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Ségolène Royal : « Je me sens très proche des Français de l’étranger »

Ségolène Royal, candidate aux SénatorialesSégolène Royal, candidate aux Sénatoriales
Écrit par Damien Bouhours
Publié le 13 avril 2021, mis à jour le 14 avril 2021

Dans cette interview exclusive, Ségolène Royal annonce sa candidature aux prochaines élections sénatoriales. L’ancienne ministre et présidente de la COP21 pour le climat évoque avec nous les raisons de cette décision, les thématiques qu’elle souhaite défendre et son attachement pour les communautés françaises du monde.

 

C'est un retour aux sources

Pourquoi souhaitez-vous vous présenter aux prochaines Sénatoriales ?

C'est un retour aux sources, une fidélité à une part de mes racines. Je suis née en Afrique, à Ouakam au Sénégal. J’ai puisé dans cette dimension une ouverture sur le monde dans chacune de mes actions et je sais d’expérience que par leur présence, leur travail, leurs familles, les Français établis à l'étranger sont la voix des amitiés de la France à travers le monde, les témoins du respect des pays où ils ont choisi de vivre, permettant par le dialogue des cultures, la compréhension entre les peuples sans laquelle il n’y a ni paix ni prospérité.

Au cours de mes nombreux déplacements internationaux en particulier comme présidente de la COP21 pour le climat, j’ai rencontré les communautés françaises et souvent elles m’ont sollicitée pour relayer leurs espoirs et leurs propositions. Ce que j’ai toujours fait avec joie. L’envie de les représenter au Sénat vient d’eux.

En septembre dernier, quand la sénatrice Claudine Lepage a décidé de ne pas se représenter, j’ai échangé avec elle et c’est ainsi que j’ai pris ma décision en m’inscrivant dans la continuité de son excellent travail. J’ai constitué une équipe de conseillers des Français de l'étranger et de citoyens engagés dans leurs pays respectifs qui font un travail efficace et généreux et avec lesquels je co-construis notre réflexion.

 

Les Français de l’étranger ont besoin d’être entendus en dehors des clivages partisans

Sous quelle étiquette vous présentez-vous ?

C’est une candidature citoyenne. Le temps n’est plus vraiment aux cases ou aux étiquettes pour certains sujets. Chacun connaît mes engagements. J’ai été plusieurs fois ministre de gouvernements de gauche, députée PS, présidente de région écologiste, et candidate à l’élection présidentielle pour la gauche et les humanistes.

Aujourd’hui pour sortir des crises sanitaire, économique et climatique, les Français de l’étranger nous disent qu’ils ont besoin d’être entendus en dehors des clivages partisans. C’est aussi mon choix.

Au Sénat, il s’agit de travailler tous ensemble pour les Français du monde donc pour une même cause dans la continuité du travail déjà fait par les élus et élues de toutes sensibilités et en relais des citoyens au plus près et au plus vrai.

 

Il faudrait renforcer les dispositifs existants

Vous sentez-vous proches des Français vivant à l’étranger ? 

Oui, très proche. Déjà en 2007, pendant la campagne présidentielle, à la veille de ma rencontre avec la chancelière Angela Merkel, je me souviens de mon grand discours de Berlin pour tous les Français vivant hors de nos frontières. Par exemple, je proposais un an de gratuité de protection sociale pour les créateurs d'entreprise. Je proposais aussi un Fonds d'indemnisation des biens personnels et professionnels pour réparer les conséquences des troubles politiques ou des catastrophes naturelles. Sur ce sujet, je me réjouis que le Sénat ait avancé. Mais si l’on considère que les catastrophes climatiques vont hélas s’amplifier, il faudrait renforcer les dispositifs existants. 

Je m’en sens proche aussi par la francophonie pour laquelle je me suis mobilisée. J’ai présidé l’Association Internationale des Régions Francophones de 2010 à 2014 me donnant l’opportunité de travailler avec Abdou Diouf sur l’Education.

Je partage aussi la détresse de notre réseau culturel, avec la fermeture de nombreuses Alliances Françaises et centres culturels en raison de la crise sanitaire alors même que la réduction drastique des moyens financiers les avait déjà affaiblis.

Enfin les plans de relance qui vont intégrer la dimension de lutte contre la crise climatique constituent une opportunité pour les Français du monde. C’est sur notre sol et avec le talent de notre réseau diplomatique et consulaire (dont les emplois et les moyens doivent cesser de diminuer) que l’accord de Paris pour le climat a été conclu puis ratifié. En tant que présidente de la COP21, chargée de l’agenda de l’action avec ses 70 coalitions et de la ratification de l’accord qui m’a conduite dans une cinquantaine de pays, je sais que nos entreprises ont une carte à jouer et à ne pas lâcher. 

 

Que d'énergie perdue, de désespoir à cause de ceux qui n’écoutent pas

Les Français expatriés peuvent se sentir, à tort ou à raison, parfois oubliés par l’Etat Français. Quel est votre sentiment ?

