il y a des informateurs payés par l’État pour l’informer de ce qu’il s’y passe. Nous devons être très vigilants, afin que ces pratiques ne s’infiltrent pas dans nos universités », prévient Lord Pattern, ancien gouverneur britannique d’Hong-Kong.
Une loi liberticide…
« Le bon déroulement des travaux dirigés, menés à plusieurs et reposant sur des enquêtes critiques, dépend de la capacité de l’établissement à garantir la liberté d’expression et la liberté académique. […] Mais comment les assurer que la loi chinoise promeut l’autocensure et est dotée de dispositions extraterritoriales ? Comment assurer les libertés démocratiques alors que la Chine se donne le droit d’intervenir de partout ? », s’inquiète Patricia Thornton, professeure de politique chinoise à Oxford.
L’objectif officiel de la loi de sécurité nationale promulguée le 30 juin 2020 d’après le gouvernement chinois est de mettre fin au vandalisme des manifestations pro-démocratie à Hong-Kong, et de ramener la stabilité sur ce territoire. Pour ce faire, elle réprime quatre crimes : la subversion, le séparatisme, le terrorisme et la collusion avec des forces extérieurs. Les peines encourues par les citoyens allant à l’encontre de ce texte vont de dix ans de prison à la perpétuité.
En réalité, l’énoncé de la loi est très vague afin d’élargir au maximum les pouvoirs de la police chinoise. C’est particulièrement le cas de l’article 38 qui stipule que les infractions à la sécurité nationale commises à l’étranger peuvent faire l’objet de poursuites. En réalité, la moindre critique du gouvernement chinois ou du Parti communiste chinois peut être considérée comme une offense. Ce recul brutal de la liberté d’expression est notamment symbolisé par la création d’un Bureau de sécurité nationale de la Chine, chargé de « renforcer la gestion des agences de presse nationale et des ONG ». Ainsi, ce manque volontaire de précisions laisse une grande marge d’interprétation au système juridique chinois sur ce qui doit être considéré comme un crime ou non.
…fermement condamnée par de nombreux pays
À l’annonce de la promulgation de la loi, la réaction du Royaume-Uni a été sans équivoque. En effet, Boris Johnson a affirmé qu’elle viole en connaissance de cause l’accord signé entre les deux États en 1984. Celui-ci, ratifié en 1997, consacrait pour cinquante ans le principe « un pays, deux systèmes ». Concrètement, cela signifie qu’Hong-Kong conserve son économie libérale, possède son propre gouvernement élu ainsi qu’un système juridique respectant l’État de droit, sa monnaie et un passeport donnant accès à tous les pays du monde jusqu’en 1947. Depuis 2013 déjà, avec l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, ces critères étaient de moins en moins honorés.
La réponse du 10 Downing Street a donc été de faciliter l’accession au statut britannique d’outre-mer pour les habitants d’Hong-Kong. Une population d’environ trois millions de personnes s’est donc vue offrir la possibilité de vivre et travailler au Royaume-Uni, puis par la suite, de demander la citoyenneté britannique.
27 membres du Conseil des droits de l’homme des Nations-Unis ont condamné le texte liberticide, dont la France, l’Allemagne et le Japon. Certains ont instauré des mesures punitives concrètes. Taïwan par exemple, a mis en place un Bureau destiné à accueillir les habitants d’Hong-Kong désireux de s’installer sur l’île, tandis que le Canada a suspendu son traité d’extradition avec la région administrative spéciale, ainsi que ses exportations de matériel militaire sensible.
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