Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 0

Confinement, 2 familles vivant dans des quartiers modestes témoignent

Mumbai slums covid-19 IndeMumbai slums covid-19 Inde
@mumbai.sheher
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 18 mai 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Après une série de témoignages de Français résidents en Inde, la rédaction a pensé qu’il serait aussi intéressant d’avoir le point de vue d‘Indiens pendant le confinement. Les vécus de chacun sont, de toute évidence, très différents les uns des autres et subjectifs. Ils ne reflètent pas la situation ou les opinions “des Indiens” ou de tel ou tel groupe social. De même, il y a autant de façons de vivre son confinement que de personnes et de familles. Lire les vies des autres, entrer par leur témoignage dans leur quotidien, nous aide à recréer un peu de ce “vivre ensemble” mis à mal par le confinement, et aussi, nous le pensons à se sentir moins seuls.

 

Cette semaine, nous donnons la parole à deux familles vivant à Mumbai avec des revenus peu élevés, et logeant dans des quartiers très denses de la ville : Jennifer et Sebastian DSouza, confinés à Santacruz, ainsi qu'Annie, confinée, elle aussi avec sa famille, dans le sud de Bombay. Ils nous racontent leur quartier, leur vie réarrangée et leurs réflexions sur la crise, sa gestion et les mesures qui leurs sembleraient utiles pour le “monde d'après”.


 

Jennifer et Sebastian : “Durant le confinement, nous avons encore plus pris conscience que la famille jouait un rôle important dans notre vie”.

Jennifer DSouza est aide-ménagère et nourrice à domicile depuis 2008, son mari, Sebastian, travaille dans l’administration indienne. Ils habitent avec plusieurs membres de leur famille : leur fille, la sœur de Jennifer, son beau-frère et sa belle-sœur à côté de la gare de Santacruz. 


 

confinement mumbai quartiers pauvres

 

Quel a été l’impact du confinement sur votre vie familiale et professionnelle ? 

Jennifer : Assez rapidement, la famille qui m’embauche m’a proposé de rester chez moi. Le confinement n’avait pas encore été annoncé par le gouvernement. Depuis l’annonce officielle du confinement, je ne suis pas retournée travailler. 

Mon mari, comme moi, avons conservé notre salaire. Nous n’avons donc pas le stress que bon nombre de nos voisins ont. Il faut payer les factures d’électricité, le loyer, l’école, etc. Pour tous ceux qui ne perçoivent plus de salaire c’est très difficile. C’est pour ça que dans notre quartier des gens ont continué de sortir… 

Personnellement, je ne suis quasi pas sortie durant toute la période du confinement. Avec mon mari, on s’organisait pour qu’il aille au marché seulement deux fois par semaine. Nous avons peur du virus. Parfois on préférait manger uniquement des féculents plutôt que de risquer de l’attraper au contact de toutes les personnes qui, elles aussi, devaient aller au marché.

J’ai trouvé du bon dans cette période. Je passe beaucoup de temps avec ma famille. J’ai fait de la peinture avec ma fille qui a 12 ans. Je l’ai aidée pour qu’elle continue d’apprendre, vu que l’école est fermée et que l’on n’a pas d’accès à des cours en ligne. 

J’ai cuisiné régulièrement des pâtisseries pour que l’on puisse tous se faire plaisir. J’ai pris le temps de faire du vin maison et des pickles. 

Nous avons aussi cuisiné et distribué de la nourriture à 70 personnes dans la rue, car certains n’avaient rien. 

J’ai aussi eu le temps de prier. Habituellement, entre le travail et les tâches du quotidien, je me consacre moins à Dieu. Avec le confinement, je peux prier autant que je veux, je me sens vraiment bien.

 

Qu’avez-vous appris pendant cette période ?

Sebastian : La vie est incertaine. On peut faire des plans et se projeter dans l’avenir mais l’exécution sera souvent différente car la réalisation des plans est entre les mains de Dieu. Durant le confinement, j’ai encore plus pris conscience que la famille jouait un rôle important dans notre vie. 

C’est comme si le monde avait fait un demi-tour… Les choses auxquelles on apportait de l’importance et du temps, sont devenues réellement secondaires, telles qu’aller à la gym, au mall, au café, etc. On s’est recentré sur l’essentiel. J’ai aussi réalisé que les besoins primaires sont les seuls besoins importants. Je passe du temps en famille de qualité et je prie beaucoup. 

 

Comment imaginez-vous la fin du confinement ?

Jennifer : Le gouvernement a réagi durement avec un confinement total, mais il le fallait pour préserver la santé des gens, dans un pays comme l’Inde.

Sebastian : Pour ce qui est de l’après confinement, je pense que l’Inde est prête à répondre aux challenges d’un monde qui a fait face à une pandémie. Ça va demander de l’endurance pour les politiques et d’énormes dépenses publiques pour relancer l’économie et que la croissance prenne du sens. Si l’Inde réussit à faire face au Covid-19, alors le pays devrait investir un maximum dans la santé et l’éducation.

