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PATRIMOINE HISTORIQUE – L'addition, s'il-vous-plaît !

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 2 avril 2013, mis à jour le 2 avril 2013

 

Frappée par la crise économique, l'Italie voit son patrimoine historique se dégrader. Les monuments font pourtant la richesse touristique du pays et les sauver s'avère un enjeu tout autant éthique qu'économique.

Il faut sauver le soldat "Colisée"

"L'Italie détient 60% du patrimoine culturel mondial. Le reste ? Il est ailleurs, en sécurité !". Cette boutade des conservateurs italiens résume en soi toute la difficulté du pays à mettre en valeur ses monuments, qui constituent l'une des ses principales richesses. Si la Péninsule est fière de ses 47 sites classés à l'UNESCO, le budget alloué à leur sauvegarde s'est effondré de moitié en 10 ans ? passant de deux milliards d'euros en 2000 à un milliard en 2011. Les crédits consacrés à la culture, d'autant plus menacés en période d'austérité, ne représentent que 0,19% du PIB contre 1% en France. L'article 9 de la Constitution italienne consacre pourtant la préservation historique comme principe fondamental.

Symbole à lui seul de l'Italie, le Colisée est le premier site touché par ce manque criant de moyens qui le met en danger. Attirant cinq millions de touristes chaque année, l'amphithéâtre Flavien génère 20 millions d'euros de bénéfices par an. Pourtant seuls 800.000 euros sont affectés à sa gestion et sa préservation. Résultats : sa façade attaquée par la pollution automobile se dégrade, ses pierres s'effritent par centaines et un périmètre de sécurité a dû être installé en catastrophe. Le chausseur italien Tod's avait bien été désigné en mars 2012 pour financer la rénovation du site à hauteur de 25 millions d'euros mais la justice a cassé l'appel d'offres, condamnant le Colosseo à un avenir incertain.

Un ami qui ne vous veut pas que du bien

Même si un partenaire privé n'a pas encore été trouvé pour le Colisée, recourir au mécénat est désormais la principale solution des Italiens pour préserver leurs biens culturels. Le 18 janvier dernier, la maison de haute-couture Fendi a ainsi officialisé une donation de 2,12 millions d'euros pour rénover la fontaine de Trevi, souffrant de la pollution et de la fréquentation touristique. "Cette restauration est la démonstration de l'importance de la collaboration public-privé", se félicitait le maire de Rome, Gianni Alemanno. Quand elle aura redonné au monument baroque sa beauté originelle, l'entreprise bénéficiera en seule contrepartie d'une plaque de remerciement apposée pendant quatre ans.

Certains mécènes sont cependant plus exigeants quant à leurs rétributions. La ville de Venise représente à elle seule l'engouement déraisonné des marques qui confondent monuments et panneaux publicitaires. En octobre 2010, le palais des Doges était ainsi défiguré par une bannière Coca-Cola. Malgré les critiques, la mairie a réitéré ce genre d'opérations en février 2012 et a monnayé le Campanile de Saint-Marc au Hard Rock Café. Construit en 1505, le Fondaco dei Tedeschi a également été acheté 53 millions d'euros par Benetton en 2008. Les défenseurs du mécénat assurent néanmoins que ces coopérations sont un moindre mal. Car la vente du patrimoine s'impose quand aucun sauveur, même mercantiliste, n'est trouvé.

Un investissement sur l'avenir

Partenaire moins contraignant, l'Union européenne est également sollicitée pour aider l'Italie à pérenniser son patrimoine en temps de crise alors même qu'elle lui impose des coupes budgétaires. Le "Grand Projet Pompéi", lancé le 6 février dernier entre les instances nationales et communautaires, entend sauver la ville antique classée au Patrimoine de l'Humanité. Sur 105 millions d'euros débloqués, l'Europe en finance près de 40%. Cinq maisons emblématiques de Pompéi, ravagées par l'humidité, devraient alors être rénovées. Après avoir été abandonnée pendant des années, la situation du deuxième site le plus visité d'Italie est grave. "Il y a cinquante ans, on pouvait visiter cinquante zones. Aujourd'hui seules cinq sont ouvertes", a déploré la commissaire européenne chargée de la Politique régionale, Johannes Hahn. Pire, la moitié de la cité romaine, ensevelie par le Vésuve l'an 79, risquerait de s'effondrer.

Ces chantiers de la dernière chance s'imposent suite au peu d'intérêt des gouvernements précédents pour la sauvegarde des monuments. En 2010, Giulio Tremonti, ministre des Finances de Silvio Berlusconi, considérait en effet le patrimoine comme un levier d'ajustement budgétaire. "On ne mange pas avec la culture", ironisait-il. Les politiques de Mario Monti ont quant à elles davantage intégré que le tourisme induit, qui représente 10% du PIB, est un atout pour la croissance. Une enveloppe de 330 millions d'euros à destination des biens culturels du Mezzogiorno, dont le Palais de Caserte à Naples, avait alors été débloquée en 2012. Si rénover coûte cher, se passer de 42 millions de touristes par an, qui font de l'Italie la deuxième destination européenne, serait suicidaire. La crise aura au moins eu une vertu : prouver à l'Italie que l'entretien salutaire de ses joyaux est une priorité comme les autres.

Martin CANGELOSI (www.lepetitjournal.com/rome) - Mardi 2 avril 2013

Photos: Fontaine de Trevi à Rome et Basilique Saint-Marc de Venise. Crédits : Elise Bonnardel.

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Publié le 2 avril 2013, mis à jour le 2 avril 2013

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