C’est vrai. Mon sentiment est le même que les nombreux témoignages que j’ai pu lire sur le sujet comme ce citoyen français au Vietnam qui a écrit dans votre journal une lettre ouverte pleine de désarroi ou encore cette grand-mère au Canada qui n’a pas pu rentrer au chevet de sa fille qui a accouché prématurément. Cette inhumanité a été d’autant plus mal vécue que les Européens pouvaient tranquillement franchir les frontières sans aucun test COVID. Le Conseil d’Etat a d’ailleurs sanctionné cette grave atteinte aux libertés en annulant cette décision du gouvernement. Félicitations à ceux qui ont lancé la pétition pour lutter contre ces «motifs impérieux», lancée par Yan Chantrel et par Mehdi Benlahcen président du groupe Français du Monde, Écologie et Solidarité de l'Assemblée des Français de l'étranger, pétition réunissant plusieurs dizaines de milliers de signatures. Ainsi que les auteurs du recours gagné comme l’UFE. Mais que d'énergie perdue, de désespoir à cause de ceux qui n’écoutent pas.

 

La crise sanitaire a entraîné parfois de grandes difficultés économiques et des détresses

Quels sont les principaux défis des Français de l’étranger ?

Il y a les grands sujets de préoccupation qui doivent trouver des solutions dans le cadre de l’égalité de traitement : statut fiscal, statut social, coût de l’éducation, tous ces sujets qui font consensus dans leur urgence et sur lesquels je reviendrai.

Mais il y a aussi la crise sanitaire qui a entraîné parfois de grandes difficultés économiques et des détresses, je pense au secteur du tourisme mais pas seulement. Je vois aussi beaucoup de jeunes, futurs Français à l'étranger, qui ont vu leur stage en entreprise à l ’étranger interrompu ou carrément annulé, mettant en péril leurs cursus de formation. Il faudra une action d’envergure en direction des jeunes, les plus pénalisés par les confinements. Les étudiants souffrent beaucoup, il va falloir leur venir en aide.

Nombreuses sont les petites et moyennes entreprises qui attendent que soit pleinement reconnue leur importance stratégique, comme le montre l'enquête de l’association Français du Monde-adfe menée par les conseillers de l'AFE Gaelle Barré et Jean Philipe Grange. Il ne faudra pas oublier ces secteurs dans les mesures de soutien de sortie de crise et les intégrer pleinement aux dispositifs du commerce extérieur comme y travaillent activement les conseillers du commerce extérieur dont les propositions doivent être écoutées et appliquées.  

Et enfin comment ne pas évoquer les problèmes de précarité, d’isolement, de couples séparés dans l’épreuve d’enfants déchirés. Et globalement de la condition des femmes expatriées. J’ajouterai bien évidemment en tant qu’ancienne ministre de l’Education, cette préoccupation majeure pour toutes les familles soucieuses de garantir à leurs enfants le fait que leur choix de vie ne sera pas pénalisant mais au contraire un atout dans leur future vie d’adulte.

L'éducation française à l'étranger reste un enjeu majeur. Depuis 2017, elle est sacrifiée au prix d'une privatisation dont on tait le nom. Encore aujourd'hui le réseau AEFE se ressent de la ponction budgétaire de 33 millions d’euros réalisée récemment, en août 2017. Cette somme prélevée en plein exercice budgétaire représentait 10% du budget de l’AEFE. Quel organisme pourrait résister à une telle saignée ? L'agence n'a eu d'autres choix que de transférer des charges sur les familles en transformant des postes d'enseignants résidents (512) en postes de contrats locaux (100% à la charge des familles). Aujourd'hui nous pouvons mesurer l'impact d'un tel choix. Les familles déjà fortement impactées par les effets économiques de la COVID-19, voient un peu partout les frais de scolarité s'envoler. Cette situation est très anxiogène pour les familles.

 

L’image de la France s’est dégradée

Le rayonnement français à l’étranger semble fragilisé par la crise sanitaire. Est-ce que la France post pandémie aura selon vous le même éclat à l’international ?

Le  rayonnement de la France à l’international et son image impactent directement le quotidien des Français dans le monde, que ce soit le réseau diplomatique et consulaire, le réseau culturel et éducatif, et l’image de marque des entreprises.

Or ces derniers temps, l’image de la France s’est dégradée : affrontements violents et répétés dans les rues, débats hystérisés sur le séparatisme puis mauvaise gestion de la crise sanitaire qui a révélé que le pays de Pasteur était le seul membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU à ne pas produire de vaccin. Mais ce n’est pas une fatalité. La France a un potentiel considérable et peut organiser vraiment un sursaut si le plan de relance est rapidement mis en place.

Les Français et Françaises du monde doivent être pleinement impliqués dans ce plan de relance et bénéficier d’un rattrapage économique, social, éducatif . Et contribuer par leurs propositions  à lutter contre les crises climatiques. Comme écrivait Chateaubriand : les moments de crise provoquent un redoublement de vie chez les humains. C’est cela le magnifique défi à relever.

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