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Le contrat de mariage dans un contexte international : tout ce qu’il faut savoir

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Écrit par Notaires de France
Publié le 25 avril 2022, mis à jour le 30 août 2023

Le contrat de mariage est un élément particulièrement important dans un contexte international tel qu’une expatriation. Il permet notamment de garantir la continuité de son régime matrimonial à l’étranger et de se prémunir de la mutabilité automatique. La notaire Me Marianne Sevindik nous aide à mieux comprendre les spécificités et enjeux du contrat de mariage dans un contexte international.

 

Lepetitjournal.com : Pouvez-vous tout d’abord nous rappeler la définition et l’intérêt d’un contrat de mariage ?

Me Sevindik : Le contrat de mariage est un acte rédigé par un notaire, signé par les futurs époux avant leur union, pour choisir un régime matrimonial ; lequel régime va régir les relations patrimoniales des époux.

À défaut de contrat de mariage, les époux seront soumis au régime matrimonial légal. En France, le régime légal est celui de la communauté réduite aux acquêts.

Les couples internationaux (binationaux, de nationalités différentes, résidents à l’étranger) bénéficieront de possibilités supplémentaires ; ils pourront établir un acte de désignation de loi applicable à leur régime matrimonial qui va intégrer le choix d’un régime matrimonial. Ce choix pourra porter non seulement sur le régime légal mais également sur l’un des régimes conventionnels.

L’intérêt pour tout couple d’établir un contrat de mariage est de choisir, parmi les différents types de régimes matrimoniaux pouvant exister, celui qui lui sera le mieux adapté mais également d’adjoindre des clauses personnalisées.

Le couple, en choisissant le régime matrimonial, va fixer les règles pendant leur union comme le caractère propre ou commun des biens acquis ou reçus pendant leur union, ou encore si les créanciers de l’un pourront saisir ou non ces mêmes biens.

Ce contrat pourra également contenir des règles applicables lors de la dissolution du régime en cas de divorce ou de décès.

Signer un contrat présente un intérêt supplémentaire pour un couple international, celui de fixer les règles applicables au couple face à la diversité des règles internes étrangères et des règles de droit international privé.

Ces couples peuvent être en effet confrontés aux changements de nationalité, aux changements de domicile, et procéder à des acquisitions dans des pays différents ; le contrat de mariage permettra une certaine stabilité et prévisibilité.

Dans la majorité des cas, ce contrat peut faire l’objet d’une modification au cours de la vie du couple.

 

Un couple de Français ou de binationaux qui vit à l’étranger peut-il établir un contrat de mariage dans son pays d’expatriation ? Comment s’y prendre ?

Le contrat de mariage peut être régularisé devant une autorité compétente locale.

Il peut être établi en France devant un notaire Français, depuis l’étranger. L’article 1394, alinéa 1er, du Code civil permet de donner procuration pour qu’un contrat soit établi par un notaire en France. Cette procuration doit être authentique, spéciale et contenir le texte intégral du projet d’acte.

Depuis peu, cette procuration pourra être établie par comparution à distance (Cf. décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020).

 

Pourquoi est-il important de réaliser un contrat de mariage dans un contexte international ? Que se passe-t-il en l’absence de contrat de mariage et de choix de loi applicable ?

Dans un contexte international, en l’absence de contrat de mariage et de choix de loi applicable, il convient de se reporter aux règles suivantes :

 

  • Pour les couples mariés avant le 1er septembre 1992 :

Les tribunaux français appliquent le principe d’autonomie de la volonté, c’est-à-dire que les époux étaient soumis à la loi qu’ils avaient désignée (sans limites de choix), soit de façon expresse, soit à défaut, de façon tacite.

Pour le cas où les époux n’avaient pas fait de choix exprès, ils étaient réputés avoir choisi la loi de leur premier domicile matrimonial, c’est-à-dire leur premier domicile commun, effectif et stable.

Les juges considéraient que ce premier domicile devait avoir été fixé pendant au moins deux ans pour que l’on puisse en déduire que les époux avaient implicitement choisi de se soumettre au régime du pays en question

S’agissant d’une présomption simple, les époux pouvaient apporter la preuve contraire.

Cette loi était unique (elle s’appliquait à l’ensemble du patrimoine des époux) et permanente (le changement ultérieur de nationalité ou de résidence n’avait pas d’incidence)

 

  • Pour les couples mariés entre le 1er septembre 1992 et le 29 janvier 2019 :

Il y a lieu d’appliquer la convention de La Haye signée le 14 mars 1978 et entrée en vigueur le 1er septembre 1992 (uniquement ratifiée par la France, les Pays-Bas et le Luxembourg).

