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C. Cottet : "Nous aidons les familles et les malades au quotidien"

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Écrit par AFM-Téléthon
Publié le 19 avril 2020, mis à jour le 19 octobre 2020

Malgré la crise sanitaire actuelle, l’AFM-Téléthon entretient un lien privilégié avec les familles et les personnes souffrantes de maladies génétiques neuromusculaires. Christian Cottet, directeur général de l’AFM-Téléthon, nous explique comment les équipes de l’association s’organisent pour accompagner ces familles qui doivent faire face à l’épidémie de coronavirus. 

 

Comment s'organise le travail de l'AFM-Téléthon pendant cette période de confinement ? 

Christian Cottet - Nous avons deux grands volets dans notre activité, d’une part la recherche-développement thérapeutique, le développement de thérapies innovantes pour les maladies rares et d’autre part, l’aide, le soutien et l’accompagnement des familles et des patients avec des maladies génétiques neuromusculaires. Au sein de l’AFM-Téléthon, tout le monde a basculé ses activités par le biais du télétravail généralisé. Dans le passé, nous avions déjà mis en place ce que l’on appelle du télétravail régulier. Grâce à notre direction des systèmes d’informations, nous avons accès à tous les serveurs et les fichiers nécessaires pour travailler comme si nous étions dans nos locaux à Evry (91) ou dans les différents sites en province. Nous avons équipé les salariés qui n’avaient pas d’ordinateur portable. Une approche pédagogique a été réalisée auprès de nos salariés et bénévoles avec des tutoriels de formation pour apprendre à utiliser des logiciels comme Teams et Skype qui favorisent la communication en temps de confinement. 

Nous organisons plusieurs fois par semaine un point de partage d’informations interne pour piloter et coordonner toutes les actions réalisées auprès des familles. L’objectif est de savoir où nous en sommes, d’anticiper les difficultés, mettre en place des actions pour les résoudre et suivre région par région nos malades qui ont le coronavirus ou qui se trouvent en situation difficile du fait du confinement. En France, pour l’instant, les personnes souffrant de maladies neuromusculaires sont très peu touchées par le coronavirus parce qu’elles se sont confinées très tôt et très strictement. Leur fragilité ne laisse la place à aucune imprudence. 

La direction des affaires publiques de l’AFM-Téléthon décrypte en temps réel toutes les recommandations du gouvernement français qui peuvent être utiles pour nos familles. Par exemple les mesures de mise à disposition des masques. Concernant les auxiliaires de vie qui sont parfois employées directement par les familles des malades, l’employeur doit continuer à les rémunérer. Le confinement amène à se poser des questions de droits sociaux. 

 

Une personne souffrant de maladie rare doit pouvoir être prise en charge à l’hôpital, qu’elle soit touchée par le Covid-19 ou non. 

Comment venez-vous en aide aux familles des malades en temps de confinement ? 

Pour venir en aide aux familles des malades, nous avons 18 services régionaux, présents en France et à l’Île de La Réunion  qui se composent de Référents Parcours de Santé. Ils ont un rôle d’appui auprès des familles des malades. Ils les aident dans tous les domaines qui sont impactés par la maladie. Ils assurent l'interface entre la médecine d’expertise et la médecine de ville et aident les familles pour faire face à tous les besoins de la vie quotidienne. En temps normal, cet accompagnement est réalisé au domicile des familles. Nous avons très tôt, avant même la période de confinement, pris la décision de supprimer toute intervention à domicile (sauf situation d’urgence) pour ne pas risquer d’apporter le Covid-19 au sein des foyers. 

La prévention contre le Covid-19 nous a amené à recommander de limiter autant que faire se peut la venue à domicile des auxiliaires de vie et les soins à domicile comme la kinésithérapie par exemple. De fait c’est souvent l’entourage familial qui a pris le relai des aidants professionnels. Nous avons créé et diffusé sur notre site web des fiches pratiques pour l’auto-rééducation en kinésithérapie, les gestes barrières, les précautions à prendre par les aides à domicile lorsqu’elles poursuivent leur service. Nous avons passé près de 15 000 appels téléphoniques pour voir comment les familles vivaient le confinement et leur proposer de les aider à distance en cas de problème. Les visites « à domicile » sont à présent réalisées par visioconférence. Elles permettent  de mesurer les attentes de la famille et de la personne souffrant de maladie neuromusculaire pour maintenir un accompagnement personnalisé. 

Sur le plan médical, la direction des actions médicales de l’AFM-Téléthon est en relation permanente avec les centres de références au sein des CHU, les centres hospitaliers universitaires. Une personne souffrant de maladie neuromusculaire qui a un problème lié à sa maladie doit pouvoir être prise en charge en urgence, qu’elle soit touchée par le Covid-19 ou non. Par ailleurs lorsque ces patients sont infectés par le virus, leur maladie neuromusculaire ne doit pas être vécue par les urgentistes comme un facteur d’aggravation qui représenterait une perte de chance pour être admis en soins de réanimation. 

