Tous les 2 à 3 ans depuis 2009, la Russie mène des exercices militaires conjoints aux frontières de l’OTAN. Ces démonstrations de forces, nommées Zapad (Запад) soit « ouest” en russe, sont scrutées par les observateurs du monde entier. L’édition 2025 de cet exercice militaire qui n’a pas eu lieu depuis 2021 - en 2023, elle a été annulée, va réunir jusqu’à 150.000 soldats au Belarus en septembre de cette année. La Pologne et les Pays baltes, aux premières loges, scrutent attentivement ce qui se trame à l’est, l’occasion, dans ce dossier en deux parties, de revenir, dans ce premier volet, sur les éléments de langage du Kremlin ainsi que les informations officielles russes et bélarusses relatives à Zapad 2025.


Zapad 2025 du point de vue des médias officiels russes
Les éléments de langage du Kremlin ainsi que les informations officielles russes et bélarusses relatives à Zapad 2025 sont rapportés dans ce prermier volet. Nos recherches se sont appuyées sur la communication officielle des deux gouvernements et de leurs ministères respectifs d’une part, d’autre part sur l’interprétation des journaux proches du régime de Vladimir Poutine ou de Alexandre Loukachenko.
Un réduction des forces mobilisées et un recul des frontières
L’exercice Zapad était prévu depuis l’automne 2024. L’objectif officiel de ce type d’exercice est de simuler une défense face à une agression d’un pays de l’OTAN. Les manœuvres doivent donc, en théorie, être seulement défensives.
Andreï Beloussov, ministre russe de la Défense, déclarait ainsi le 16 mai dernier :
« Il convient de souligner que cet exercice revêt un caractère exclusivement défensif. Notre tâche commune est de travailler sur des scénarios de défense de l’État de l’Union contre une agression extérieure, en utilisant les capacités du groupement régional de troupes de la République du Belarus et de la Fédération de Russie. »
«Необходимо подчеркнуть, что это мероприятие носит исключительно оборонительный характер. Наша совместная задача – отработать сценарии защиты Союзного государства от внешней агрессии, используя возможности региональной группировки войск Республики Беларусь и Российской Федерации»
Les exercices militaires dans le cadre de Zapad 2025 sont par ailleurs coordonnés dans le cadre d’un partenariat stratégique, mais aussi économique et culturel : l’Union (Союзное государство, litt. État fédéral). Cette sémantique référant des rapports entre Russie et Belarus comme d’un État fédéral peut expliquer la proximité notamment militaire des deux États.
Lors des précédents exercices Zapad, les exercices ont eu lieu sur des terrains militaires se situant aux frontières de l’OTAN et de l’Ukraine, sur le territoire de la Fédération de Russie et de la République du Belarus.
Lors d’une réunion à Minsk le 16 mai 2025, le ministre de la Défense russe Andreï Beloussov et son homologue bélarusse Viktor Khenin ont annoncé une baisse forte de l'ampleur de Zapad 2025.
Le site internet du parlement bélarusse rapporte que les deux chefs militaires ont annoncé une réduction de moitié du nombre de militaires engagés dans l’exercice, le réduisant à 13.000 soldats. De même, ils ont annoncé un éloignement de l’exercice des frontières orientales du Belarus, vers l'intérieur des terres.

