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Confinement : des Mumbaikars témoignent

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Une gare déserte du “RER” de Bombay @AbodhAras
Écrit par lepetitjournal.com Bombay
Publié le 6 mai 2020, mis à jour le 19 décembre 2023

Après une série de témoignages de Français résidents en Inde, la rédaction a pensé qu’il serait aussi intéressant d’avoir le point de vue d‘Indiens pendant le confinement. Les vécus de chacun sont, de toute évidence, très différents les uns des autres et subjectifs. Ils ne reflètent pas la situation ou les opinions “des Indiens” ou de tel ou tel groupe social. De même, il y a autant de façons de vivre son confinement que de personnes et de familles. Lire les vies des autres, entrer par leur témoignage dans leur quotidien, nous aide à recréer un peu de ce “vivre ensemble” mis à mal par le confinement, et aussi, nous le pensons à se sentir moins seuls.

 

Nous démarrons donc une nouvelle série Témoignages d’Indiens sur le confinement et vous proposons, dans la semaine, un ou deux témoignages de personnes aux profils divers.

 

Aujourd’hui, nous donnons la parole à Farah Dotiwalla, responsable commerciale et marketing pour Hindustan Unilever et Gaurav Raikar, consultant ERP pour une société informatique. Tous deux sont de vrais “Mumbaikars”, ils sont nés et ont toujours vécu à Mumbai. En plus de leur activité professionnelle, ils sont bénévoles pour une association de protection des chiens des rues de Bombay, The Welfare of Stray Dogs. Alors que Farah et son mari habitent leur propre appartement (contrairement à de nombreuses familles indiennes dans lesquelles plusieurs générations cohabitent), Gaurav, lui, n'est pas marié et réside donc encore chez ses parents selon la tradition indienne.


 

Farah Dotiwalla : mon pays n’est pas aussi sous-développé que l’image diffusée par  les médias internationaux

 

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Je suis responsable des ventes et du marketing pour la plateforme de e-commerce de Lakme (la ligne de maquillage d’Unilever en Inde).

Chez Hindustan Unilever, nous avons commencé à travailler à la maison avant que cela ne soit obligatoire et ma société a géré la situation avec maîtrise. Cependant, je préfère aller au bureau et il m’a fallu du temps pour m’ajuster à ce nouveau style de vie. Petit à petit, travailler depuis la maison devient la “nouvelle normalité” dans ma vie.

Au niveau personnel, le confinement a engendré de grands changements. Mon mari et moi nous sommes fréquentés pendant 14 ans avant de nous marier en 2017. Nous ne vivions pas ensemble pendant toutes ces années, pendant nos études, nous résidions même dans des villes différentes et c’est seulement 6 mois avant notre mariage que nous nous sommes installés sous le même toit. Depuis, nous n’avons passé réellement que peu de temps ensemble du fait de nos carrières respectives. Etre ainsi tous les deux à la maison toute la journée a été une découverte pour nous et nous nous sommes retrouvés ! C’est un peu comme si le karma nous avait rendu nos années de flirt.

 

Comment j’imagine la fin du confinement ?

Je suis un pur produit de la ville, or l’environnement urbain ne représente qu’une petite partie du pays. La population indienne est si diverse que je ne me sens pas capable de répondre à cette question. Cependant, mon souhait est que mon pays traverse cette crise sans avoir à déplorer trop de pertes humaines et en ayant gagné des habitudes de vie plus hygiéniques.

 

Qu’ai-je appris pendant cette période ?

C’est la première fois de ma vie que j’ai le sentiment que le gouvernement indien a choisi de protéger le peuple plutôt que l'économie. Alors que la superpuissance mondiale ne s'intéresse qu'à ses finances, une nation que le monde qualifie de pays en voie de développement a préféré donner la priorité à la santé de ses citoyens plutôt qu'à celle de son économie. Maintenir en confinement une population de la taille de celle de l’Inde n’est pas une mince affaire et le gouvernement a maîtrisé la situation.

Jim O'Neill, économiste britannique réputé, a eu l’audace de dénigrer l’Inde au début de la crise sanitaire (ndlr : il a déclaré à la chaîne américaine CNBC que le monde avait eu de la chance que l'épidémie démarre dans un pays comme la Chine plutôt qu’en Inde en critiquant la qualité de la gouvernance indienne), mais les faits le contredisent. Notre pays ne dispose pas des infrastructures les plus modernes, mais nous avons utilisé toutes les ressources à notre disposition pour les transformer en centres de quarantaine : trains, stades, centres d’exposition...  Le Chief Minister du Maharashtra a mis en place une organisation efficace pour tester et isoler les personnes contaminées tout en sachant que l’impact sur l'économie risque d'être dévastateur. Il a choisi les citoyens plutôt que la finance ce qui n’est pas le cas de toutes les nations en Europe ou en Amérique.

En conclusion, j’ai appris de cette période que mon pays n’est pas aussi sous-développé ni “pitoyable” que certains le décrivent.

 

Les changements que j’aimerais voir à l’issue de cette crise

J'espère que nous en sortirons tous plus volontaires mais aussi plus compatissants. Je souhaite que les gens soient plus humains et se soutiennent quelles que soient leur classe sociale, leur religion ou leur caste. Nous devons plus respecter la nature et considérer la pandémie comme une leçon à mémoriser. Nous devons apprendre à coexister avec la nature sans mettre en danger son équilibre.


