Alors que le prix des billets d’avion explose, les compagnies aériennes tirent la sonnette d’alarme. Entre la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les considérations écologiques, l’avion perd-il en popularité ?
Trop cher, trop compliqué, trop polluant … Le secteur de l’aviation civile et touristique a été bouleversé ces dernières années. Le prix des billets d’avion a augmenté de 7% en un an, et cette tendance tend à perdurer.
Les compagnies aériennes en difficulté face à la guerre en Ukraine
La guerre en Ukraine pèse sur l’aviation dans de multiples domaines. Le prix du kérosène explose : +30% en un mois, ce qui entraine une augmentation des prix du billet - touchant notamment les longs courriers. En plus de cela s’ajoutent des taxes écologiques : afin de mélanger des carburants éco responsables au kérosène, des compagnies comme Air France font payer le manque à gagner au client, en ajoutant entre 1€ et 12€ au prix du billet.
La deuxième conséquence directe de la guerre est l’interdiction de survol de la zone russo-ukrainienne. Dans le paquet des sanctions européennes votées le 27 février dernier, il est précisé la fermeture des espaces aériens des 27 membres de l’Union européenne aux compagnies russes, et aux appareils détenus par des Russes. Pour pallier à ces routes aériennes fermées, une première depuis la guerre froide, les compagnies optent pour de nouveaux couloirs de vol : pour transiter entre l’Europe et l’Asie, les pilotes dévient leur trajet en frôlant le pôle nord, rallongeant les vols de deux heures et de 16 tonnes de carburant. Enfin pour la construction aéronautique, la guerre en Ukraine présage une pénurie de titane, même si le constructeur français Safran assure avoir un stock conséquent.
L’aviation n’a pas été épargnée par la pandémie
Vols annulés, voyageurs absents, les compagnies aériennes ont fait face à de nombreuses difficultés depuis mars 2020 et le début de la pandémie Covid-19. Marquée par le scandale des « vols fantômes », l’image de l’aviation civile a souffert. Certaines compagnies ont fait faillite, comme Alitalia, et les autres ont dû trouver des stratégies alternatives. Parmi celles-ci ainsi, les 18.000 vols à vide de compagnies telles que Lufthansa ont provoqué de vives réactions des politiques : « On marche sur la tête » juge l’eurodéputée Karima Delli sur twitter en janvier dernier. Ces compagnies ont été contraintes par un règlement de la Commission européenne : « use it or loose it », qui les oblige à utiliser au moins 80% de leur créneaux sous peine de les perdre.
Assouplie à 50% puis 64% en mars 2022, la règle continue d’être l’objet d’un bras de fer entre les compagnies, les aéroports et les autorités européennes. L’aviation n’est donc pas encore prête de retrouver son aplomb pré-pandémie.
Prendre l’avion, un dilemme écologique
Prendre l’avion aujourd’hui peut être un cas de conscience écologique. C’est la décision de Benjamin Martinie, interrogé en janvier dernier par lepetitjournal.com. Il explique « Un trajet Paris-New York émet plus de deux tonnes de CO2, alors que chaque personne sur la planète devrait avoir au maximum, une empreinte de 2,8 tonnes de CO2 par an pour respecter les accords. ». Les émissions du secteur de l'aviation sont réparties de manière particulièrement injuste : 1% de la population mondiale est responsable de 50% des émissions du secteur aérien. À l’échelle mondiale, c’est 90% de la population qui n’est jamais monté dans un avion. Ainsi le secteur de l’aviation catalyse un bon nombre de problématique environnementales et sociales. Les dernières années ont d’ailleurs vu émerger le « flygskam », la honte de prendre l’avion. Cette honte provenant de l’empreinte carbone des voyages en avion, les adeptes du Flygskam lui préfèrent le train, et notamment le train de nuit. Devant cette demande grandissante, la SNCF a relancé quatre lignes de train de nuit circulant en France. Les étagères « tourisme » des librairies se couvrent aussi de guides sur le tourisme ferroviaire, de jour comme de nuit.
Quel avenir pour l’aviation civile ?
Selon l'Association du transport aérien international (IATA), l’année 2020 a été la pire année des compagnies aériennes en terme de nombre de passagers: 1,8 milliard d’usagers, -60,2% par rapport à 2019. Pour le début d’année 2022, tendanCiel, l’indicateur mensuel du trafic aérien commercial constate que malgré une réouverture des frontières partielle, le trafic n’est pas revenu au niveau de 2019. Le trafic observé en février correspond à 63,4% de celui constaté lors du même mois de 2019.
L’avion est-il pour autant délaissé par les touristes ? L’enquête sur le climat 2020-2022 de la Banque européenne d’investissement constate que les considérations écologiques n’empêchent pas les jeunes de considérer l’avion pour leurs trajets. Alors que 64% des jeunes Français (de 15 à 29 ans) déclarent prendre en compte le changement climatique au moment de choisir une destination de vacances, 53% d'entre eux affirment qu'ils prendront tout de même l'avion l'été prochain. Cependant, 42% des Français sont prêts à passer leurs vacances en France pour faire baisser leurs émissions de carbone.
Les Français ne semblent donc pas prêts à renoncer à l’avion. Une enquête du Sénat de 2019 insiste d’ailleurs sur le caractère démocratique de l’avion, car il permet de relier des régions enclavées à la capitale en seulement deux heures, contre une dizaine en train. L’avion est la manière la plus simple et la moins coûteuse, malgré l’augmentation actuelle des billets, pour partir en vacances à l’étranger, et ainsi ouvrir les horizons à une catégorie de Français qui n’y avait pas accès il y a seulement vingt ans. Revenir en arrière est-il donc possible ? Pour tenter séduire la frange écologiste des usagers, l’aviation devra sans doute innover. Parmi les pistes, l’avion transparent d’Airbus prévu d’ici 2050, qui devrait être hautement high tech et moins gourmand en carburant.