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VOLCANISME - L’Etna, une histoire en marche …

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 18 janvier 2016, mis à jour le 18 janvier 2016

 

L'Etna, le géant sicilien, montre une activité fréquente et variée, oscillant entre des phases de volcanisme « tranquille » où des coulées de lave fluides enrichissent l'édifice mais occasionnent cependant des dégâts, et des épisodes plus agités avec des explosions s'accompagnant de projections de matériaux, d'imposants nuages de cendres, voire d'orages volcaniques. Les relevés historiques et les analyses des produits volcaniques de toutes les phases de l'histoire du volcan semblent indiquer que ces phases explosives et donc plus dangereuses sont de plus en plus représentatives de l'activité de l'Etna dont la périphérie est de plus en plus peuplée. La montagne des montagnes serait donc en lente évolution ? Quelles hypothèses sont aujourd'hui avancées pour tenter d'expliquer ce changement d'identité, s'il s'avérait réel ?

 Panache de cendres le 4 décembre 2015 , Photo Boris Behncke (INGV-Osservatorio Etneo)

Tout près de Catane en Sicile, le plus haut volcan d'Europe encore en activité (3330 m) tire son nom signifiant « qui peut brûler » dans l'antiquité (origines  multiples controversées). Appelé aussi Mongibello en Sicile, il représente ainsi la « Montagne des Montagnes ». Bien entendu, ce gigantesque édifice naturel a été l'un des lieux de résidence pour de multiples entités dans la mythologie. Ce volcan évolue ? et pas seulement par son altitude qui était estimée à 3274 m en 1900. Quels sont les éléments de cette histoire en marche ?

Le passé :

Eruption de 1669, la lave gagne Catane.

La première activité qui a donné naissance à l'Etna date d'il y a 500 000 ans et les premières roches issues de cette phase initiale sont des basaltes : c'est la phase « pré-etnaenne ».  Ces basaltes, en coussins comme pour un fond océanique, s'expliquent car l'emplacement actuel de l'Etna est en effet un vaste golfe à cette époque. Les plus anciennes coulées de lave en domaine aérien sont datées de  320 000 ans. La phase « Etna ancien » s'étale entre -170 000 et -75 000 ans et produit des roches plus variées qui permettent d'obtenir la croissance de l'édifice à son emplacement actuel. Puis, de -75 000 à -30 000 ans, c'est la phase « des volcans de la valle del Bove », 5 centres éruptifs se succèdent, avec des explosions et des empilements de laves. La phase « Mongibello » débute ensuite et se déroule en plusieurs étapes, par exemple la formation de la caldera du cratère elliptique il y a 14 000 ans et d'autres effondrements qui suivent des constructions augmentant l'altitude. Cette phase est considérée comme encore en cours à ce jour (selon les auteurs, plusieurs découpages de cette histoire sont proposés).

Le présent : 

L'Etna est toujours très actif, et après plus de 80 éruptions au cours du XXème siècle, le siècle actuel en compte déjà plus de 15, la dernière en décembre de l'année écoulée. Ces éruptions sont variées, avec des coulées de laves fluides (dynamisme effusif) lui donnant les caractéristiques des « volcans rouges » et des éruptions plus problématiques car relevant d'un dynamisme explosif comme les « volcans gris », ou parfois comme en octobre 2002 une même éruption à la fois explosive sur le flanc sud et effusive sur le flanc nord. Les conséquences de ces épisodes éruptifs (des coulées de laves aux nuages de cendres) et des séismes et effondrements associés sont parfois lourdes, allant des destructions de constructions (complexe touristique, station de ski) à la fermeture de l'aéroport de Catane, sans omettre les problèmes respiratoires et allergiques des populations environnantes. Cette éruption de 2002 est la première de la période historique où les produits éjectés liés aux explosions sont plus abondants que les coulées de lave...est-ce à dire que l'Etna évolue et si oui, pourquoi ?

L'avenir?

La tâche des volcanologues est complexe car il subsiste beaucoup d'incertitudes sur l'origine même du volcanisme de l'Etna. Les analyses chimiques des produits les plus anciens et le dynamisme effusif fréquent s'accordent à définir l'origine du volcan comme l'émanation d'une source de chaleur très profonde mais assez ponctuelle, proche du noyau de la Terre, ce que l'on appelle un point chaud (à l'image des volcans comme le Kilauea d'Hawaii ou le Piton de la Fournaise de la Réunion). Cela s'oppose au volcanisme d'origine nettement plus superficielle mais très explosif des zones de subduction, c'est-à-dire des régions où une plaque de la lithosphère (croûte terrestre et partie rigide superficielle du manteau) plonge dans les profondeurs en passant alors sous une autre plaque restant en surface. C'est cette subduction qui provoque le volcanisme des toutes proches îles Eoliennes. Cette proximité a rendu complexe la détermination de l'identité même de l'Etna !

En effet, pour certains, l'Etna a toujours eu la même origine que les îles éoliennes (Vulcano et Stromboli pour ne citer que ces noms très connus) car l'Etna se situe à 50 km seulement au sud du plongement en subduction de la plaque ionienne sous le bassin tyrrhénien. Pourtant les laves de l'Etna sont différentes de celles de l'arc Eolien et les données sismiques ne montrent pas de plaque plongeante sous l'Etna?Alors, d'autres scientifiques avancent que, si la subduction proche n'est pas directement impliquée dans les éruptions, elle engendre, mécaniquement sur sa bordure ouest, une remontée de matériel chaud du manteau qui a permis la naissance de l'Etna. Mais que penser alors des éléments qui semblent montrer un changement de dynamisme des éruptions ?

L'équipe de Pierre Schiano, à Clermont-Ferrand a proposé en 2001 un scénario qui semble répondre à toutes les observations : l'Etna change d'identité ! Les analyses de micro-inclusions dans les laves émises entre il y a 520 000 ans et 1999 montrent que la composition du magma a évolué depuis 100 000 ans : d'une composition proche de celle correspondant à l'activité d'un point chaud, les magmas ont petit à petit acquis une composition mixte où la nouvelle composante magmatique correspond à l'influence notable de la subduction. Ainsi, l'Etna né en marge de la subduction subirait de plus en plus son influence, et ceci car ce plongement lui-même reculerait peu à peu vers le sud, le volcan se situant alors progressivement à la verticale de ce chevauchement de plaques qui se déplacerait?.

La plaque Ionienne, en violet, s'enfonce et passe sous la plaque Tyrrhénienne 
mais l'Etna était jusqu'à notre époque en marge de ce phénomène.

Ce scénario, qui devra être encore étudié et testé, expliquerait ainsi certaines phases explosives dans le passé récent et laisse supposer que l'activité de l'Etna va devenir de plus en plus explosive dans le futur? Mais rassurons nous, la transition est lente et si le modèle proposé s'avère exact, elle ne se fera que sur des dizaines de milliers d'années. La surveillance et la vigilance très marquées du site sont là pour parer à toute éventualité.

Laurent His (lepetitjournal.com de Rome) - Mardi 19 janvier 2016.

 

 

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Publié le 18 janvier 2016, mis à jour le 18 janvier 2016

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