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Benjamin Martinie de Tolt : faire rêver en parlant de la Creuse

Pays de Bitche en Moselle Pays de Bitche en Moselle
Benjamin Martinie contemple la vue dans le Pays de Bitche en Moselle.
Écrit par Capucine Taconet
Publié le 19 janvier 2022, mis à jour le 21 janvier 2022

Benjamin Martinie est le créateur de contenu à l’origine des surprenantes vidéos « N’allez pas… », dans lesquelles il joue avec les préjugés des étrangers sur un pays, pour mieux les convaincre de s’y rendre. En 2019, le fondateur de Tolt média décide d’arrêter de prendre l’avion. Un défi alors que son chiffre d’affaires dépend pour moitié de l’activité aérienne. Depuis, il s’attache dans ses vidéos à faire connaître des régions de France malaimées ou méconnues.

 

Peut-être vous a-t-on déjà déconseillé d’aller en Creuse, selon la blague rituelle qu’il ne s’y passe rien. Et pourtant, en regardant sa vidéo « N’allez pas en Creuse », Benjamin Martinie risque bien de vous convaincre d’y faire un détour, et même d’y passer vos vacances ! Après s’être attelé à défaire les préjugés de nombreux pays du monde, le vidéaste fait désormais de la France son terrain de jeu. Une décision autant due à sa décision de ne plus prendre l’avion qu’aux divers confinements et fermetures des frontières. Le créateur de Tolt média nous explique comment la crise du Covid-19 lui a permis de se renouveler. N’allez pas lire cette interview…elle pourrait vous donner envie de partir en randonnée.

 

 

Comment votre façon de voyager a-t-elle évolué depuis que vous faites ce métier ?

Ma vision du voyage a beaucoup changé depuis quelques années. Je ne prends désormais plus l’avion et me déplace beaucoup en train. L’avantage de ce mode de transport est de percevoir le déplacement davantage que dans l’avion. En vol, nous sommes au-dessus des nuages et nous sommes comme déconnectés de la réalité. En revanche, les nombreux paysages traversés en train permettent de mieux se rendre compte des distances. Et en réalité, je trouve que le voyage en train dispose de nombreuses vertus que n’a pas l’avion. Le train permet d’arriver au dernier moment et d’être bien installé pour travailler, contrairement à l’avion. Celui-ci fait perdre beaucoup de temps avec les portiques de sécurité et n’est pas du tout confortable.

 

Benjamin Martinie sur un rocher en Lozère
Benjamin Martinie sur un rocher en Lozère.

 

Pourquoi avez-vous décidé d’arrêter de prendre l’avion?

J’ai arrêté de prendre l’avion lorsque je me suis rendu compte que cela n’était absolument pas envisageable pour maintenir la vie sur Terre. Utiliser l’avion n’est de ce fait pas compatible avec les objectifs fixés par les accords de Paris en 2015. Un trajet Paris-New York émet plus de deux tonnes de CO2, alors que chaque personne sur la planète devrait avoir au maximum, une empreinte de 2,8 tonnes de CO2 par an pour respecter les accords.

 

J’ai néanmoins mis du temps à prendre la décision d’arrêter totalement ce mode de transport. Je n’avais pas conscience de l’impact colossal de l’avion sur le réchauffement climatique. Je pense que j’étais aussi dans une forme de déni car j’adore voyager. Mon chiffre d’affaires dépendait à 50% de l’activité aérienne du fait des nombreuses commandes des compagnies aériennes. J’ai réalisé que cela serait hypocrite d’alerter sur le risque du réchauffement climatique tout en étant financé par un secteur aussi polluant.

 

La décision est plus simple à prendre lorsque l’on est seul, il n’y a pas autant d’inertie que dans de grandes entreprises. Malgré tout, je ne leur cherche pas d’excuse, je pense que lutter contre le réchauffement climatique est toujours une question de choix.

 

Je me remets sans cesse en question, et j’essaie d’améliorer les choses

Comment vivez-vous le paradoxe entre vos vidéos qui incitent votre public à voyager et votre désir de réduire votre impact ?

Je n’ai pas encore trouvé de formule magique m’assurant un impact complètement vertueux sur ma communauté. D’anciennes vidéos sur des destinations lointaines continuent à être vues. Je me remets sans cesse en question et j’essaie d’améliorer les choses. Je réfléchis aussi à des idées de défis à relever pour voyager de façon plus responsable.

 

Je remarque que ce paradoxe est très présent chez les créateurs de contenu, qui ont tous conscience de l’urgence climatique, mais organisent par ailleurs des concours pour faire gagner des billets d’avion à leurs abonnés.

 

Avez-vous arrêté de prendre l'avion de manière progressive ?