 

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Gaurav Raikar : je ne considérerai plus jamais ma liberté comme acquise

 

Mumbai coronavirus confinement

 

Mon activité professionnelle de consultant informatique me permet de travailler depuis la maison sans souci et c’est ce que je fais depuis 4 ans. Je suis donc habitué à ne pas rencontrer mes collègues pendant une longue période. Par contre, ma vie personnelle a été particulièrement transformée depuis le confinement : je ne peux plus voir ma petite amie qui est confinée chez ses parents, ni m’entraîner à la course à pied, ni participer aux rondes de premiers secours pour les chiens des rues organisées par The Welfare of Stray Dogs. Normalement, je passe beaucoup de temps à l'extérieur de mon appartement, y être “enfermé” est plutôt éprouvant. 

 

Comment j’imagine la fin du confinement ?

A moins d’un miracle, je ne vois pas comment on pourra lever le confinement dans une ville comme Mumbai tant que nous n’aurons pas un vaccin disponible. Par contre, je ne connais pas assez le reste du pays pour me prononcer sur un déconfinement.

 

Qu’ai-je appris pendant cette période ?

Je considère que c’est le moment propice pour comprendre le concept de l’empreinte carbone. L'activité humaine génère des niveaux de pollution record et on s’en est rendu compte depuis que l'économie est à l'arrêt. Dorénavant, il faudra éviter tout déplacement inutile et n’acheter que des produits locaux.

Pour ma part, je ne considérerai plus jamais ma liberté comme acquise.

 

Les changements que j’aimerais voir à l’issue de cette crise

La priorité de notre pays devrait être la santé et le système sanitaire. Le gouvernement devrait allouer plus de ressources pour l’apprentissage de l'hygiène.




 


Voici les témoignages de Farah et Gaurav en version originale. Farah and Gaurav texts in original version.

 

Farah Dotiwalla

I am a working professional at Hindustan Unilever. I handle Sales & Marketing for Lakme e-commerce business.

I prefer working from the office & it took me a while to adjust to this new way of working. I still don't think I have adjusted. Having said that, considering the way my organization has handled the situation is fantastic. We were given compulsory WFH before it became a government mandate. This "new normal" is still settling in. 

My husband & I dated for 14 years before we got married in 2017. 8 out of these 14 years were long distance & we started living together barely 6 months before marriage - most of the time spent in juggling work & wedding preps. We barely spent time with each other in all these years and this is a really new experience for us. We have learnt so much about each other! We truly believe this is karma giving us our dating years back.

 

What is your vision of India’s end of lockdown?

I was born & raised in urban India which barely constitutes this country. The diaspora in this nation is so complex that I find myself ill-equipped to handle this question responsibly. Having said that, my vision would be for the nation to come out of this with minimal loss of lives, cleaner habits & a more hygienic way of living.

 

What did I learn from this lockdown?

I cannot believe I'm saying this but for the first time, I felt the government chose its people over its economy. While the world's "superpower" is only thinking about its financial status right now, a so-called developing country is not only prioritizing its people but also accepting the sullen economic future. To handle a complete lockdown for a population like India is no joke & the government has done its job well. 

What I also learnt is that the good that happens in my country is barely spoken about in the world. The world knows India for rapes, communalism, corruption, poverty (and yes these all exist) but nobody speaks about the quality of medical staff available. India is already testing vaccines while countries recommend consuming disinfectants.

Jim O'Neill, a well-known British economist had the audacity to make unwanted statements during this time about India (he said on the news channel CNBC that he was thankful the coronavirus outbreak started in China and "not somewhere like India"), but look where we are today. We don't have the best of infrastructure but we have halls, stadiums, schools & trains ready as quarantine Centres. The Maharashtra CM is doing an absolutely splendid job with testing & isolation - all of this knowing that our economy can collapse. He is choosing his people over money which many European or American nations are not doing right now. 

I have learned from this lockdown that my country is not as underdeveloped or pathetic as it is made out to be.

 

How would I like things to evolve by the end of the crisis?

I'd hope we all come out of this stronger in will but softer at heart. I wish people will become more human & start helping and supporting each other irrespective of class, Creed, caste or religion. We must start respecting Mother Earth a lot more & take this period as a learning lesson. As a society, we need to learn to co-exist so that nature doesn't go to extreme ends to maintain its balance.
 

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Gaurav Raikar

I work as an ERP consultant with an IT company.

My work has allowed me to work from home for the last four years so I am used to not meeting my work colleagues for a long time. It is on the personal front that I am missing a lot, like not meeting my girlfriend, fitness activities, volunteering with the Welfare of Stray Dogs and generally being outdoors.

 

What is your vision of India’s end of lockdown?

Unless there is a vaccine or some miracle by which the virus disappears I don't see the reason to lift the lockdown in a major city like Mumbai. It is hard for me to comment on the end lockdown in the rest of the nation.

 

What did you learn from this lockdown?

This is a good time to understand the concept of CO2 footprint. Human consumption is driving pollution levels to extraordinary levels. Unnecessary travel even for work should be avoided and we should be aware of buying local produce.

On a personal front, I will never take my freedom for granted.

 

How would you like things to evolve, as a society, for better cohesion and collective growth, by the end of the crisis?

Healthcare and sanitation should be our number one priority, the government should spend more on education and hygiene.





 


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