Dans la nuit du mardi 9 au mercredi 10 septembre, après avoir été prévenues par le Bélarus, l’Armée de l’air polonaise et l’Armée de l’air royale néerlandaise sont intervenues pour intercepter une vingtaine de drones russes, dont trois, au moins, ont été détruits, car ils avaient pénétré l’espace aérien polonais. Même si la Pologne est habituée à ce genre de provocations, cette fois-ci, la menace est incomparable au vu du grand nombre d’appareils et de leurs trajectoires. La mise en garde émise par Minsk étonne d’autant plus que le Bélarus, allié fidèle de Moscou, s’est jusqu’ici distingué par son rôle d’élément aggravant sur la frontière terrestre avec la Pologne.
19 appareils dans le ciel polonais entre mardi 22h30 et mercredi 06h30
Dans son discours à la diète polonaise, au matin du mercredi 10 septembre, le Premier ministre Donald Tusk a expliqué le déroulé de l’attaque nocturne subie par la Pologne.
Dès 22h30, l’Armée de l’air polonaise commence à détecter les premiers drones russes transgressant l’espace aérien polonais. Au total, 19 appareils sont entrés dans le ciel du pays de 22h30 jusqu’au matin, à 06h30.
Les avions polonais et néerlandais, présents dans le cadre des opérations de l’OTAN, ont abattu au moins des drones de type Gueran-2, variante russe du drone Shahed 136 produit par l’Iran et utilisée depuis septembre 2022, en Ukraine et Gerbera.
💡 Ce que l’on sait ?
• Ce sont des drones russes.
• Par contre, au moment où nous écrivons ces lignes, le lieu exact de décollage des drones n’a pas été confirmé, même si tout semble indiquer qu’ils seraient en provenance de Russie, et qu’ils auraient survolé l’Ukraine et le Bélarus (Source PAP).
Le Bélarus avait prévenu la Pologne et les États baltes de l’attaque de drones
Pavel Muraveiko, qui a été nommé chef d’état-major général - premier vice-ministre de la Défense en mai 2024, a indiqué, au média bélarusse minsknews.by, dans un article publié ce mercredi, que lors des frappes nocturnes de drones entre la Russie et l’Ukraine, les forces bélarusses ont surveillé en continu les appareils perdant leur trajectoire sous l’effet des contre-mesures électroniques. Selon lui, certains de ces drones ont été abattus par la défense aérienne bélarusse sur le territoire du pays.
Le chef d’état-major général et premier vice-ministre de la Défense a également déclaré que les autorités militaires de Minsk ont partagé des informations radar avec la Pologne et la Lituanie, les alertant de l’arrivée de drones non identifiés sur leurs espaces aériens.
Pavel Muraveiko a insisté, dans le média bélarusse BelTA, sur le fait que :
« le partage d'informations sur la situation aérienne est un élément important des efforts visant à garantir la sécurité dans l'ensemble de la région et contribue à instaurer la confiance et à renforcer la sécurité. La République du Bélarus continuera à honorer ses engagements en partageant des informations sur la situation aérienne avec la République de Pologne et les États baltes. » Pavel Muraveiko
Cette information a été confirmée par le général polonais Kukuła sur la chaîne TVN 24, mercredi.
« Les Bélarusses nous ont avertis que des drones se dirigeaient vers nous à travers leur espace aérien [...] cette avancée nous a été utile. » Général Kukuła
„Białorusini nas uprzedzali, że przez ich przestrzeń powietrzną w naszym kierunku zmierzają drony [...] to wyprzedzenie było pomocne dla nas.”
Il a souligné, auprès de l’Agence Polonaise de Presse (PAP), qu’il était surprenant que le Bélarus, qui aggrave la situation à la frontière terrestre, ait décidé de coopérer de cette manière, « Mais nous ne l’avons pas rejeté » - „Ale nie odrzuciliśmy jej”, a-t-il déclaré. Il a ajouté que « notre réponse était positive, c’est-à-dire que nous avons fourni au Bélarus des données sur les objets qui se dirigeaient vers eux. » - „nasza odpowiedź była pozytywna, czyli przekazaliśmy Białorusi dane o obiektach kierujących się w ich stronę.”
L’espace aérien polonais a été rouvert au cours de la matinée du 10 septembre.
Intrusion de drones: la Pologne a demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU
Du côté de la Russie, autre son de cloche : on réfute les accusations de Varsovie
Andreï Ordas, ambassadeur par intérim de la Fédération de Russie en République de Pologne, a déclaré au média russe RIA Novosti :
« Aucune preuve n’a été fournie que ces drones sont d’origine russe ». Et d’ajouter que les drones abattus en Pologne sont arrivés d’Ukraine. » Andreï Ordas
Entretien avec Cécile Vaissié : "le pouvoir russe actuel est un danger pour l’Europe"
Donald Tusk s’appuie sur l’article 4 du traité de l’OTAN
L’article 4 du traité de l’OTAN consiste en une consultation des membres de l’OTAN, consultation demandée par un État membre lorsque son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité sont menacées.
Après s’être entretenu avec le Secrétaire général de l’OTAN et d’autres alliés, le Premier ministre Donald Tusk a décidé que la gravité de la situation nécessitait d’utiliser l’article 4 du traité de l’OTAN.
Il souligne que « les consultations avec les alliés ont pris la forme d'une demande formelle pour le lancement de l'article 4 de l'OTAN ».
„konsultacje z sojusznikami przybrały charakter wniosku formalnego o uruchomienie art.4 NATO”
Le but d’une telle consultation est de permettre l’échange d’informations afin d’évaluer, entre alliés, la menace planant sur un membre et la possibilité d’une réponse commune.
