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La reine d’Angleterre ne fait pas que de la figuration

Elizabeth II potiche roleElizabeth II potiche role
Écrit par Camille Chorley
Publié le 21 août 2020, mis à jour le 21 août 2020

« La Reine d’Angleterre ne sert à rien ». C’est une affirmation que peut être beaucoup d’entre vous, ont entendue quelques fois lors d’une discussion autour d’un verre ou seulement à la volée par-ci par-là. Si vous avez l’intime conviction que la Reine d’Angleterre est une potiche, voici ce qui pourrait vous convaincre du contraire.

Au coeur de Londres, sur la place de Covent Garden, je passe devant une boutique de souvenirs. Tasses, bibelots, porte-clés, tous à l’effigie de la Reine d’Angleterre se dispersent dans le magasin au même titre que des boules de neige avec le London Bridge ou encore des cartes postales avec le London Eye. La monarchie c’est le monument du Royaume-Uni. Selon le Larousse, « un monument » est un ouvrage d’architecture destiné à perpétuer la mémoire d'un homme ou d'un événement remarquable. La Reine d’Angleterre, en tant que chef d’État perpétue la mémoire britannique. La Famille Royale, le monarque… C’est une marque. C’était une marque il y a 500 ans. C’était une marque il y a déjà 1000 ans.

La reine Elisabeth II règne sur le Royaume-Uni depuis le 2 juin 1953, jour de son couronnement à l’Abbaye de Westminster. Cela fait 67 ans qu’elle est la souveraine officielle de quinze royaumes membres du Commonwealth, de la Barbade au Canada en passant par la Nouvelle-Zélande, les Bahamas, l'Australie, les Grenadines, la Jamaïque, etc. C’est la princesse qui n’aurait jamais dû devenir une Reine. Seulement, lorsque son oncle abdique, son destin se forge et alors elle marque l’histoire par son règne à la fois long et stable. Potiche sans pouvoir pour les uns, symbole de l'identité britannique pour les autres. Pourquoi Lilibeth ne sert-elle vraiment pas à rien?

« L’homme est un animal social » comme le dit Aristote. La société pousse l’homme à construire sa vie, acquérir son autonomie et son identité. Qu’est-ce qui définit ce que nous sommes aujourd’hui ? Légalement, l’identité ce n’est qu’un nom, une date de naissance, un sexe. Ce sont donc des éléments qui nous différencient des autres. Cependant, l’identité est ce qui fait qu'un être vivant est le même qu'un autre. C'est aussi la possibilité de regrouper plusieurs de ces êtres vivants sous un même concept ou une même idée. Sous une nation.

Ernest Renan formule l'idée qu'une nation repose à la fois sur un héritage passé, qu'il s'agit d'honorer, et sur la volonté présente de le perpétuer. Il est ici le vrai pouvoir de la Reine. Stabilité et identité pour maintenir à flot une nation que partagent les Britanniques. C'est sans doute son rôle le plus important.

Un rôle uniquement honorifique ?

Il faut bien comprendre que pratiquement tous les symboles du Royaume-Uni tournent autour de cette institution monarchique. Hymne national, Royal Mail, gardes royales… De nombreuses cérémonies dictent le quotidien de la nation comme le recensement des cygnes, la relève de la garde, la cérémonie des clés, la cérémonie d’ouverture du parlement ou encore le salut aux couleurs. Il est donc bien difficile de s’imaginer un jour le pays sans toutes ces coutumes. La Reine s’immisce aussi dans l’intimité de ces citoyens en offrant par exemple chaque lendemain de Noël, un discours personnalisé selon les dernières nouvelles tout en souhaitant un bon réveillon à ses sujets. L'année dernière, le discours de Noël de la Reine a été regardé par 6,3 millions de personnes. D’ailleurs, en cette période sanitaire compliquée, elle a exceptionnellement délivré un discours de force et d’union. Ce n'était que la cinquième fois, hors voeux, que la Reine prenait ainsi la parole publiquement.

Pourtant, son rôle n’est pas uniquement cérémonial. En effet, chaque semaine, le monarque britannique et le Premier ministre se rencontrent lors d’un entretien sans témoin ni enregistrement. Moment privilégié pour la Reine, qui a su donner son avis sur la politique, faire infléchir certaines positions voire apposer son veto, comme en 1999 concernant les frappes militaires en Irak. La reine d’Angleterre, compte au total 12 Premiers ministres, dont Winston Churchill.

Le gouvernement change, la reine reste.

Cette position d'arbitre et de conseiller préserve la monarchie des turbulences politiques. Elle renforce son image de garante des institutions et des traditions. Comme notre président de la République, la reine est chef des armées et elle nomme le Premier ministre issu de la majorité parlementaire. Elle est également chef de l'Église anglicane depuis que son prédécesseur Henri VIII s’était séparé de la papauté. Elle peut s'opposer à des lois, accepter ou refuser la dissolution du Parlement. Donc en théorie bloquer ou influer la vie politique du pays, ce qui n'arrive jamais car Élisabeth II tient à son impartialité politique. Selon la célèbre maxime du journaliste politique Walter Bagehot : « La reine règne mais elle ne gouverne pas ». Encore aujourd’hui, personne ne peut réellement savoir ce en quoi la reine croit. D’où vient l’idée, que certains partagent, que la reine ne serait absolument pas nécessaire. Cependant, il est absolument nécessaire, justement, qu’elle ne s’immisce pas dans la vie politique.

Ce modèle politique réussit bien au pays. La dissociation entre ces deux rôles, le représentatif et l’exécutif, peut interroger quant à notre propre constitution française. Entre président de la République, Premier ministre et gouvernement, la constitution française laisse place à plusieurs interprétations sur la manière dont on peut occuper ces postes. D’ailleurs chaque président disposait de leur propre vision de la fonction. Par ailleurs, Charles de Gaulle refusait toute idée de dyarchie, c'est-à -dire de partage du pouvoir exécutif entre le président et le Premier ministre. Pour lui le rôle du Premier ministre est d'appliquer la politique définie par le président. Si beaucoup de ses successeurs ont suivi la même démarche, Emmanuel Macron semble se positionner différemment en souhaitant incarner un président « Jupitérien ».

Une légitimité (presque) infaillible

Il est évident que la France a fait dernièrement face à une crise de représentativité. En Angleterre, la légitimité du monarque est incontestable alors que celle d’Emmanuelle Macron a été remise en question à plusieurs reprises lors des nombreuses manifestations des gilets jaunes.

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