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L'AUTOROUTE A3 - Salerno-Reggio Calabria, un cauchemar à l’Italienne

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 14 novembre 2012

L'autoroute entre  Napoli et Reggio Calabria est devenue un enfer pour les usagers qui veulent rejoindre une localité du sud-ouest. L'autoroute qui relie la Campanie à la Calabre en passant par la Basilicate sur 495 kilomètres est en construction et rénovation depuis 1964. Des travaux interminables qui portent préjudice aux voyageurs et aux résidents des villes adjacentes

 

 

(source: wikimedia)
Un projet titanesque éternellement en travaux

En 1964, l'Etat décide de construire une autoroute qui relie la Calabre au reste de l'Italie. Jusqu'alors le massif de l'Aspromonte isolait la Calabre du reste de la péninsule si bien qu'elle était surnommée la "Troisième île".  Les travaux finissent en 1972 et l'autoroute arrive enfin à Reggio Calabria. Les problèmes commencent alors car l'autoroute n'est pas aux normes, ni nationales, ni européennes. En effet il s'agit plutôt d'une Nationale à quatre voies (deux dans chaque sens) sans voie de secours. La structure défaillante de cette autoroute est à l'origine de nombreux accidents et très souvent des portions de l'A3 sont fermées ou bloquées par des kilomètres de bouchons.

En 1980, le gouvernement reconnait la nécessité de travaux de restructuration pour une autoroute qui, à peine huit ans après sa construction, est déjà obsolète. Et pourtant, en 1990 les travaux de modernisation n'ont pas commencé. L'Union européenne intervient et oblige l'Italie à adapter le tronçon Salerno-Reggio Calabria aux normes européennes. En 1997 les premiers chantiers sont ouverts et encore aujourd'hui la plupart d'entre eux ne sont pas finis. Le délai est toujours repoussé. Pour une fin initialement  prévue en 2003, la rénovation a été repoussée à 2008 et récemment renvoyée à 2013. Neuf tronçons sont encore en travaux de modernisation (127,2 km). 209 kilomètres ont été complétés cependant les travaux doivent encore commencer pour 64 kilomètres de l'A3. Les usagers désespérés se sont résignés à passer leur vie sur une autoroute en travaux.

L'A3, l'autoroute des scandales

L'Etat investit des millions dans la construction de l'infrastructure autoroutière et la ?Ndranghetta y fait son beurre. En 2002, les autorités découvrent que 12 familles mafieuses se sont infiltrées dans le déroulement des travaux et en conséquences l'Etat émet 40 ordonnances de séquestrations qui suspendent les travaux. Bien sûr le délai s'en trouve rallongé et la fin des travaux est prévue pour 2005. Mais comme pour tous les délais, ces derniers ne sont pas respectés et le ministre des Infrastructures de l'époque renvoie la date à 2008. En 2008, et ce n'est pas une surprise, les travaux ne sont toujours pas finis et c'est au tour de Silvio Berlusconi de déplacer à 2013 l'achèvement de la modernisation de l'autoroute en même temps que l'Etat coupait 145 millions d'euros dans le budget alloué à l'A3. En Mai 2011, deux entrepreneurs Salvatore Mazzei et Antonino Chindamo, ont été condamnés à 4 ans de prison chacun après avoir été reconnus coupables d'extorsion de fonds auprès des entreprises responsables des travaux de modernisation de l'A3. Les deux hommes avaient été arrêtés en 2009 après l'enquête de la Direction du District antimafia.

(source: wikimedia)

Le dernier scandale lié à l'A3 est provoqué par l'annonce de l'instauration de péages faite par le président de l'ANAS (entreprise en charge de la modernisation de l'autoroute), Pietro Cucci. Un péage, précise-t-il, qui ne concernera que la partie Napoli ? Buonabitacolo-Padula considérée comme moderne et sûre.  Une déclaration fortement contestée par une population dont l?exaspération ne cesse de croître depuis 47 ans et qui sait depuis peu grâce à une étude réalisée par l'Espresso que les travaux ne seront sûrement pas achevés avant 2020, date à laquelle les tronçons utilisables aujourd'hui seront déjà obsolètes.

L'autoroute qui exaspère les Italiens

Utiliser l'autoroute A3 entre Salerno et Reggio Calabria cela signifie rouler sur quelques 200 km à 50 km/heure en passant de temps en temps par les villes avoisinantes quand certains tronçons sont fermés ; ce qui attisent la colère des habitants qui se lamentent de l'augmentation du trafic routier. Des kilomètres de bouchons pour une autoroute hautement fréquentée l'été quand la majeure partie des Italiens décide de descendre dans le sud pour les vacances.

Raffaele Colace, un jeune calabrais résidant à Rome raconte son dernier voyage sur l'A3. "De Rome jusqu'à Salerno le voyage s'est passé sans encombres mais les problèmes ont vite commencé quand ma s?ur et moi avons dépassé Battipaglia. Sans aucune raison apparente (ni travaux, ni accident), on se retrouve coincé dans 5 km d'embouteillage sur une autoroute à une voie. Ensuite on nous oblige à prendre la sortie de Rente sans nous donner d'explications, jusqu'à ce qu'on trouve les indications nous menant à la déviation (qui a rallongé le voyage de 50 km) ou à l'autoroute. Une déviation inexplicable. A hauteur de Altilia Grimaldi, j'en ai compris le motif: il n'y avait plus d'autoroute ! Je décide donc de suivre le parcours de déviation, et me rend compte qu'il nous fait faire demi-tour. Je continue sur 10 kms et je reprends de nouveau l'autoroute qui me mène encore au tronçon totalement fermé. Je trouve alors des policiers qui discutent avec un prêtre. Ce dernier me dit qu'il connait une route de montagne et je le suis. Après 60 km de virages (40 en montée et 20 en descente) je rejoins enfin l'autoroute au km 15 après la première déviation. En conclusion on a rallongé de plus de 60 km pour éviter 15 km d'autoroute, et on est arrivé à destination presque trois heures après l'heure prévue." Ce témoignage nous pousserait presque à prendre l'avion pour nous rendre en Calabre.

De nombreux groupes Facebook existent aussi, sur lesquels les usagers expriment leur mécontentement et racontent leurs périples, comme "Conosci l'autostrada A3 Salerno-Reggio Calabria ?". Les Italiens sont bien conscients que le problème est loin de se résoudre et ont d'ailleurs perdu tout espoir. Dans le registre des travaux publics italiens, l'A3 est une histoire sans fin qui n'annonce rien de bon en ce qui concerne le projet du Pont de Messine.

Elise BONNARDEL (www.leptitjournal.com/rome) mardi 21 juin 2011

lepetitjournal.com rome
Publié le 14 juillet 2011, mis à jour le 14 novembre 2012

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