Édition internationale

Le Cambodge, zone critique de la biodiversité en Asie du Sud-Est

Malgré de vastes zones protégées, la perte des forêts, le braconnage et les projets d’infrastructures menacent la biodiversité cambodgienne, selon une étude scientifique récente.

foret AKPforet AKP
Photo : AKP
Écrit par Lepetitjournal Cambodge
Publié le 29 juillet 2025

Le Cambodge, un épicentre de la crise écologique régionale

Une revue scientifique parue le 23 juillet dans Nature Reviews Biodiversity place le Cambodge au cœur de la crise de la biodiversité qui secoue l’Asie du Sud-Est. Malgré un taux élevé de zones protégées, la perte de forêts, la dégradation des habitats et le déclin de la faune s’y poursuivent. L’agriculture, les infrastructures et le braconnage en sont les principales causes.

Coordonnée par le chercheur Matthew J. Struebig avec des experts régionaux, l’étude souligne que la région, l’une des plus riches au monde en diversité écologique, enregistre aujourd’hui l’un des taux de perte de biodiversité les plus rapides de la planète. Le Cambodge y est cité comme un pays où les protections juridiques peinent à être appliquées sur le terrain.

Une forêt qui recule malgré les zones protégées

L’Asie du Sud-Est abrite quatre grands foyers de biodiversité, dont la région indochinoise qui englobe le Cambodge. Entre 1992 et 2018, plus de 219 000 km² de forêts y ont disparu — une surface supérieure à celle du Cambodge lui-même.

Dans le royaume, les forêts de plaine sont les plus touchées. Des images satellites montrent une déforestation importante, y compris à l’intérieur de zones protégées. L’étude précise que les « nouvelles zones » de la perte d’habitat se déplacent désormais vers le Cambodge, le Laos et le Myanmar.

Près de 40 % du territoire cambodgien est classé comme protégé, un des taux les plus élevés de la région. Mais cette protection reste souvent théorique. Concessions agricoles, faibles moyens publics et application inégale des lois fragilisent ces zones. Dans certains cas, les limites des parcs ont même été réduites pour faire place à des plantations commerciales.

« Le modèle cambodgien montre qu’une protection sans application ni participation locale revient à une protection uniquement symbolique » alertent les auteurs.

Caoutchouc : un moteur discret de déforestation

L’expansion des plantations de caoutchouc dans le nord-est du pays joue un rôle clé mais peu visible dans la déforestation. Tandis que l’huile de palme attire l’attention médiatique, le caoutchouc progresse plus discrètement.

Plus de 90 % du caoutchouc naturel mondial provient d’Asie du Sud-Est. Au Cambodge, de vastes forêts ont été rasées pour répondre à cette demande, souvent sans cadre de durabilité solide. Les monocultures qui remplacent les forêts diversifiées compromettent gravement la biodiversité et la stabilité écologique.

Le braconnage, une menace omniprésente

Même dans les forêts encore debout, la faune est décimée par le braconnage. Entre 2010 et 2015, plus de 200 000 pièges ont été retirés dans cinq aires protégées du Cambodge, du Laos et du Vietnam.

Ces pièges bon marché tuent sans distinction : cerfs, pangolins, civettes, primates… Certaines espèces sont aujourd’hui proches de l’extinction locale. Si une partie de la chasse reste liée à la subsistance, la majorité du commerce de viande sauvage est désormais alimentée par la demande urbaine et les trafics organisés.

Ce phénomène alimente ce que les chercheurs appellent « le syndrome de la forêt vide » : des écosystèmes apparemment intacts, mais vides de leur faune.

Infrastructures et climat : des pressions croissantes

L’étude pointe aussi les impacts croissants des projets d’infrastructures liés à l’initiative chinoise Belt and Road. Barrages, routes et voies ferrées sont en cours de développement à travers des zones protégées au Cambodge et dans les pays voisins, fragmentant les habitats et facilitant l’exploitation illégale.

À cela s’ajoutent les effets du changement climatique : hausse des températures, perturbations des régimes de pluie, sécheresses accrues. Les espèces vivant dans des milieux restreints, notamment en montagne, sont particulièrement vulnérables. 

Des modèles locaux qui montrent la voie

Malgré ce tableau sombre, l’étude souligne l’efficacité de la gestion communautaire des forêts, qui confère aux populations locales ou autochtones des droits de co-gestion sur les terres protégées.

Là où ces modèles sont mis en œuvre, avec le soutien d’ONG ou des autorités, la déforestation ralentit, et la gouvernance locale se renforce. Ces approches améliorent aussi les revenus et la cohésion sociale.

« Renforcer les communautés n’est pas seulement une bonne pratique, c’est indispensable pour des résultats durables ».

Financement climatique et solutions durables

Parmi les solutions évoquées : les projets climatiques fondés sur la nature, tels que les initiatives REDD+ ( Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation) ou les crédits biodiversité. 

Mais les auteurs appellent à la prudence : pour être efficaces, ces mécanismes doivent être bien encadrés, transparents, et socialement équitables. Mal conçus, ils peuvent masquer des impacts négatifs ou manquer leur objectif.

« Le Cambodge est à un tournant », concluent les auteurs. « Avec les bonnes politiques, des investissements ciblés et un leadership local fort, il peut contribuer à un avenir plus durable, pour lui-même et pour toute la région. »

Avec l'aimable autorisation de Cambodianess, qui nous permet d'offrir cet article à un public francophone.

Commentaires

Votre email ne sera jamais publié sur le site.

Flash infos