Les grands diplomates et les ambassadeurs se sont révélés être les fondateurs d’idéologies embrassées par leurs successeurs, car la patrie ne se défend pas qu’avec des armes, mais aussi par la force du verbe, sous l’auspice duquel se trouve la paix. Concernant Nicolae Titulescu on ne dira jamais de lui qu’il s’est exprimé en vain : ses discours et ses conférences ont été écoutées par les représentants d’un continent entier, porté par l’amour pour son pays, pour une Roumanie unie dans une Europe pacifique.
Fils du député Ion Titulescu, il voit le jour vers la fin du siècle, le 4 mars 1882. Diplômé du Lycée « Carol Ier » de Craiova, il part pour Paris en 1900, où il suit des cours à la Faculté de droit. Il revient dans son pays cinq années plus tard après avoir obtenu son doctorat et s’établit à Iasi, le brillant étudiant devenant professeur à l'université. Sa carrière se prolonge jusqu’en 1909, quand il décide de rentrer sur la scène politique roumaine. Il débute sous l’aile protectrice de l’ancien premier-ministre, Take Ionescu, à cette période président du Parti Conservateur-Démocrate ; celui-ci va le remarquer pour sa pensée analytique mais aussi pour la clarté de ses exposés, visibles dès ses premiers discours officiels.
Jusqu’à la signature du Traité de Versailles, Titulescu est un partisan acerbe de l’unité du pays ; touché par la souffrance des Roumains de l’espace intracarpatique, militant pour l’union de la Transylvanie avec la Roumanie. Sa carrière diplomatique prendra un nouveau tournant au début des années 20, quand il devient Ministre de l’Extérieur et délégué permanent de la Roumanie au sein de la Société des Nations. Il sera par deux fois président de cette dernière, en 1930 et en 1931 ; ce qui représente un cas unique dans l’histoire de l’organisation européenne.
Visionnaire, il comprend les souffrances humaines de la guerre et les conséquences matérielles de tout conflit armé, et lutte pour une paix mondiale, s’opposant aux politiques révisionnistes de droite et anticipant leur despotisme. Ces démarches lui attireront l’antipathie de plusieurs personnalités politiques dont Adolf Hitler ou, le roi Carol II, qui manifestait ses affinités pro-légionnaires. Ramenant la question roumaine à l’attention des pouvoirs occidentaux, il essaye de minimiser le complexe des petites cultures dont parlera Cioran trois décennies plus tard dans Histoire et utopie. Il croit à la coopération désintéressée entre les états et promeut l’égalité des droits entre les pays grands et moins grands ; dans son opinion, les conflits doivent être anticipés et résolus de manière pacifique, de façon à ce que la guerre ne reste qu’un triste souvenir de l’Europe. Dans le but de réaliser son idéal, il mise sur la qualité des collaborateurs des différentes nations. Grâce à lui, la Roumanie deviendra un des piliers de la Petite Entente (1933) et de l’Entente Balkanique (1934).
Nicolae Titulescu est destitué de toutes ses fonctions publiques et politiques en 1936, à la demande du roi Carol II. Obligé de partir en exil, il s’établit en France à Cannes où il assiste, impuissant, aux débuts de la deuxième Guerre Mondiale. Il meurt avant la fin de celle-ci en 1941, et est inhumé au cimetière du Grand Jas ; les tentatives ultérieures de Nicolae Ceausescu de ramener son corps au pays échoueront. Les restes du grand diplomate n’arriveront sur sa terre partrie qu’en 1992, quand il sera enterré à l’Eglise « Sfantul Nicolae » à Brasov.
Ana-Maria Roșca
Sources: Adevărul.ro, Jurnalul.ro, Annadenoailles.org
Article réalisé dans le cadre du Programme Culturel București - Centenar avec le soutien de Primăriei Municipiului București à travers Administrația Monumentelor și Patrimoniului Turistic