Aujourd’hui, dans le cadre du centenaire de la Roumanie moderne, nous nous sommes intéressés à la poétesse roumaine de langue française Anna de Noailles.
Son inclination pour le lyrisme commence dès sa plus tendre enfance; suite à la terrible perte de son père à l'âge de dix ans, elle trouve sa consolation dans le recueil de poèmes Les Contemplations de Victor Hugo, dédié à sa fille décédée, Léopoldine.
En 1925, Nicolae Iorga plaidait avec obstination la cause d’Anna de Noailles, pour qu’elle soit acceptée parmi les membres les plus influents de l’Académie roumaine :
« Madame Anna de Noailles, née Brancoveanu, de la famille Bibesco, est considérée aujourd’hui, comme une grande poétesse française. Les critiques reconnaissent dans son écriture, l’esprit de notre peuple ». Sa démarche est couronnée de succès - la même année, elle et Elena Vacaresco deviennent membres d’honneur de la plus haute instance culturelle et scientifique roumaine.
Née le 15 novembre 1876 à Paris, elle reçoit le nom d’Anna-Élisabeth de Brancoveanu, étant la fille de la pianiste grecque, Raluca Musurus/Rachel Moussouros et du prince Grigore/Grégoire Brancoveanu, un des derniers descendants des voïévodes de la Roumanie. Eduquée à domicile avec ses frères, elle parle en plus du français, l’anglais et l’allemand, montrant une prédilection toute particulière pour la musique et la poésie.
Le mariage avec Mathieu de Noailles, représentant de l’une des plus vielles familles de la noblesse française, lui confère le statut de Comtesse de Noailles ; le couple aura un seul héritier, le futur comte Anne-Jules de Noailles.
Son inclination pour le lyrisme commence dès sa plus tendre enfance; suite à la terrible perte de son père à l'âge de dix ans, elle trouve sa consolation dans le recueil de poèmes Les Contemplations de Victor Hugo, dédié à sa fille décédée, Léopoldine. Trois années plus tard, ses premiers poèmes sont recueillis dans deux albums : Poésies et Sommeil éternel. En 1989, la poétesse devient collaboratrice de la Revue de Paris, publiant le cycle de poèmes Litanies. L’année 1901 marque deux événements-clé de sa vie : ses débuts en tant que poétesse à proprement parler avec la parution du volume Le Cœur innombrable, pour lequel elle sera récompensée par le prix de l’Académie française. C’est aussi le début d’une longue amitié avec l’écrivain français Marcel Proust, dont leur ample correspondance témoigne d'une grande affinité d'âme ; dans le recueil autobiographique, Le livre de ma vie (1923), elle affirme que le romancier était aussi son critique littéraire préféré.
Anna de Noailles mais aussi sa cousine, Marthe Bibesco, furent également les vedettes des plus grands salons mondains et des cercles culturels parisiens de l'époque. La première hérite de sa mère la grâce du patronage des salons littéraires et les plus grands hommes de lettres français du XXe siècle se retrouvent parmi ses proches : Jean Cocteau, Pierre Loti, Maurice Barrès (avec lequel elle entretient une longue correspondance, publiée en 1986), André Gide, Paul Claudel, François Mauriac ou Paul Valéry (les deux hommes ayant toujours l’élan pour s’engager dans d'interminables polémiques littéraires).
Avant la Première Guerre mondiale, elle publie trois romans, mais la poésie reste toujours le noyau dur de sa vocation d’écrivain. Les critiques français parlent d’un lyrisme exotique, avec des influences parnassiennes et plus tard, avant-gardistes (dans l’esprit du surréalisme et du dadaïsme). La nature, l’amour et la mort sont des thèmes récurant de son œuvre poétique, chantés dans les volumes L'Ombre des jours (1902), Les Vivants et les Morts (1913) ou L'Honneur de souffrir (1934). Pour son oeuvre, elle sera élue membre de l’Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, devenant aussi la première femme commandeur de la Légion d’honneur.
Morte en 1933, Anna de Noailles sera inhumée dans le caveau de la famille Bibesco du cimetière parisien du Père-Lachaise. Elle ne verra la terre roumaine qu'une seule et unique fois dans sa vie, en voyageant vers Constantinople. Les critiques roumains de l’époque l’ont accusé du reniement public de ses origines, mais l’Occident l’a remarquée justement pour son parfum oriental.
Ana-Maria Roșca
Sources: Adevărul.ro, Jurnalul.ro, Annadenoailles.org
Article réalisé dans le cadre du Programme Culturel București - Centenar avec le soutien de Primăriei Municipiului București à travers Administrația Monumentelor și Patrimoniului Turistic.