Activer l’article 4 en cette circonstance permet à la Pologne d’affirmer un signal diplomatique fort : l’OTAN surveille la situation avec attention.
💡Au cours de l’histoire de l’alliance transatlantique, l'article 4 a été activé sept fois, dont déjà deux fois par la Pologne
• 2014 : La Pologne, soutenue par la Lituanie, la Lettonie et l'Estonie, utilise l’article 4 après l'annexion de la Crimée par la Russie.
• 2022 : La Pologne et les États baltes à nouveau, ainsi que plusieurs autres pays, font usage de l’article 4 juste après le début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie
Zapad - l’ouest en français, l’exercice militaire de tous les dangers ?
La Russie mène actuellement des exercices militaires - nommées Zapad (Запад) soit « ouest » en russe, conjoints avec le Bélarus aux frontières de l’OTAN.
💡La dernière édition de Zapad a eu lieu en septembre 2021
Après des exercices simulant une défense face à une attaque de l’OTAN dans plusieurs camps militaires russes et bélarusses, les 200.000 militaires mobilisés pour cette édition inédite sont restés mobilisés.
Les unités se sont ensuite dirigées aux frontières de l’Ukraine, jusqu’au 22 février 2022 où elles ont été à l’origine de l’agression russe. Johan Andreu
Exercice militaire Zapad 2025 - points de vue croisés occidentaux et ukrainiens 2/2
L’objectif de l'exercice Zapad, comme le rappelle le Premier ministre polonais, Donald Tusk, est de simuler l’occupation d’un des points les plus stratégiques de de la frontière orientale de l’Europe : le corridor de Suwalki, passage de près de 85 kilomètres (65 km à vol d’oiseau), entre la Pologne et la Lituanie, reliant l’Oblast russe de Kaliningrad au Bélarus.
💡Le très convoité corridor de Suwalki
Ce corridor est le seul point de passage terrestre entre les États baltes et le reste de l’OTAN et de l’Union européenne.
Une zone d’autant plus stratégique qu’en cas d’attaque, non seulement les États baltes seraient coupés d’accès terrestre au reste de l’OTAN, mais la Russie pourrait opérer une jonction entre son territoire de Kaliningrad et le Bélarus.
Pour le dire autrement, l’OTAN serait obligée d’envoyer des renforts aériens et maritimes, ce qui limiterait les possibilités pour contrer une attaque. Camille Lopez
Les populations frontalières menacées par les actions hybrides russes et bélarusses
Etienne de Poncins au micro de Franceinfo : « Pour les Polonais c’est le sentiment que la guerre potentielle se rapproche »
L’ambassadeur de France en Pologne, M.Etienne de Poncins, était l'invité du 12/15, sur Franceinfo, ce mercredi 10 septembre - le diplomate était également ambassadeur de France en Ukraine au moment de l’attaque du pays par la Russie.
Etienne de Poncins est revenu sur la stupeur de la population qui a dû faire face à ces attaques :
« Beaucoup d’inquiétudes et d’émotions du côté de la population polonaise, notamment dans les régions touchées [...] comme vous l’indiquez, c’est la première fois qu’il y a une incursion aussi massive de drones russes sur le territoire polonais. [...] Pour les Polonais, c’est le sentiment que la guerre potentielle se rapproche et que la menace russe, en tout cas, se rapproche. » Etienne de Poncins
Et d’ajouter : « Le sentiment d’inquiétude est palpable désormais en Pologne ».
Quant à la coopération avec l’OTAN suite à cette violation de l’espace aérien, il a déclaré que « C’est inédit par l’ampleur de cette agression et c’est aussi la première fois que les Polonais réagissent avec leurs alliés en abattant un certain nombre de drones. »
Concernant le Traité pour une coopération et une amitié renforcées entre la République de Pologne et la République française, dit Traité de Nancy, signé le 9 mai 2025 : « Je dois dire que, sur le plan politique et diplomatique, nous avons aussi énormément renforcé ces dernières semaines, ces derniers mois, notre coopération en matière de défense avec la Pologne. [...] Et je dirais que cette escalade nous conforte dans le bien-fondé de ce renforcement de la coopération bilatérale franco-polonaise dans le domaine de la défense. »
Afin de contrer la menace russe :
« Tous les jours, nous accueillons, ici à l’ambassade, des délégations, notamment dans le domaine militaire, qui viennent voir avec leurs collègues polonais comment on peut collectivement faire face à cette menace grandissante du côté de la Russie. », a expliqué l'ambassadeur.
Pour exemple, sur son compte LinkedIn, l'Ambassade de France à Varsovie à annoncé, que lors du salon de défense à Kielce, un accord important a été signé entre le Groupe polonais d’armement Polska Grupa Zbrojeniowa S.A., le chantier naval PGZ Stocznia Wojenna et NAVAL GROUP. On peut lire dans ce même post que : « Cet accord de coopération porte sur de la fabrication avancée dans le domaine de la construction des sous-marins et d'autres navires spécialisés, ce qui est ouvre la possibilité d’intégrer l’industrie de défense polonaise dans la chaine de sous-traitance de Naval Group. »
Mercredi 10 septembre, dans la matinée, le président polonais Karol Nawrocki a annoncé qu'il convoquerait, dans les 48 heures, le Conseil national de sécurité polonais, en réponse aux violations sans précédent de l'espace aérien polonais.
Un article de Bénédicte Mezeix-Rytwiński et Ethan Sebban - 11/09/25 11:00
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