J’ai pris la décision d’arrêter de prendre l’avion lors de l’été 2019, avant le Covid. J’avais peur des conséquences de ce choix sur mon chiffre d’affaires donc j’avais décidé de prendre un temps d’adaptation. Je m’étais fixé une année de transition en 2020, pendant laquelle je pourrais prendre deux à trois fois l’avion avant d’arrêter totalement. J'ai commencé à plancher sur des projets sans avion, notamment celui d'aller jusqu'en Ukraine en train. Et finalement, j'ai été contraint de prendre l'avion pour retourner en France en Mars 2020, à cause du COVID car les frontières terrestres étaient fermées. Mais la situation sanitaire m'a aussi aidé à ne plus le prendre puisque c’est la seule fois de l’année où je l'ai fait, et la dernière.

 

Benjamin Martinie Creuse
Benjamin Martinie dans la Creuse.

 

J’aimerais rendre « sexy » le fait de ne pas prendre l’avion, faire rêver en parlant de la Creuse

Quel bilan vous tirez de ces premières années sans prendre l’avion ?

Le bilan des deux dernières années est très positif. Contrairement à ce que je craignais, j’ai stabilisé mon chiffre d’affaires en 2020 et 2021 a été mon meilleur bilan financier, de loin. Je n’ai pas de mal à trouver des sujets et je suis régulièrement contacté par des marques intéressées par ma démarche d’arrêter l’avion. J’espère que mon exemple pourra en inspirer d’autres.

 

Le contexte m’a soutenu dans la décision de ne plus prendre l’avion. L’été dernier, beaucoup de personnes sont parties en vacances en France. J’ai pu développer mon contenu axé davantage sur la France et l’Europe. Une tendance de fond s’installe peu à peu sur les transports. Nous nous rendons progressivement compte de nos erreurs, on le constate notamment avec la réouverture des trains de nuit. Cependant, il est vrai qu’en tant que créateurs de contenu, et médias, nous avons une responsabilité particulièrement importante. Je déplore que la préoccupation pour l’environnement de beaucoup de ces amoureux de nature, ne se traduise pas par des actes.

 

J’aimerais rendre « sexy » le fait de ne pas prendre l’avion, faire rêver en parlant de la Creuse. Une semaine de randonnée en France peut être une expérience incroyable et créer bien plus de souvenirs que des vacances à l’étranger.

 

Comment sensibilisez-vous les personnes qui vous suivent ?

J’essaie de communiquer dessus régulièrement et en variant les angles et les formats. Certaines fois j’explique pourquoi je ne voyage pas en avion, d’autres fois, je présente les avantages du train. Dans d'autres formats plus scientifiques, j'expose aussi les raisons pour lesquelles prendre l’avion n’est pas compatible avec un mode de vie durable.

 

De nombreuses destinations en France sont victimes de clichés et ont besoin de montrer une autre image d’elles

Quelle forme a pris votre travail avec la pandémie ?

Je pensais depuis déjà un petit moment à me recentrer sur la France et l’Europe. J’avais contacté l’Office du tourisme de la Creuse et l’épisode que nous avons tourné sur le département a bien fonctionné. Il m’a permis de lancer ma série et mon démarchage. Je suis parti de l’idée que de nombreuses destinations en France sont victimes de clichés et ont besoin de montrer une autre image d’elles.

 

 

J’ai repris le concept de base de mes vidéos « N’allez pas à… », que j’ai décliné en série documentaire avec des interviews et des reportages. J’ai réalisé des vidéos sur la Lozère et le Lot notamment. C’est un travail un peu différent de mes anciennes vidéos qui demande davantage de préparation en amont pour trouver les bons contacts et rencontrer les offices du tourisme.

 

Ces vidéos s’attachent moins à créer un effet spectaculaire comme lors de mes précédentes vidéos, qu'à donner la parole aux habitants des département ruraux. Je souhaite désormais mettre en avant les échanges humains dans mes vidéos.

 

Benjamin Martinie dans le train
Benjamin Martinie profite des trajets en train pour travailler sur ses vidéos.

 

Votre communauté est-elle la même qu’avant ou a-t-elle changé depuis que la forme de votre contenu a changé ?

La majorité des personnes qui regardent mes vidéos ne font, au départ, pas partie de ma communauté. Les personnes regardent les vidéos parce que je parle de leur pays ou de leur région. Je n’ai pas vu de réel changement dans ma communauté.

 

Je suis présent sur Tik Tok depuis quelques semaines, en essayant d’atteindre des personnes qui n’ont pas du tout été sensibilisées auparavant aux réflexions environnementales sur les transports.

 

Quels sont vos prochains projets ?

Le début de l’année est consacré au démarche des offices du tourisme en France. Ensuite, je planche sur un projet de voyage à la voile, et je suis en contact avec l’association des Glénans pour qu’ils puissent me former. J’aimerais pouvoir me rendre en Corse de cette façon. Je travaille aussi sur un projet de voyage en Iran.

 

Auriez-vous un voyage en train à nous conseiller ?

Je conseille sans hésiter le voyage en train que j’ai fait jusqu’en Ukraine ! Je me suis autorisé à prendre mon temps pour y aller et faire des pauses sur le chemin, j’ai mis donc une semaine pour y arriver. J’ai adoré cette expérience et elle m’a définitivement donné envie de me lancer dans les voyages en train !

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