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Empathie, espoir, colère, étonnement… les bilans de nos confinés

COVID-19 confinement deconfinement indeCOVID-19 confinement deconfinement inde
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 1 juillet 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

En vue de partager avec la communauté sur les impacts du confinement en Inde, la rédaction vous a proposé des témoignages de personnes aux profils divers. Français et Indiens, résidant dans plusieurs villes du pays, vous ont confié comment ils vivaient cette période irréelle, quelles étaient leurs questions et quels espoirs ils plaçaient dans l’avenir.

En ces temps de distanciation sociale, il nous a paru intéressant, voire même important, de prendre le temps de s'intéresser au vécu de chacun, de donner une tribune, de remettre les individus au centre, au-delà des statistiques et des courbes, pour que s’expriment les histoires particulières et ainsi recréer un peu de lien et sentir la chaleur du “vivre ensemble” qui nous a tant manqué.

 

Seul, en couple, ou en famille, jeunes et plus âgés, indiens, espagnols, belges, français, dans l'introspection, l'indignation ou plein d’espoir, leurs 24 témoignages se sont aussi souvent recoupés. Pour clôturer la série, la rédaction a demandé à chacun d’entre eux de nous dire en deux mots ce qui les avait le plus marqués. Voici leurs réponses !


 

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A Ahmedabad

Après avoir longtemps hésité et pesé le pour et le contre, Lorena a finalement pris la décision de rentrer en France avec ses filles lorsque la ville d’Ahmedabad a été placé en confinement strict et tous les commerces fermés, y compris ceux d’alimentation, pour 10 jours.

“Cette période m’a rappelé que nous sommes tous vulnérables. Même si nous sommes en bonne santé, si nous avons des moyens ou que nous sommes « blancs », nous pouvons tout de même être touchés par la maladie, par le manque d’hôpitaux et de personnel de santé ou par le « racisme ». 

Ainsi, cette période (même si cela sonne un peu cliché) m’a appris à être encore plus reconnaissante des moyens sanitaires dont on dispose en Europe et de l’importance d’un réseau d’amis et de connaissances toujours prêt à s’entraider.”

 

A Bangalore : 

Flora, contrôleuse financière pour une entreprise du secteur des technologies de l’information est retournée travailler dans les locaux de son employeur depuis le 16 juin et malgré un peu de stress le premier jour, tout s’est bien passé et elle a repris un rythme plus normal.

“Ce qui m’a marquée le plus durant cette période de confinement c’est le silence : plus aucun bruit de voitures, scooters, auto rickshaws ou de chantiers dans les rues, ce qui était à la fois appréciable, mais aussi parfois angoissant.”

 

Neel, responsable Inde d’une société d’informatique, est lui aussi retourné travailler dans ses locaux et reste philosophe.

“Nous avons déjà tout ce dont nous avons besoin - ce qu’il nous faut, c'est du temps pour en profiter et l'apprécier.”

 

A Delhi :

Coraline, cofondatrice de la guesthouse Bed & Chai, tient le coup et a même réussi à louer quelques chambres.

“Ce qui m'a le plus marqué : la mobilisation des individus pour aider les plus démunis face à un abandon de l'Etat (et je dirais en parallèle, l'incompréhension du sentiment d'ingratitude envers l'Etat français qu'on peut lire.)”

 

Hugues, est sur le départ pour une nouvelle expatriation et a pu finir son projet de livre sur Old Delhi et le guide exceptionnel qu’il y a rencontré, Sanju. 

“A la veille de quitter l’Inde, ce qui m’a le plus marqué pendant ce confinement, ce sont les nombreux gestes de solidarité dont j’ai été témoin depuis début mars. Le plus spectaculaire, #FeedIndia, provient du chef Vikas Khanna, originaire d’Amritsar, qui fait partie des meilleurs cuisiniers du monde : grâce à lui, plus de 15 millions de repas et rations alimentaires ont été distribués aux plus pauvres. En Inde, les enfants des écoles animées par la fondation Samarpan et leurs familles ont bénéficié de cette belle initiative.

A titre personnel, je suis heureux d’avoir profité de cette période pour publier un beau livre, Sanju, une découverte originale d’Old Delhi, à travers le récit d’une des plus belles histoires de vie. Pour en savoir plus, contacter histoires2vie.”