Là encore, les époux étaient soumis à la loi qu’ils avaient désignée, soit de façon expresse, soit à défaut, de façon tacite.

La convention de La Haye a toutefois restreint les choix ouverts aux couples aux lois suivantes (article 3 de la convention) :

- la loi de l’État dont l’un des futurs époux avait la nationalité ;

- la loi de l’État dont l’un d’eux avait sa résidence habituelle ;

- la loi du premier État sur le territoire duquel l’un des époux établirait sa nouvelle résidence habituelle après le mariage.

Par ailleurs et spécialement pour les immeubles, les époux pouvaient choisir la loi de leur lieu de situation (donc pas d’unité du régime matrimonial) (article 3. 2 de la convention).

 

À défaut de choix exprès, la loi applicable était alors :

- la loi de l’État sur le territoire duquel les époux ont établi leur première résidence habituelle après le mariage (sans durée minimum) ;

- à défaut la loi de la nationalité commune ;

- à défaut la loi de l’État avec lequel ils présentent les liens les plus étroits.

 

La convention de La Haye, prévoit pour ces époux, trois cas de mutabilité automatique de leur régime matrimonial :

  • Lorsque les époux fixent leur résidence dans l’État de leur nationalité commune.
  • Lorsque les époux auront résidé dans un État pendant plus de 10 ans après leur mariage.
  • Lorsque les époux qui n’avaient pas établi sur le territoire du même État leur résidence habituelle après le mariage (et donc étaient soumis à la loi de leur nationalité commune) fixent leur résidence dans un même État

Cette modification automatique n’a en principe d’effet que pour l’avenir et le régime matrimonial sera régi par deux lois successives (sauf décision contraire des époux et sous réserve que ce choix ne porte pas atteinte aux droits des tiers).

Cette mutabilité automatique non seulement surprend les couples qui se trouvent soumis à un régime non souhaité mais engendre des difficultés de liquidation des régimes successifs.

 

  • Pour les couples mariés à compter du 29 janvier 2019 :

L’article 26 du règlement européen (UE) 2016/1103 du 24 juin 2016[1], fixe de manière hiérarchisée les facteurs de rattachement pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial, à savoir :

  • a) la première résidence habituelle commune des époux après la célébration du mariage ;

À l’instar de la convention de La Haye, c’est un critère de fait (la résidence) et non de droit (le domicile) qui est retenu.

Le considérant 49 précise la première résidence commune des époux «peu après le mariage », sans indiquer de minimum de durée.

 

  • b) À défaut la nationalité commune des époux au moment de la célébration du mariage ;

Ce critère ne sera pas applicable si les époux ont plus d’une nationalité commune.

 

  • c) À défaut la loi de l’État avec lequel les époux ont ensemble les liens les plus étroits au moment de la célébration du mariage, compte tenu de toutes les circonstances.

Le considérant 49 précise que lorsque ce dernier critère est appliqué, toutes les circonstances devraient être prises en compte, étant entendu que ces liens devraient être appréciés en se référant au moment de la conclusion du mariage.

Il faut donc rechercher (tout comme pour les époux soumis à la convention de La Haye) l’État avec lequel les époux sont les plus proches. Il pourra être tenu compte du centre de leurs intérêts pécuniaires, de la situation des biens, du domicile ou de la nationalité de l’un des époux...

 

L’article 26 ajoute également une exception à l’application de la loi de la première résidence habituelle, et ce, à titre exceptionnel et à la demande de l'un des époux ; l’autorité judiciaire compétente pourra décider que la loi de la dernière résidence habituelle s’applique au régime matrimonial mais à charge pour cet époux de démontrer la réunion de certaines conditions.

Pour les couples mariés après le 20 janvier 2019, le règlement met fin à la mutabilité automatique du régime matrimonial.

 

→ Pour en savoir plus, consultez l’article « Comment changer de régime matrimonial en 2021 en tant qu’expatrié ».

 

Quelles lois peuvent être choisies par le couple d'expatriés français ou binationaux ?

Conformément à l’article 22 du règlement régimes matrimoniaux du 24 juin 2016, les époux pourront choisir l'une des lois suivantes :

  • la loi de l'État dans lequel au moins l'un des époux ou futurs époux a sa résidence habituelle au moment de la conclusion de la convention ;
  • la loi d'un État dont l'un des époux ou futurs époux a la nationalité au moment de la conclusion de la convention.

 

Un contrat de mariage établi à l’étranger sera-t-il valable en France ?

Bien sûr à condition de respecter les règles de fond et de formes applicables.