 

Les changements que vous aimeriez voir à l’issue de cette crise ?

Jennifer : Durant le confinement, j’ai beaucoup apprécié le silence, la propreté de la ville mais aussi l’air moins pollué. J’aimerais que cela reste comme cela ! On peut se mettre à la fenêtre et profiter de la brise. 

Sebastian : Le gouvernement devrait proposer des plans pour stabiliser l’économie et faire repartir la croissance. J’aimerais aussi qu’il aide les petites entreprises, qu’il propose un moratoire sur les prêts, qu’il réduise le fardeau des taxes et que de meilleurs établissements de santé soient prévus.

J’espère aussi que l’on va tous tendre la main à ceux qui ont tout perdu dans cette crise. Que l’on se tourne vers les autres. 


 

******

 

Annie : Mon souhait est que les ruelles de mon quartier soient enfin propres.

Annie a 33 ans et est arrivée il y a une dizaine d'années du Kerala. Elle a obtenu récemment une place d’aide-ménagère, mais son mari, un peu plus âgé (42 ans) n’a pas d’emploi fixe. Ils habitent avec leur fils de 12 ans tout au sud de Bombay derrière le World Trade Center dans un des quartiers surpeuplés de la ville. 

 

lockdown pauvres mumbai defavorise

 

Notre quartier se situe en bord de mer et est constitué de ruelles peu salubres. Les “maisons” n’ont qu’une petite pièce, des murs très fins et un toit en zinc en général. La plupart n’ont pas l’eau courante ni de toilettes. Il n’y a pas vraiment de système d'égouts. Dans notre ruelle, il y a une arrivée d’eau équipée d’un robinet pour cinq maisons. Les toilettes et douches sont communes à plusieurs ruelles et nous devons payer 2 roupies pour les utiliser. Nous vivons surtout dans la rue.

La plupart des habitants travaillent aux alentours comme aide-ménagère, aide à domicile, chauffeur, livreur dans les familles aisées du quartier de Cuffe Parade ou pour les sociétés installées à Nariman Point. D’autres sont hommes à tout faire dans le marché de gros de poissons de Sassoon Docks.

 

Quel a été l’impact du confinement sur votre vie familiale et professionnelle ? 

Toute la famille est à la maison, nous ne pouvons pas sortir car notre quartier est fermé. Nous pouvons seulement aller acheter des médicaments et des produits alimentaires. Ni mon mari, ni moi ne travaillons actuellement.

Je passe plus de temps aux tâches domestiques qu’avant. On s’occupe en regardant les nouvelles, mais mon fils s’ennuie beaucoup depuis qu’il ne va plus à l'école et ne peut plus sortir. De plus, nous n’avons pas pu célébrer Pâques ni les anniversaires. 

Actuellement, on mange surtout du riz et des lentilles car il est très difficile de trouver des légumes dans notre quartier. Pain, oeufs et lait sont disponibles régulièrement, mais pas les produits frais. Heureusement, la famille qui m’emploie paie toujours mon salaire complet et m’aide de temps en temps pour l’approvisionnement. Mais, je préférerais pouvoir aller travailler et l’ennui commence à me peser. 

Dans notre quartier, nous avons eu un autre souci au début du confinement pour les paiements de l'électricité et de la télévision par câble qui se font d’ordinaire en liquide dans les bureaux du fournisseur ou à un employé qui vient collecter les paiements. La société qui nous fournit l'électricité nous demande maintenant de payer en ligne mais toutes les familles ne possèdent pas de smartphones et ne peuvent donc pas acquitter les factures. Aujourd’hui, personne ne paie le câble parce que l'employé n’est plus venu.


Qu’avez-vous appris pendant cette période ?

Je sais maintenant qu’il est important d’avoir en permanence des réserves de produits alimentaires comme le riz et les lentilles à la maison. 

Toute la famille a appris à suivre des règles d'hygiène strictes et à se laver les mains régulièrement.

 

Les changements que vous aimeriez voir à l’issue de cette crise ? 

Mon souhait est que les ruelles de mon quartier soient enfin propres.

L’interdiction de mâcher du “paan”, de priser du “gutka” et de cracher devrait être maintenue (ndlr : le gouvernement indien a interdit le tabac à priser depuis le début du confinement pour limiter les crachats). Les gens devraient aussi arrêter de fumer.

Je pense que le gouvernement devrait faire des campagnes sur l’importance de l'hygiène personnelle. 

Enfin, j’aimerais que les gens prennent plus soin des animaux qui nous entourent.



 


Pour être sûr de recevoir GRATUITEMENT tous les jours notre newsletter (du lundi au vendredi) (attention Bombay est tout en bas de la liste), Ou nous suivre sur Facebook


 

Flash infos