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Donald Tusk et l’Europe : droit dans ses bottes, ne change pas de discours

Le Premier ministre polonais a été particulièrement actif, ces derniers jours, en multipliant les déclarations. En effet, avant de prononcer un discours à la cérémonie d’ouverture du Forum Européen des Idées Nouvelles à Sopot (EFNI), il est intervenu dans un discours marquant au Sejm, ce mercredi 16 octobre. Cependant, ces déclarations sur les enjeux européens ont suscité de vifs débats et polémiques sur la scène politique polonaise, y compris au sein de ses alliés politiques de la Coalition civique (KO). Entre développement économique et crise migratoire, on vous décrypte le cap politique du Premier ministre - Donald Tusk, amorcé depuis ce printemps. 

Donald Tusk à EFNIDonald Tusk à EFNI
Photo : Bénédicte Mezeix pour Lpj.com Varsovie
Écrit par Joémy Romeyer
Publié le 23 octobre 2024

Donald Tusk félicite le développement économique d’une Pologne intégrée à l’Union européenne dans son discours à EFNI

Dans la soirée du mercredi 16 octobre, à Sopot, Donald Tusk a prononcé un discours dans le cadre de la cérémonie d’ouverture du Europejskie Forum Nowych Idei (Forum Européen des Idées Nouvelles).

Donald Tusk a commencé par mettre en avant le boom économique polonais, tout en soulignant le rôle des entrepreneurs et des investisseurs dans ce qu’il qualifie de « miracle »

 

« Il n’y aurait pas de miracle économique sans la solidarité et l’esprit d’entreprise polonais.  »  Donald Tusk, dans son discours d'ouverture à EFNI 2024.

« Nie byłoby tego cudu gospodarczego, gdyby nie Solidarność i duch polskiej przedsiębiorczości »

 

Cependant, Donald Tusk a clairement affiché l’objectif de rattraper les pays d’Europe occidentale en poursuivant et en maintenant cette dynamique de croissance économique à long terme. 

 

« Bien que nous ayons l'un des taux de croissance économique les plus élevés de l'Union européenne, cela n'est pas suffisant pour la Pologne. » Donald Tusk, dans son discours d'ouverture à EFNI 2024.

« Mamy co prawda jeden z najwyższych wzrostów gospodarczych w Unii Europejskiej, ale dla Polski to jest za mało. »

 

Au fil de son discours, il a également montré que la Pologne ne serait pas arrivée à un tel niveau de développement économique sans son intégration à l’Union européenne.

 

« Toutefois, il convient de rappeler que pour des nations telles que la Pologne, l'appartenance à une communauté a été l'un des principaux moteurs du développement de l'économie polonaise. » Donald Tusk, dans son discours d'ouverture à EFNI 2024.

« To warto jednak o tym pamiętać, że dla takich narodów, takich państw jak Polska, to, że staliśmy się częścią wspólnoty, było jednym z głównych silników rozwoju polskiej gospodarki. »

 

Donald Tusk a ensuite poursuivi son discours en évoquant le thème de l’énergie et la construction de la deuxième centrale nucléaire polonaise. Si au moment du lancement du projet, c’est les groupes français EDF et Areva qui étaient pressentis ; c’est finalement Kepco (groupe sud-coréen) et Westinghouse (entreprise états-unienne rachetée par des capitaux canadiens) qui se sont vu attribuer le projet de construction de cette deuxième centrale nucléaire en Pologne. 

Enfin, Donald Tusk a conclu son discours d'ouverture en insistant notamment sur le marché de l’éolien offshore où il prévoit d’investir 70 milliards de PLN sur 10 ans.

 

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Donald Tusk maintient une position ferme sur la question migratoire, à contre-courant de son propre camp

Un peu plus tôt dans l’après-midi du 16 octobre, Donald Tusk a également pris la parole au Sejm (chambre basse du parlement polonais) juste après le discours du président Andrejz Duda

Il a d’abord tenu à marquer sa ferme opposition à l’actuel président polonais et à son parti - Prawo i Sprawiedliwość (Droit et Justice ou PiS) - qu’il juge incompétent. À ces mots, les députés du PiS ont quitté le Sejm invoquant l’article 140 de la constitution polonaise selon lequel le discours du Président ne peut être poursuivi de débats. Malgré cela, le Premier ministre a pu poursuivre son discours devant une audience ainsi réduite. 

 

 

Il a notamment évoqué et défendu sa politique migratoire de suspension temporaire du droit d’asile sur le territoire polonais afin de sécuriser la frontière orientale de la Pologne avec le Bélarus

 

« Notre politique est dure mais humanitaire. » Donald Tusk dans son discours au Sejm le 16 octobre 2024.

« Nasza polityka jest twarda, ale humanitarna. »

 

Donald Tusk a annoncé cette mesure samedi 12 octobre, en créant une tempête médiatique et politique. En effet, cette mesure va à l’encontre de la ligne politique de son parti. 

En outre, la politique migratoire du Premier ministre polonais fait aussi l’objet de nombreuses critiques des pays d’Europe de l’Ouest, comme celles de la part de Gabriel Attal au printemps dernier. 

 

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De plus, Donald Tusk possède des soutiens au sein de l’Union européenne. En effet, en marge du Conseil européen du jeudi 17 octobre, la Première ministre danoise ainsi que ses homologues suédois et finlandais ont déclaré encourager la politique entreprise par la Pologne. D’ailleurs, la Finlande a, elle aussi, adopté une mesure du même type pour faire face à l’afflux de migrants à sa frontière avec la Russie

Ainsi, Ursula von der Leyen a annoncé vouloir discuter avec les pays qui souhaitent renforcer leur politique migratoire (pays cités ci-dessus, mais aussi Pays-Bas ou Italie…) afin de trouver des solutions. 

Si l’Europe se déchire entre soutiens et critiques, Donald Tusk tient tête et justifie cette mesure par le contexte géopolitique. Il accuse la Russie et le Bélarus d’être les instigateurs des flux de migrations aux frontières orientales de la Pologne, dans l’objectif de déstabiliser le pays dans le contexte de la guerre russo-ukrainienne.

 

« Il ne s'agit pas de réfugiés ou de personnes qui se sont retrouvées là spontanément ou accidentellement, mais d'une action organisée à grande échelle entre la Russie et le Bélarus. » Donald Tusk dans une interview donnée à Gazeta Wyborcza (un quotidien polonais).

« Mamy tam do czynienia nie z uciekinierami czy uchodźcami, którzy spontanicznie czy przypadkowo tam się znaleźli, ale ze zorganizowaną, i to na wielką skalę, rosyjsko-białoruską akcją. » 

 

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Cette polémique intervient à un moment critique, car, en janvier 2025, la Pologne devra assurer la présidence du Conseil de l’Union européenne ; puis quelques mois plus tard, en mai de la même année, auront lieu les prochaines élections présidentielles dans le pays.


 

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