En ce qui concerne le maintien des soins courants malgré le contexte Covid-19, on peut citer le cas de l'amyotrophie spinale infantile, une maladie neuromusculaire parmi les autres. Beaucoup de ces patients bénéficient d’un traitement qui améliore grandement leur situation clinique. Ce traitement nécessite des injections périodiques en milieu hospitalier. Or, les médecins sont amenés à différer les injections pour ne pas que ces patients soient exposés au contact du coronavirus. Il a fallu définir jusqu’à quel délai, un tel traitement essentiel peut être différé dans le temps.

 

Quelles précautions supplémentaires doivent prendre les personnes atteintes de maladies neuromusculaires ? 

Les patients atteints de maladies neuromusculaires, ne sont, a priori, pas plus sensibles à la contamination au coronavirus que d’autres personnes. Par contre, s’ils sont touchés par le Covid-19, leur état de santé peut connaître de sévères complications du fait de leur fragilité au plan cardio-respiratoire. Certains d’entre eux, du fait même de la maladie neuromusculaire, ont une insuffisance respiratoire parfois sévère et le coronavirus peut affecter leur système vital. Il y a des malades trachéotomisés et ventilés, c’est-à-dire qu’ils respirent par l’intermédiaire d’une machine. Ces malades sont beaucoup plus vulnérables face au virus que d’autres personnes qui peuvent être atteintes d’une pathologie plus modérée. Globalement, nous avons recommandé aux familles et aux personnes souffrantes d’une maladie rare de limiter voire supprimer toute interaction avec le monde extérieur et de s’équiper quotidiennement de masque. 

 

Anticipez-vous des difficultés dans la collecte de dons dans cette période économiquement compliquée ? 

Nos équipes travaillent actuellement à l’organisation du Téléthon prévu les 4 et 5 décembre 2020 en lien avec France Télévisions. Nous savons qu’il y aura un impact économique après le déconfinement. Des entreprises seront en situation difficile et par conséquent de nombreux français. Nous espérons que la France en sortira plus solidaire et plus attentive à la situation de ceux qui souffrent de la maladie, quelle qu’elle soit. La maladie, nous la combattons depuis plus de 60 ans, nous savons combien la santé est un bien précieux et prioritaire. 

 

Les chercheurs de l’AFM-Téléthon sont-ils mobilisés pour stopper la propagation du coronavirus ? 

Nous ne participons pas à la recherche de vaccins pour lutter contre le coronavirus car ce n’est pas dans notre domaine de compétence. En revanche, nos laboratoires participent à l’élan de solidarité actuel par des dons de matériel aux hôpitaux (masques, surblouses, gants, combinaisons, gel hydroalcoolique…). Et si nos équipements ou compétences peuvent être utiles pour le diagnostic, nous participerons volontiers. A l’Institut de Myologie par exemple, certains experts des essais cliniques travaillent avec les équipes de la Pitié Salpêtrière pour la structuration des essais cliniques sur le Covid-19.   

Concernant la protection des malades, toutes les auxiliaires de vie doivent être protégées d’un masque pour limiter les risques de contamination au virus. Il faut dissocier les auxiliaires de vie qui sont salariées des services médico-sociaux des auxiliaires de vie qui sont directement employées par la personne dépendante ou les aidants familiaux. Celles-ci n’ont souvent pas accès aux circuits de distribution de masques. Notre laboratoire I-Stem est devenu le champion dans la fabrication de visières de protection qui sont fabriquées avec des imprimantes 3D et qui peuvent être utiles en période de pénurie de masques chirurgicaux. Nous avons reçu l’aide d’associations qui ont fait des dons de masques et nous avons sollicités les Agences Régionales de Santé dans toute la France pour nous procurer les masques dont nos familles ont tellement besoin pour protéger leur proche malade. Nous explorons tous les circuits possibles d’approvisionnement, y compris par des importations directes de Chine afin de pouvoir protéger les familles. 

 

Les Français auront un tout autre regard sur le système de santé français et sur la nécessité de soutenir fortement la recherche.

L’avancée de la recherche scientifique pour vaincre les maladies génétiques neuromusculaires est-elle impactée par le confinement ? 

La direction scientifique de l’AFM Téléthon continue de fonctionner, mais tout ce qui est expérimentation clinique avec l’inclusion des personnes souffrantes de maladies rares dans les essais sont impossibles à réaliser. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas demander à des personnes atteintes de maladies rares de se rendre dans un hôpital pour participer à un essai clinique au risque qu’elles soient contaminées par le coronavirus. Les programmes de recherche pour lutter contre les maladies génétiques prennent du retard que ce soit dans nos laboratoires comme partout ailleurs. Ils continueront en fonction de la fin de la période de confinement et de la manière dont nous en sortirons. En revanche, les Français auront un tout autre regard sur le système de santé français et sur la nécessité de soutenir fortement la recherche. Et çà c’est une bonne nouvelle ! 

 

Pour continuer nos actions en cette période très particulière, nous avons besoin de l'aide de chacun. Vous pouvez réaliser un don en cliquant ici

 

Interview réalisée par Déborah Collet