

Umberto Bossi est le leader de la Ligue du Nord, parti d'extrême droite controversé en Italie. Son souhait de diviser l'Italie entre le Nord et le Sud paraît fantaisiste. Pourtant il est un des piliers du gouvernement d'union nationale de Berlusconi et dispose d'une certaine aura électorale surtout dans ses bases du Nord. A l'image du Front National français, le discours est moins abrupt et plus conventionnel mais le fond n'est guère différent
L'extrême droite en Europe ne cesse de progresser ces dernières années et l'Italie n'échappe pas à la règle. La crise est un prétexte aux tensions sociales, économiques et raciales. Dans ces conditions, les différences culturelles ont malheureusement tendance à s'opposer. La Ligue du Nord d'Umberto Bossi puise dans ces disparités pour construire son discours. Sa politique consiste à privilégier l'économie fleurissante du Nord du pays et à soutenir que le Sud et les étrangers ne font que piller ses richesses. Ouvertement qualifié de parti d'extrême droite, la Ligue du Nord fait aujourd'hui partie du gouvernement d'union nationale de Silvio Berlusconi. Le discours et la méthode sont d'ailleurs bien rodés depuis 1989 et la création du parti par Bossi. La Ligue du Nord arbore divers symboles reconnaissables d'un coup d'oeil. Tout sympathisant porte une cravate ou une chemise de couleur verte. L'emblème du parti reste néanmoins ce soldat, Alberto da Guissano, qui aurait contribué à la victoire de la Ligue lombarde contre le puissant Saint-Empire Romain Germanique à Legnano en 1176. Le parti s'est aussi doté des moyens de communication les plus modernes avec un journal (La Padania), une télévision et une radio. Malgré un avis souvent très tranché et provocateur, la Ligue du Nord a réunit trois millions de votes aux dernières élections régionales de 2010. Depuis près de trente ans, l'essence même de son discours est restée la même.
Servir les intérêts de la Padonie
A ses débuts, Umberto Bossi (source:wikimedia) se veut sécessionniste et réclame l'indépendance de la Padonie. Cette dernière est née de son imagination. Elle comprend la Lombardie et la Vénétie mais aussi quelques territoires de Ligurie et du Piémont. La Padonie apparaît sur tous les slogans de campagne, les affiches politiques et lors des congrès politiques. C'est l'ultime volonté de la Ligue du Nord qui en a fait sa formule favorite. Son mépris du Sud est total, si bien que même lors d'élections nationales, aucune liste de la Ligue du Nord n'est représentée dans le Mezzogiorno (terme désignant le Sud du pays). Selon ses propres dires, il reproche aux populations méridionales leur fainéantise et une trop grande complaisance vis-à-vis de leur situation. L'immigration est aussi un thème central du discours sécuritaire. Il souhaiterait raccompagner chaque étranger aux frontières le plus fermement possible. Durant les évacuations de Roms en France, Bossi s'était d'ailleurs fendu de grands compliments sur la politique française menée par Nicolas Sarkozy.
"Il senatur" (le sénateur en dialecte lombard, surnom donné pour son poste au sénat italien depuis 1987) n'est pas un homme politique qui manie la langue de bois. Il cultive le goût des déclarations cinglantes voire grossières. Dernier exemple en date en septembre 2010, quand il qualifie les romains "d'une espèce de porc" lui qui haït la capitale italienne et sa population. Avant le mondial de football en Afrique du Sud, il déclarait même au côté de son fils, ne pas supporter l'équipe nationale. Lui et les hommes de son parti n'hésitent d'ailleurs pas à exposer leur xénophobie et leur homophobie en public lors de discours de campagne parfois illustrés par des gestes peu orthodoxes. L'homme a aussi son lot de contradictions. Lui qui s'érige en défenseur suprême du Nord a trouvé le moyen de se marier à une Sicilienne ce qui provoque moqueries et sarcasmes de ses opposants. Alors qu'il approche de ses 70 ans, la question de sa succession se pose. C'est d'ailleurs au sein de sa famille que devrait se trouver son successeur. Son second fils semble se démarquer, reproduisant la méthode de son père à base de discours et de déclarations tapageuses. Ce dernier est très souvent raillé par les humoristes du pays alors qu'il a loupé deux fois sa "maturité" (équivalent du baccalauréat). Son père avait suivi le même parcours plus jeune en arrêtant des études de médecine avant leur terme. Cela ne l'a pas empêché de percer ensuite dans le monde politique.
La cohabitation avec Berlusconi
L'autonomie de la Padonie autrefois ouvertement déclarée, est désormais plus discrètement avouée. En effet, la Ligue du Nord partage le pouvoir avec Silvio Berlusconi qui se devait de réunir tous les soutiens possibles pour garder une majorité au Parlement. Le Président du Conseil a accordé au leader Bossi un ministère sans portefeuille, c'est-à-dire sans administration spécifique et sans responsabilité. Il doit gérer les affaires relatives au fédéralisme, ce qui inquiète certains intellectuels italiens. Cela explique donc sa retenue concernant ses idées les plus radicales. Il prône désormais un fédéralisme et non une séparation entre le sud et le nord. Techniquement, il se caractérise comme un ethnorégionaliste, terme barbare pour indiquer que la Padonie doit récolter les fruits de sa richesse et ne pas les gaspiller dans des projets trop nationaux. Au sein du parti, le discours a certes évolué sur la forme mais pas sur le fond.
Il a aussi contribué en 2009 à la création de fichiers sur les sans domiciles fixes et a légalisé les rondes de citoyens pour appuyer la police dans certains quartiers. Pourtant malgré le soutien qu'il obtient en Lombardie et en Vénétie, ses idées sont très minoritaires dans le pays et inexistantes dans le Sud. En 2006, sa réforme constitutionnelle sur le fédéralisme fut rejetée par un referendum populaire. Comme en France, l'extrême droite italienne donne de légères concessions à la droite traditionnelle pour essayer d'obtenir plus de crédit et de votes. Mais cela n'empêche pas Umberto Bossi de placer de temps en temps une déclaration à l'encontre du Président du Conseil. Finalement, les deux hommes ne sont alliés que par intérêt et "il senatur" compte bien tirer son épingle du jeu alors que Berlusconi est en pleine tourmente de m?urs.
Jean-Marie Cornuaille. (www.lepetitjournal.com ? Rome) Mercredi 2 février 2011

































