Né en France de parents calabrais et formé à Nice, le chef Anthony Genovese a décidé, dans les années 90, de s’installer en Italie. Le franco-italien a ouvert "Il Pagliaccio" en 2003 à Rome, rapidement devenu l’un des plus grands restaurants – deux étoiles Michelin - de la capitale.
Dans une rue du centre-ville de Rome, à deux pas du Château Saint-Ange, se trouve l’un des trois restaurants 2 étoiles de la capitale : Il Pagliaccio. Ouvert en 2003, l’établissement du chef Anthony Genovese a obtenu sa première étoile en 2006, puis la deuxième, trois ans plus tard, en 2009. Né en 1968, à Cluses en Haute-Savoie, de parents calabrais, le futur chef fait ses premières armes en cuisine autour de plats traditionnels de la cuisine française. “L’un des premiers plats que j’ai cuisiné, vers 12 ans, a été la blanquette de veau. Une fois sur deux c’était immangeable, mes pauvres parents n’en pouvaient plus”, rit le sémillant quinquagénaire. En hommage à cette recette, le chef a composé, et inclus dans son menu du printemps dernier, une sauce blanquette. “Je tiens à enseigner les bases à mon équipe. Pour cela, il faut en revenir au chef Escoffier. Il faut savoir faire un sabayon [spécialité italienne à base de jaune d’œuf, ndlr], des sauces béarnaises, hollandaises, gribiches…”, détaille celui qui gère une équipe d’une vingtaine de personnes.
Après avoir étudié à l’école hôtelière de Nice et passé plus d’une vingtaine d’années en France, Anthony Genovese décide de prendre le “chemin inverse” de celui de ses parents, et s’installe en Italie, à Florence dans un premier temps, dans les années 1990. Là-bas, il travaille dans le restaurant trois étoiles Enoteca Pinchiorri, alors tenu par la cheffe française Annie Féolde. Pourquoi ce retour aux sources ? “Quand j’étais petit, j’ai entendu des propos vexants à l’égard de mes parents. Cela m’a marqué. Même si j’ai un immense respect pour la France, j’ai toujours voulu défendre la patrie que mon père aimait”, raconte-t-il.
Un hommage à son père qui se retrouve jusque dans le nom de son restaurant : Il Pagliaccio, soit “le clown” en français. “Dans la grande salle, il y a un tableau, représentant un clown, que ma mère a peint pour mon père. Ce dernier est décédé quand j’avais 20 ans, c’était assez violent… Je me suis dit que, le jour où j'aurais un restaurant, je l’y accrocherai”, explique-t-il en gratifiant Berlingot, son Golden Retriever, d’une caresse sur la tête. Outre ce tableau, Anthony Genovese dit trouver un écho entre son travail et la figure du clown : “Pour moi, le clown n’est pas un idiot qui fait rire, c’est quelqu’un d’intelligent, de profond, de sensible et qui se donne énormément aux gens. C’est un peu ce que nous faisons en voyageant pour apprendre le métier en France, en Italie, au Japon… Nous rapportons ce “cirque” avec nous et nous le récitons, comme un clown pour rendre les clients heureux”.
Les plus grands chefs sont passés par la France
En parallèle de son travail à l’Enoteca Pinchiorri, le chef voyage beaucoup : Thaïlande, Japon, Londres, Chine ou encore Malaisie. Ces découvertes enrichissent sa cuisine. “Ma cuisine a une forte personnalité, ce qui correspond bien à mon identité. Elle est faite de contraste, de chaud et de froid, d’aigre et de doux, de viande et de poisson…”, décrit-il. À titre d’exemple, le chef mentionne une recette revisitée de la queue de bœuf, spécialité romaine : “Ici, on va la faire cuire alla piastra [grillé, ndlr] dans un ravioli chinois. La farce est italienne, mais nous reprenons aussi l'idée du ravioli à la chinoise. Nous servons ce plat avec un bol de sauce de queue de bœuf”. Concernant les ingrédients, Il Pagliaccio se fournit à 100% en Italie. “Tous nos légumes proviennent des marchés. Nous allons à Campo de Fiori pour tout ce qui est un peu plus particulier. Par exemple, nos asperges proviennent du nord de l’Italie, le poisson de Méditerranée, la viande de la Toscane ou des Pouilles…”, énumère-t-il.
Une technique française
Si, côté créations culinaires, Anthony Genovese mélange surtout inspirations asiatiques et italiennes, côté technique, c’est de la France dont il hérite : “Les plus grands chefs sont passés par la France. Me concernant, je ne suis pas influencé par la France dans mon œuvre, mais dans ma technique oui : la rigueur, la discipline, la façon dont on gère une cuisine, la recherche de la qualité du produit… Ça c’est français”. Ses liens avec le pays de Molière se maintiennent via son frère, resté là-bas, mais également grâce à des voyages réguliers à Paris, capitale de la gastronomie, ainsi que dans d’autres régions pour y goûter des spécialités : “Tandis qu’en France, la haute gastronomie est une tradition, la cuisine italienne, bien que goûteuse, est beaucoup plus simple. J’aime me rendre à Paris ou à Lyon pour manger, du pâté en croûte ou des quenelles au brochet qu’on ne trouve que là-bas par exemple”, sourit le quinquagénaire. Lorsqu’on l’interroge sur ses projets futurs, il confesse que son “petit rêve caché dans un tiroir” serait l'obtention d’une troisième étoile, ainsi que la volonté d'ouvrir un restaurant “beaucoup plus simple” sur Rome. À suivre.