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Comment changer de régime matrimonial en 2021 en tant qu’expatrié ?

deux bagues de mariage deux bagues de mariage
Écrit par Notaires de France
Publié le 7 février 2022, mis à jour le 8 février 2022

Une expatriation a un impact direct sur la situation juridique d’un couple, et un changement de régime matrimonial peut parfois s’imposer. Mais comment modifier son régime matrimonial en tant que non-résident ? Quels sont les enjeux, les démarches et les spécificités à connaître ? La notaire Me Marianne Sevindik nous apporte ses lumières sur cette question essentielle.

 

Lepetitjournal.com : Peut-on tout d’abord rappeler les différents types de régimes matrimoniaux qui existent ?

Me Marianne Sevindik : Avant même de voir les différents types de régimes matrimoniaux, rappelons que le régime matrimonial va fixer les droits et obligations des époux pendant leur union.

À défaut d’avoir choisi leur régime matrimonial au moyen d’un contrat de mariage, les époux seront soumis automatiquement au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts.

 

Les époux ont le choix entre deux grandes familles de régimes matrimoniaux : le régime communautaire et le régime séparatiste.

Dans le régime communautaire (réduite aux acquêts), il y aura 2 catégories de biens : les biens propres à chaque époux et les biens communs aux deux époux.

  • Les biens propres comprennent les biens que chaque époux possède avant le mariage et ceux dont il devient propriétaire pendant le mariage par donation ou succession. Les dettes attachées à ces biens restent également personnelles à l’époux.
  • Les biens communs sont ceux achetés pendant le mariage. Seront aussi des biens communs tous les revenus, gains et salaires encaissés et les économies réalisées, que ceux-ci proviennent de l’activité professionnelle ou de biens propres ou communs (loyer, intérêts des placements, dividendes…). En contrepartie, les dettes nées après le mariage incombent aux deux époux.

 

Ce régime peut être accentué, en adoptant un régime de communauté universelle. Tous les biens peu importe leur origine seront communs, et les dettes également.

 

Dans le régime séparatiste (pure et simple) :une seule catégorie de biens

  • Chaque époux conserve tant le patrimoine qu’il possède au jour du mariage que ce qu’il achète après le mariage.
  • Chaque époux conserve les revenus, gains et salaires encaissés et les économies réalisées
  • Chaque époux paie ses propres dettes.

Ce régime peut être assoupli en ajoutant une société d’acquêts (« une communauté de certains biens »).

 

Un régime hybride : la participation aux acquêts

Pendant le mariage, les époux seront dans le même système que le régime de la séparation de biens. Lors d’un divorce ou d’une succession, l’enrichissement des époux sera réparti de manière égalitaire (comme dans un régime de communauté) grâce à la créance de participation qui sera calculée par le notaire.

Il existe des règles qui s’appliquent peu importe le choix du régime matrimonial comme le devoir de fidélité, assistance et secours, la contribution aux charges du mariage en fonction des facultés respectives des époux, la solidarité des époux pour les dettes concernant l’entretien du ménage et l’éducation des enfants, et l’obligation d’avoir le consentement de son époux pour vendre un bien propre qui constitue le logement de la famille.

 

Quel est l’impact d’une expatriation sur le régime matrimonial ?

Pour les couples mariés sans contrat de mariage à partir du 29 janvier 2019, le régime matrimonial sera, en application de l’article 26-1 du règlement (UE) n°2016/1103 du 24 juin 2016 dit « règlement régimes matrimoniaux », déterminé eu égard à leur première résidence habituelle commune après le mariage.

 

Exemple, un couple marié en France, qui établirait sa première résidence habituelle commune au Royaume-Uni sera donc soumis à un régime de séparation de biens.

 

Pour les couples mariés, sans contrat, avant cette date, le risque de l’expatriation est de subir une modification de leur régime matrimonial à leur insu. En effet, en application de la convention de La Haye de 1978 entrée en vigueur depuis le 1erseptembre 1992, la loi du pays d’expatriation, sur le territoire duquel le couple va établir sa résidence habituelle, pourra se substituer à celle de la France, dans 3 cas :

  • Si le couple fixe sa résidence habituelle dans un pays et la nationalité de ce pays est celle des deux époux ou le devient
  • Si le couple fixe sa résidence habituelle pendant plus de 10 ans dans ce pays,
  • Si le couple fixe sa résidence habituelle dans un pays, alors que le régime matrimonial était soumis à la loi de l’Etat de la nationalité commune

 

Exemple, un couple de nationalité turque, mariés en France en 1995, sans contrat, et ayant leur résidence habituelle commune depuis cette date en France, s’expatrie en Turquie en 2021. Ils seront soumis automatiquement au régime légal turc de la participation aux acquêts parce qu’ils sont tous les deux de nationalité turque. 