 

sanju old delhi histoires2vie
Le livre sur le guide Sanju publié par Hugues de Vaulx

 

 

A Jaipur :

Eléonore, fondatrice de l’agence de voyage Carnet de voyages est rentrée temporairement en France fin juin et a prévu de revenir en Inde en septembre.

“Cette impression inédite de vivre du jour au lendemain à la campagne dans une métropole pourtant aussi intense que Jaipur. La qualité de l'air, le silence et le chant des oiseaux. Absolument génial de pouvoir voir nos activités humaines passer au second plan et la nature regagner du terrain comme on a pu l'observer un peu partout en Inde avec par exemple les éléphants ou les biches qui traversaient les villes.

J'ai été agréablement surprise par le caractère très discipliné des indiens que nous avons pu observer dès le début du lockdown. 

Enfin comme beaucoup d'entrepreneurs, voir mon activité cesser du jour au lendemain et ne pas pouvoir y remédier a aussi été très marquant.”

 

Après Kannur et Mumbai, Marion et Brice ont passé deux mois au Japon, dans un confinement très calme entre Tokyo et Kyoto, qui leur auront offert un refuge leur permettant de passer cette période. Ils sont maintenant revenus en France qu’ils n’avaient pas vu depuis 3 ans, comme ils l’avaient prévu au départ.

Marion : “Le luxe du temps ralenti, des envies nouvelles qui peuvent naître et qu'on a le temps de mettre en application. Mais sous-jacent à ça, aussi, l'angoisse du monde qui s'angoisse, des conversations qui tournent en rond, et des avions qui ne volent plus, des frontières qui se ferment, chaque pays en redevient un, sans lien les uns avec les autres. Une impression de solitude immense.”

 

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A Mumbai :

Anjali, citoyenne canadienne d’une famille indienne, vivant à Bombay depuis 10 ans :

“Je pense que cette période a montré à quel point nous étions vulnérables en tant qu'être humain devant un si petit virus et en même temps à quel point nous pouvions rapidement nous adapter à un nouveau style de vie.”

 

Annie, aide-ménagère, peut enfin sortir de chez elle, son quartier n'étant plus en confinement strict.

“On dit que notre maison est l'endroit où se trouve notre cœur, mais le confinement m'a appris qu'il est impossible de bien profiter de sa maison si on ne peut pas en sortir !”

 

Farah, responsable commerciale et marketing pour Hindustan Unilever continue à travailler de chez elle.

“Ce dont je me souviendrai de cette période, c'est que beaucoup de nos besoins ne sont en fait que des privilèges que nous avons et non pas quelque chose dont nous avons besoin pour survivre !”

 

Gaurav, consultant ERP pour une société informatique, est lui aussi toujours en télétravail, mais cela est courant dans sa profession.

“La clarté du ciel et la baisse drastique de la pollution durant cette période : la nature nous a montré que c’est encore possible si nous réduisons l'activité industrielle. On peut encore recommencer et trouver des alternatives !”

 

Jackie, née et élevée à Paris mais installée à Bombay depuis de nombreuses années, est toujours confinée chez elle et cela lui pèse.

“La tristesse d’avoir perdu ma liberté et d'être confinée chez moi !!!”

 

Jennifer, aide-ménagère et nourrice à domicile et son mari, Sebastian, qui travaille dans l’administration indienne restent positifs.

Jennifer : “J’ai vraiment apprécié les moments de qualité passés avec ma famille.”

Sebastian : “Je me souviendrai que c’était une période unique pour la famille. J’ai aussi été surpris des routes vides et des animaux qui en profitaient”.


 

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Kedar, un banquier indien travaillant dans une grande banque internationale à Mumbai et son épouse

“Notre plus grand enseignement est que nous n’avons pas besoin de grand chose pour être heureux et qu’il est possible de couper beaucoup de fioritures dans nos vies. Les enfants sont heureux avec des plats faits maison et se satisfont des sensations fortes qu’apporte une petite balade à vélo dans les rues relativement vides de Mumbai.”

 

Ludivine, fondatrice et CEO de Bridgeastern, une société d'investissement garde le cap.

“Ce qui m’aura le plus marqué c’est probablement la myopie de certains (c’est vrai, à l’abri de la tourmente) pour ne pas voir et mesurer les conséquences désastreuses économiques et sociales qui se sont abattues sur le pays et refusant de croire au grand nombre de licenciements et coupes dans les salaires comme si ce que nous avons vécu fut un épisode finalement bénin. Le manque d’analyse ou le déni empêche de prendre les mesures qu’il nous faut pour bâtir plus solidement et durablement.”