Exercice militaire Zapad 2025 - points de vue croisés occidentaux et ukrainiens 2/2
Pour les officiels de l’union : une volonté de pacification régionale
Lors d’une conférence de presse le 4 juin 2025, la porte-parole du ministère des affaires étrangères russe, Maria Zakharova, a présenté les raisons de la réduction de l’exercice militaire. La porte-parole a insisté fortement sur l’objectif de réduire les tensions dans la région. L’objectif serait avant tout d’inviter les Européens au dialogue et briser le cercle vicieux de l’escalade verbale et militaire.
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Une critique acerbe des prétendues volontés bellicistes occidentales
Si les officiels russes semblent être sur la réserve dans leur critique de l'occident, leurs alliés, comme la partie bélarusse et leurs interprètes que sont les médias d’État, ne mâchent pas leurs mots contre les membres de l’OTAN.
Ainsi, lors de la réunion du 16 mai entre les deux ministres de la Défense de l’union, Andreï Beloussov et Victor Khenin, le ministre bélarusse a eu des mots très durs contre l’alliance atlantique :
« Par son intensité et son ampleur, l’exercice Zapad a toujours été sans commune mesure avec les activités d'entraînement opérationnel et de combat menées en Europe par les États membres de l’OTAN. Cependant, il est désormais devenu habituel que le simple fait de son organisation suscite des spéculations stéréotypées de la part des représentants des dirigeants politico-militaires de certains États européens. »
« По интенсивности и масштабам учение "Запад" всегда было несопоставимо с теми мероприятиями оперативной и боевой подготовки, которые проводят в Европе государства - члены НАТО. Однако уже традиционно сам факт его проведения вызывает шаблонные домыслы со стороны представителей военно-политического руководства отдельных европейских государств »
Le secrétaire d’État du Conseil de sécurité de Biélorussie (Госсекретарь Совета безопасности Белоруссии) Alexandre Volfovitch a même parlé de « stupidité totale » («полнейшей глупостью») par rapport aux peurs occidentales d’invasion russe consécutive à Zapad 2025.
Ces éléments de langage sont repris par les médias alignés sur les positions du Kremlin, comme par exemple Дзен [Dzen].
Le média insiste alors d’une part sur les volontés pacificatrices de la Russie - indiquant que Vladimir Poutine aurait convié des pays membres de l’OTAN en tant qu’observateur de l’exercice militaire Zapad 2025 et que la réduction des effectifs n’est qu’une invitation au dialogue. D’autre part, il dénigre les paroles occidentales et avant tout ukrainiennes, considérant que toute interprétation de Kiev n’aurait pour objectif que de « semer la panique au sein de l’UE ».
Tout en dénigrant leurs discours et en le considérant comme erroné et biaisé, Dzen rapporte paradoxalement le discours de l’Institut of Study of War (think tank d’étude militaire internationalement reconnu pour sa rigueur), consciencieusement, entre guillemets. Le média reprend tout de même les éléments de langages russes, utilisant le terme « opération militaire spéciale » (Специальная военная операция - СВО [SVO]) pour parler de la guerre en Ukraine.

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Panorama de l’information sous le régime autoritaire de Vladimir Poutine
Pour comprendre la portée et les éléments parfois contradictoires des informations présentées ci-dessous, il faut avoir en tête que la Fédération de Russie et la République du Belarus sont des États dans lesquels la liberté d’expression n’est pas garantie.
On distingue alors différents types de médias : les médias d’État et les médias dits « libres » ou « d'opposition ».
Les journalistes dit « libres », c’est à dire ceux critiquant la parole du régime politique en place subissent des intimidations, sont réprimés par l’appareil judiciaire, et peuvent même parfois - tragiquement - être victimes d’assassinat politiques. Un bon exemple de la répression journalistique en Russie est l’assassinat de la journaliste Anna Stepanovna Politkovskaïa le 7 octobre 2006 à Moscou - internationalement connue notamment pour sa couverture de la guerre de Tchétchénie.
Aujourd’hui, les derniers journalistes indépendants vivent dans une situation très précaire et ont souvent le statut « d’agent de l’étranger » qui limite fortement leurs activités.
Être un opposant politique en Russie, le cas des Inoagent
Les opposants politiques russes sont souvent victimes de statut « d'agent de l’étranger » (иноягент, [inoagent]). Il s’agit d’une liste noire sur laquelle peuvent être inscrites des entités (personnes morales) ou des personnes (personnes physiques). La justice -non indépendante - russe considère ainsi que toute personne recevant de l’argent depuis l’étranger, ne serait-ce qu’un rouble, peut être sous l’influence d’une puissance étrangère, et donc une menace pour la sécurité de l’État.
La liste des inoagent s’est considérablement allongée depuis 2019, lors de sa création pour les personnes physiques.
Ainsi, ils doivent spécifier dans toutes leurs apparitions ou déclarations publiques leur statut « agent de l’étranger », et prévenir leur audience du risque qu’elle encourt en restant en contact avec un inoagent (agent de l’étranger). Les membres de la liste sont par ailleurs soumis à des contrôles fiscaux très stricts - ils doivent remplir des déclarations complémentaires pour s’assurer qu’ils ne touchent aucun argent de l’étranger. De plus, ils subissent une limitation des salaires et des dons.
Parmi les médias d'opposition, souvent localisé à l’étranger, on peut compter par exemple Медуза (Meduza) ou Новая Газета (Novaïa Gazeta).
Les médias d’État, d’autre part, transmettent les éléments de langage du Kremlin sans esprit critique. On y retrouve notamment une critique acerbe de l’occident et de nombreuses informations fausses ou déformées. Parmi ces médias, on peut compter les chaînes de télé Россия 1 ou encore Первый Канал avec l’animateur vedette Vladimir Soloviev, voie du gouvernement de la Fédération de Russie.
Enfin, certains médias cherchent seulement à subsister à travers le durcissement du régime Russe. Ils évitent ainsi les sujets politiquement délicats. C’est le cas, par exemple de Газета ou de Коммерсантъ.
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