Si ce même couple s’expatrie au Royaume-Uni, et fixe sa résidence habituelle pendant plus de 10 ans, le couple sera soumis au régime britannique de la séparation de biens par suite de la mutabilité automatique au bout des 10 ans de résidence. Si ce couple marié n’avait pas eu de résidence habituelle commune en France, il aurait été soumis dans un premier temps au régime légal turc (loi de leur nationalité commune). Puis ce même couple, décidant de s’installer en Roumanie, aurait été soumis au régime légal roumain.

 

Deux régimes matrimoniaux coexisteront à l’insu du couple ! Ce changement de régime aura pour conséquence de changer les droits et obligations des époux sur leur patrimoine. Ce nouveau régime déterminera ainsi si les nouveaux biens acquis pendant l’expatriation seront propres ou communs, si les dettes seront personnelles ou communes. Ce nouveau régime fixera également les droits en cas de décès ou de divorce. 

 

Dans quels cas de figure peut-il être nécessaire de changer de régime matrimonial ?

La création d’une entreprise par l’un des époux, susceptible de faire courir un risque, incitera au changement de régime matrimonial afin de passer d’un régime de communauté à une séparation.

 

Un couple arrivant à la retraite, avec un patrimoine très différent, et actuellement soumis à un régime de séparation pourrait très bien faire le choix d’un régime communautaire pour que les revenus deviennent communs.

 

Un conjoint soucieux d’apporter plus de protection à son époux / épouse, pourrait également adjoindre des clauses de préciput pour permettre au conjoint de prélever des biens avant tout partage et sans indemnité lors de la succession.

 

Un couple marié, et possédant des patrimoines très disproportionnés pourrait également faire le choix d’une communauté universelle, afin de transmettre plus facilement et à moindre coût leurs biens, en programmant en même temps que le changement de régime, des donations-partages au profit des enfants.

 

Pour un couple de Français ou de binationaux expatriés, dont le mariage a été célébré à l’étranger, quelles sont les conditions à remplir pour changer de régime matrimonial ?

Ce couple pourra recourir soit au changement de régime matrimonial, soit au changement de loi applicable.

 

Dans le premier cas, les époux se verront appliquer les règles de droit interne du changement de régime matrimonial. Règles plus contraignantes, plus lourdes et plus onéreuses que le deuxième choix.

 

Dans le deuxième cas, les époux actuellement soumis à un régime étranger désignent la loi française comme applicable à leur régime, pour ensuite choisir dans le droit français le régime matrimonial souhaité. Ce régime peut être tant le régime légal qu’un régime matrimonial conventionnel. 

Ce deuxième cas est une option supplémentaire s’offrant aux couples en présence d’un élément d’extranéité, comme la binationalité ou le mariage à l’étranger.

 

Quelles formalités les époux devront-ils réaliser pour opérer ce changement ?

Il faut un accord des parties et recourir à un notaire pour établir un acte. 

Pour le changement de régime matrimonial : cet acte notarié comprendra la liquidation du régime matrimonial actuel si nécessaire et doit respecter l'intérêt de la famille (intérêt du couple ou de l’un seul).

En présence d’enfants mineurs, le notaire vérifie que leurs intérêts sont préservés. S’il juge que ce changement peut préjudicier gravement aux intérêts des enfants, il peut s’adresser au juge.

 

En présence d’enfants majeurs, le changement doit leur être notifié.

Les enfants majeurs des époux et les créanciers disposent d'un droit d'opposition au changement de régime. Les contestations doivent être transmises au notaire qui établit l'acte, une homologation judiciaire sera alors nécessaire.

 

Les honoraires fixes du notaire sont de 188,68 € hors taxes auxquels s’ajoutent la tva et les émoluments de formalités et un droit d’enregistrement de 125 €. S’il y a liquidation, il sera tenu compte des valeurs indiquées à l’acte tant pour la rémunération du notaire que pour la publicité foncière le cas échéant.

 

Pour la désignation de loi applicable : un acte notarié sera nécessaire. Les honoraires fixes du notaire sont de 188,68 € hors taxes auxquels s’ajoutent la TVA et les émoluments de formalités. Le coût global de cet acte est d’environ 250 €.

 

Quel régime matrimonial peuvent-ils alors choisir ?

La désignation de loi applicable permettra de choisir la loi de l’Etat de la résidence habituelle ou la loi de l’Etat de la nationalité. Et ensuite, il est admis que non seulement le régime légal de cet état mais également l’un des régimes conventionnels pourra être adopté.

 

Avez-vous d’autres conseils à donner aux expatriés pour leur permettre de garder la main sur la situation juridique de leur couple ?

Un aperçu des droits et de la fiscalité des successions du pays d’expatriation est également important. Le notaire pourra réaliser ce travail si nécessaire en collaboration avec un juriste local.

 

Il est aujourd’hui possible de faire des « professio juris », cela signifie que l’on peut faire le choix de la loi pour régir les aspects civils de sa succession.

 

 

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Publié le 7 février 2022, mis à jour le 8 février 2022
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