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SOCIÉTÉ - Les femmes-objets de la télévision italienne

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 18 janvier 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

La télévision italienne n'est pas réputée pour son bon goût ni pour son respect de l'image de la femme. Elle est avant tout un objet que l'on exhibe pour faire de l'audience. Ici on ne parle pas de diplômes mais de mensurations et quel que soit le programme ou l'heure de diffusion, la petite lucarne présente une image dégradante et particulièrement misogyne des femmes. Est-ce le simple reflet de la société italienne ?

Et l'homme créa la femme
Des femmes dénudées, qui dansent, s'exhibent et rient à toutes les interventions du présentateur ou de ses invités sont le lot commun de la majorité des programmes italiens. Que ce soit en première partie de soirée ou le dimanche après midi au cours du déjeuner dominical, le téléspectateur n'a pas de répit et voit apparaitre constamment de jeunes Veline, toujours plus belles ou plus vulgaires. Peu importe l'heure de diffusion, les enfants, les grands parents et toute la famille assistent ensemble à cette exhibition désolante de jeunes femmes venues chercher la gloire à la télévision.

(source: http://quimamme.leiweb.it)
Striscia la Notizia a ses Veline et le jeu télévisé Mercante in Fiera donne à voir une dominatrice vêtue de cuir. Sur Rai Due en 2004, le présentateur de Libero, Teo Mammucari traite d'écervelée une des jeunes femmes qui l'assiste sur le plateau, et cette dernière en rie. La femme belle et potiche est un concept banalisé. Plus encore, le divertissement Trasformat, présenté par Enrico Papi sur Italia 1, oppose des candidates en tenues sexy et aux décolletés généreux. Même les femmes présentes dans le public n'y font pas exception. Les présentatrices, les candidates et les figurantes doivent être désirables pour être vues à la télévision. Les Veline sont les femmes-objets les plus populaires. Elues par deux (une blonde et une brune) tous les deux ans, elles n'interviennent jamais oralement, et servent d'intermède visuel pour capter l'attention des téléspectateurs. La femme est soumise au pouvoir de l'homme présentateur et n'est mise en valeur qu'à travers de gros plans sur leurs formes généreuses.


Face à cette dictature de la beauté, la chirurgie esthétique est un passage obligé pour rester sur le devant de la scène. Paola Ferrari, présentatrice de la Domenica sportiva, ou encore Valéria Marini représentent les exemples parfaits de cette uniformisation physique, où le naturel laisse place au Botox. La femme se modèle pour correspondre au regard que l'homme se fait d'elle au lieu de s'indigner et de s'affirmer en tant qu'être intelligent doté d'une personnalité qui lui est propre.


De l'absence de réaction à la perte de dignité
Lorella Zanardo, dans son documentaire Il Corpo delle donne, diffusé en 2009 (ilcorpodelledonne.net), exprimait son indignation face à  l'image féminine véhiculée par la télévision.  "Les corps sont gonflés à démesure comme des phénomènes de foire, et renvoient à une idée de la femme surfaite et irréelle. [?] Je suis sûre que tu peux regarder et supporter la télévision seulement en pensant que c'est un vaste cirque ". Dans son documentaire Lorella Zanardo pose alors une question essentielle : " qui sommes-nous, pourquoi toutes les femmes d'Italie ne descendent pas dans la rue pour protester contre la façon dont elles sont représentées ?".


Les femmes italiennes sont bien conscientes de ce que leur donne à voir la télévision. Cependant, lassées elles en sont le plus souvent indifférentes comme l'explique Marilena, 27 ans, étudiante en Droit : "On est consciente que ce qu'on voit à la télévision est scandaleux, mais c'est devenu une habitude, on n'y fait plus attention. Maintenant c'est la règle, pour apparaître à la télévision la femme doit offrir son corps, et si elle ne respecte pas ce canon elle n'est personne. Une étudiante que je connais, originaire d'une petite ville du sud comme moi, s'est fait refaire les seins pour faire partie du public d'émissions télévisées, parce que sans la chirurgie esthétique elle n'avait pas les attributs nécessaires".


La dignité de la femme est bien en danger quand cette dernière se laisse publiquement humilier et est capable d'en rire. Le président de la République, Giorgio Napolitano soulignait également ce travers regrettable de la télévision italienne le 15 avril 2010, à l'occasion du Congrès  "Donne in Tv e nei media : un nuovo corso per l'immagine femminile" (Femme à la TV : une nouvelle voie pour l'image féminine). Dans un message qu'il adressait à la présidente du Comitato per le Pari Opportunità, Mirella Ferlazzo, G. Napolitano affirmait que les femmes doivent être respectées et qu'il faut  inciter les adolescentes à exiger le respect de leur dignité en tant que femme.


La télévision est le miroir de la société
La représentation de la femme comme objet sexuel qui y est faite met à mal le combat de nombreuses femmes pour gagner en crédibilité et revendiquer leur égalité avec les hommes. Si en France une telle utilisation du corps féminin aurait provoqué de vives réactions chez les féministes, en Italie, très peu de voix s'élèvent contre ce phénomène. Depuis ses débuts, la télévision italienne montre des femmes dénudées qui dansent et chantent en première et dernière partie d'émission. La femme pulpeuse est un symbole national que les Italiens revendiquent. Or depuis quelques années elle semble avoir perdu son caractère qui était réputé bien trempé. Aujourd'hui la télévision présente cette Italienne pulpeuse comme docile et soumise, ce qui représente une atteinte grave à la dignité de la femme. Si certaines s'indignent de l'image que proposent ces show girls, elles s'en détachent en adoptant envers elles un comportement quasi masculin les jugeant de façon dure et sexiste. La télévision est donc ressentie comme un spectacle et les femmes qui y sont visibles ne représentent pas, pour les Italiennes,  la femme de tous les jours. Avec ce raisonnement, les Veline et autres show girls sont un autre type de femme, sans amour propre bien différentes des vraies Italiennes de caractère .

Elise BONNARDEL (www.lepetitjournal.com - Rome) mardi 18 janvier 2011

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Publié le 18 janvier 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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