La série évènement Gangs of London, sortie pendant le premier confinement, a rencontré un large succès malgré la spécificité de son genre. La saison 2 est sortie le 20 octobre au Royaume-Uni. Certains la décrivent comme la série la plus violente du petit écran. Le spectateur plonge dans un Londres contemporain et rongé par la violence entre gangs rivaux. Qu’en est-il réellement des gangs à Londres ?
Gangs of London se déroule dans un Londres imaginé mais contemporain, torturé par la violence entre les gangs de criminels. La série suit la famille Wallace qui vient de perdre son patriarche, assassiné. La succession difficile révèle des intrigues et complots entre les différents protagonistes, ainsi qu’une soif de vengeance que rien ne semble assouvir. Parmi le talentueux casting, on retrouve notamment Joe Cole (Peaky Blinders) et Michelle Fairley (Game of Thrones), déjà habitués aux scénarios ultra-violents.
La série, créée par Gareth Evans (déjà connu pour The Raid 1&2) a séduit les amateurs du genre d’action : les images sont belles mais très brutales, sanglantes et viscérales. Le scénario ne convainc pas toujours, mais la violence est indéniablement bien retranscrite. Si les gangs sont imaginés, on a cependant entendu parler de leur violence - bien réelle - à Londres depuis une dizaine d’années et particulièrement en 2021.
Gangs of London … pour de vrai
La violence des gangs londoniens existe vraiment et comme nous l’apprend une enquête de Street Press : on la nomme la postcode war. En 2021, ce sont pas moins de 30 adolescents qui sont morts selon la police de Londres. Ce chiffre - très impressionnant - rappelle l’année 2008 qui avait vu mourir 29 jeunes. La raison invoquée ? Les conséquences de rixes entre gangs rivaux.
La postcode war, une guerre de gangs particulière
Les gangs londoniens sont formés à partir des codes postaux des différents quartiers, 163 en tout pour Londres. Comme on trouve en France des guerres de cités, il existe à Londres à peu près l’équivalent, qui s’organise autour des codes postaux. Les gangs sont moins organisés que ceux très connus aux États-Unis (Bloods, Crips) ou au Mexique (MS-13). Ils résultent plutôt de groupes d’amis, vivant dans le même quartier, fréquentant le même lycée, qui se retrouvent ensuite en conflit avec le groupe d’en face. Dans ces gangs, il n’y a pas de hiérarchie aussi claire que dans les autres. Tous les jeunes impliqués (et parfois tués) ne sont pas forcément membres du gang. Parce qu’ils vivent dans un quartier concerné, il est facile pour eux de se retrouver mêlés à ces histoires de rivalité.
Une jeunesse délaissée par les pouvoirs publics britanniques
Comment expliquer le taux de dangerosité de ces quartiers ? Majoritairement habités par des communautés défavorisées, ces quartiers ont progressivement été abandonnés des services publics (notamment depuis la politique d’austérité à l'œuvre depuis une dizaine d’années). Comme le rappelle Street Press, entre 2011 et 2021, 43 millions d’euros ont été supprimés du budget alloué à la jeunesse (-44%), 130 maisons de quartiers ont été fermées et 600 postes d’éducateurs supprimés. Plus de commissariats, plus de maisons de jeunes et nulle part où accueillir les victimes d’attaques. Coincés dans leurs zone délimitée par leur code postal, les jeunes sont dans un cercle vicieux de violence.
Interviewée par Street Press, la députée écologiste Siân Berry dénonce le lien direct entre les coupes budgétaires et la montée des émeutes et de la violence. Elle estime qu’au lieu de retirer des moyens, il aurait fallu investir dans les services pour cette jeunesse oubliée. La crainte des violences policières grandit le fossé entre les jeunes des quartiers défavorisés et la police. Ainsi, ils préfèrent rendre justice eux-mêmes en cas d’incidents (souvent avec des rixes et règlements de comptes) plutôt qu’appeler les autorités.
La drill, coupable de la violence dans les quartiers de Londres ?
La version des autorités pour expliquer ces violences ? La mauvaise influence de la drill. La drill est un genre musical (sous genre du hip-hop) né dans le South Side de Chicago dans les années 2010. Elle arrive à Londres en 2013 et se caractérise par de puissantes basses, des paroles sombres et violentes, des chanteurs très jeunes et des clips vidéos les mettant en scène avec cagoules, couteaux etc. Non sans une petite dose de provocation, ces musiques témoignent surtout du quotidien très difficile de la jeunesse défavorisée de Londres. La drill est souvent ciblée par les autorités, qui supprime régulièrement des clips vidéos, expliquant qu’ils incitent à la violence. La drill est pourtant défendue comme un moyen d’expression indispensable par ses amateurs - d’autant qu’elle trouve son public.
Lire aussi : Violence, crimes, jeunesse : qu’est-ce que la drill ?
Les gangs existent donc bien, et sont un problème majeur à Londres, qui a décompté 30 morts parmi ses adolescents en 2021. Des pistes de réflexion pour améliorer la situation sont proposées par des universitaires, associations et députés : investir dans la jeunesse par l’éducation, les lieux de proximité comme les maisons de quartier, des groupes de paroles, des programmes de sorties de la « matrice » des gangs. L’Écosse a déjà réfléchi sur le sujet et les initiatives se sont avérées fructueuses, bien que la situation soit loin d’être aussi grave qu’à Londres.
La saison 2 de Gangs of London est sortie le 20 octobre au Royaume-Uni à raison d’un épisode par semaine sur Sky Atlantic et NOW (17 novembre sur AMC et Starzplay en France).
Pour en savoir plus sur les gangs :
- Série Knives de Street Press
- Gangs of London saison 1&2
- Blue Story
- Top Boy