 

Les règles de fonds sont prévues à l’article 24 du règlement régimes matrimoniaux du 24 juin 2016 :

L’existence et la validité du contrat sont soumises à la loi applicable en vertu de l’article 22 de la convention (cf ci-dessus).

Toutefois, pour établir son absence de consentement, un époux peut se fonder sur la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie s'il ressort des circonstances qu'il ne serait pas raisonnable de déterminer l'effet du comportement de cet époux conformément à la loi applicable en vertu de l’article 22.

 

Les règles de formes sont prévues à l’article 25 du règlement régimes matrimoniaux du 24 juin 2016 

Le règlement impose un formalisme a minima. Le contrat (ou convention) doit être formulé par écrit, daté et signé par les deux époux. Cette règle matérielle s’applique dans tous les cas et apparaît comme étant impérative. Les supports électroniques sont admis.

En outre, le couple devra faire attention aux règles supplémentaires qui pourraient être applicables, à savoir :

  • Si les deux époux résident au jour de la conclusion de la convention, dans un État participant au règlement 2016/1103 (Voir la liste des États concernés ci-dessus) dont la loi prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions matrimoniales, ces règles s’appliquent ;
  • Si les époux ont leur résidence dans des États participants différents et si les lois de ces États prévoient des règles formelles différentes pour les conventions matrimoniales, la convention est valable si elle satisfait aux conditions posées par l’une de ces lois ;
  • Si au moment de la conclusion de la convention, l’un des époux seulement à sa résidence habituelle dans un État participant, et si la loi de cet État prévoit des règles formelles supplémentaires pour les conventions matrimoniales, ces règles s’appliquent.
     

Si la loi applicable au régime matrimonial prévoit des règles formelles supplémentaires, ces règles s'appliquent.

Lors de la transcription du mariage (s’il a lieu à l’étranger), il conviendra de préciser qu’un contrat de mariage a été reçu afin que son existence soit mentionnée en marge de l’acte de transcription ainsi que dans le livret de famille.

 

Avez-vous d’autres conseils à donner aux époux ou futurs époux expatriés pour les aider à gérer leur situation matrimoniale à l’étranger ? 

Oui, un maître mot « prévisibilité ».

Compte tenu de ce qui précède, il est important de fixer son régime matrimonial, soit par un acte confirmant son régime matrimonial ou un acte de désignation de loi applicable.

Il est important pour les époux de choisir la loi applicable dans les domaines qui touchent, savoir :

  • à leur régime matrimonial comme le leur permet le règlement UE n° 2016/1103 « règlement régimes matrimoniaux »
  • à leur divorce comme le leur permet le règlement UE n° 1259/2010 dit « règlement ROME III »
  • aux litiges à naître en matière d’obligations alimentaires n°4/2009 du 18 décembre 2008 dit « règlement aliments »

Et peut-être même de faire des choix de juge lorsque celui-ci est possible.

Aujourd’hui le choix du juge n’est pas possible en matière de divorce. Certains juges font fi du régime matrimonial, alors les résultats attendus par le choix du régime matrimonial ne seront pas ceux escomptés.

Il convient de prendre le maximum de garanties rédactionnelles.

Au Royaume-Uni par exemple, la notion de régime matrimonial n’est pas connue.

Un «prenuptial agreement» peut être régularisé, et pour que celui-ci soit valable il faut un contrat, qu’il contienne l’inventaire du patrimoine existant des deux futurs époux (disclosure), que chaque futur époux soit assisté par un conseil indépendant (avocat) et qu’un délai ait été respecté avant la signature du contrat. À défaut, le juge anglais pourrait écarter cette convention.

Ensuite, les conséquences financières de la séparation sont différentes s’agissant de la prestation compensatoire.

Alors que les juges français déterminent la prestation compensatoire au regard des besoins du créancier et des ressources du débiteur, et l’allouent pour compenser les disparités existantes, les juges anglais sont plus généreux et la fixent sur le critère de l’équité (fairness). Le juge anglais va prendre en compte tous les biens détenus par les époux, non seulement ceux qu’ils détenaient avant le mariage mais également ceux dont ils ont hérité nonobstant le régime matrimonial.

En tout état de cause, il faut contacter son notaire pour avoir toutes explications sur la notion de régime matrimonial, sur l’existence éventuelle d’un régime primaire, et également sur les conditions applicables au choix de loi eu égard au règlement concerné.

 

 

[1] Coopération renforcée liant 18 États membres de l’Union Européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, France, Finlande, Grèce, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, République Tchèque, Slovénie, et Suède.

 

Marianne notaire de france

Banque des territoires

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