 

Lyla, journaliste, a conservé son poste dans un groupe de presse indien et a échappé aux licenciements massifs ayant eu lieu dans le secteur en juin.

“Je me souviendrai toujours de la privation de choses que je tenais pour acquises comme aller au marché et pouvoir acheter tout ce dont j’avais besoin, rencontrer des amis, voyager et surtout, m’exprimer librement. Le confinement a également été un bon rappel que nous, en tant qu'êtres humains, ne sommes pas des dirigeants invincibles du monde comme nous aimons l'imaginer. Sur un ton plus philosophique, c'était comme une méditation forcée - la suppression de la plupart des stimuli externes signifiait plus d'introspection.”

 

Luca, attaché de presse et communication au Consulat général de France à Mumbai, est maintenant libre de sortir de l’enceinte de sa résidence

“Bombay complètement vide restera une image forte. Le premier jour du lockdown, voir les rues de cette immense ville subitement désertées, c'était impressionnant !”

 

Michael, banquier enfermé pendant 5 semaines seul dans son appartement.

“Ce que je réalise a posteriori avec ce confinement c’est la perte de notion de durée puisque finalement tout le printemps a été passé entre 4 murs et nous nous retrouvons à avoir perdu 2,3 mois de notre année sans trop y penser et à enchaîner des journées assez identiques.”

 

Patrick, à la tête de la filiale en Inde de Robertet, une société familiale de parfums et arômes est retourné travailler dans ses locaux pour redémarrer le laboratoire de création des parfums et arômes. Sa femme est toujours bloquée en France. 

“Ce qui m'a le plus impressionné est l'arrêt brutal et massif de Mumbai. La ville qui ne dort jamais s'est vidée en quelques heures et s'est transformée en un long silence.”

 

Siddharth, responsable de la communication à l’Alliance Française de Bombay s’interroge

“Le confinement est une expérience étrange - il faut concilier le sentiment croissant d'inconfort face au pouvoir exercé par les institutions officielles et l'espoir suscité par les actes de bonté de la population.”


 

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Sophie, une Française qui vit et travaille à Bombay depuis 10 ans, est partagée.

“Je retiens les files d’attente plus ou moins organisées sous un soleil de plomb devant les magasins, un sentiment d’impuissance devant les immenses problèmes économiques et sociaux que traverse l’Inde, mais aussi d’espoir devant les initiatives de la société civile pour venir en aide aux plus démunis.”

 

Umesh, mumbaikar, relationship banker pour une banque d’investissement française, a découvert de nouveaux intérêts.

“Cette période m’aura appris que les humains peuvent se distancier les uns des autres quand ils ont peur pour leur existence. Personnellement, à la fin de l'épidémie, je pourrai m'enorgueillir d’avoir appris à cuisiner seul et à parler à peu près francais. Donc, finalement, le confinement m’a révélé que je ne manquais pas tellement de temps, mais plutôt de discipline. 

 

A la frontière avec la Birmanie :

Claire et Edouard, partis en voyage autour du monde dans leur combi VW et rapatriés en France lors d’un long périple, sont maintenant déconfinés en France.

“Malgré un confinement fermé et compliqué, nous avons réussi à garder le moral et à rentrer en France, maintenant nous pensons à tous les habitants d’Inde qui vivent un moment difficile.”


 

sonia barbry consule france inde

 


Sonia Barbry, Consule générale de France à Bombay conclut notre série :

“Pendant le confinement deux choses m’ont marquée :

  • tout d’abord, le silence de la ville (J’habite presque sur Peddar road, une grande artère, d’où émergent, en principe, les bruits incessants de cette ville qui ne dort jamais),
  • à un autre niveau, la solidarité et l’entraide entre personnes, que ce soit la mobilisation de la société civile (via des ONG ou à titre individuel) pour aider les migrants ou les personnes vivant dans les bidonvilles, ou juste entre amis. En ce qui me concerne, de nombreux amis m’ont appelée pour savoir si j’avais besoin de quelque chose et s’ils pouvaient m’aider en quoi que ce soit. Comme mon immeuble était en confinement strict, certains sont venus m’amener des plats cuisinés, des fruits, ou d’autres produits dont je pouvais avoir besoin.”



Merci à tous d'avoir pris le temps de témoigner.

 


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