

A l'occasion du centenaire de la naissance du fameux journaliste italien Indro Montanelli, ses nouvelles (1957-1978) sont publiées à titre posthume. Intitulé "I conti con me stesso", ce recueil, inédit, vous plonge dans l'univers secret de l'auteur
Photo : Montanelli (libre de droit)
I conti con me stesso
Indro Montanelli souhaitait prendre encore une fois la parole après sa mort et contraindre les autres à l'écouter. Machine à écrire Olivetti 22 sur les genoux, l'auteur parle courageusement, sans retenue. Il commence directement par quelques choses qui en Italie ne se disent pas : le poète Giacomo Leopardi est ennuyeux. Cette affirmation est pour lui, la plus grande preuve d'amitié et de confiance qu'un intellectuel peut témoigner à un autre. "Confesser qu'il n'a plus lu Leopardi depuis le lycée, qu'il n'a plus la volonté de le faire, et que les quelques fois où il a réessayé, il s'est de nouveau ennuyé à mourir". Montanelli porte un regard critique sur les historiens italiens qui, au cours de sa vie, l'ont beaucoup contesté :"ce sont des archivistes et surtout des malhonnêtes haïssant les personnes intuitives et imaginatives". Ne supportant pas l'importance qu'accordait son ami et écrivain vénitien Guido Piovene à "l'origine d'appartenance", Montanelli, Toscan mais avant tout homme libre et indépendant, lui envoie un clin d'?il :"La confession est incompatible avec l'accent vénitien. Pour cela l'accent toscan s'impose".
Si quelques personnages entrent en scène dans son recueil (Giovanni Agnelli, Silvio Berlusconi, Josephine Baker...), l'auteur toscan parle principalement de lui, et de ses convictions. Sur la question de l'autodétermination face à la mort, Montanelli s'engage : "Si nous avons le droit à la vie, nous avons aussi le droit à la mort. Cela nous revient, on doit reconnaitre le droit de choisir le comment et le quand de notre mort".
Un journaliste anticonformiste
Critique, critiquable et critiqué, Indro Montanelli est sans doute l'un des plus grands journalistes italiens. Né à Fucecchio (Toscane) en 1909, son père voulait en faire un diplomate, mais il préférait le journalisme.
En 1934, en pleine période fasciste, l'agence de presse américaine United Press s'attache à ses services. Il se rend à New-Nork où il a l'occasion d'interviewer Henry Ford.
De retour en Italie, tout s'enchaîne : après l'Ethiopie en 1935, il est envoyé en 1937 en Espagne durant la guerre civile comme correspondant du Messaggero, avant que le Corriere della Sera ne l'engage. Pour ses reportages, il parcourt l'Europe rencontrant des personnages de toutes sortes (Hemingway, Churchill, Quisling, Mannerheim, Hitler..).
En 1940, envoyé sur le front franco-italien, il refuse de se rendre à Paris, ville qu'il apprécie trop pour la voir dans la défaite. Capturé par des Allemands, condamné à mort en 1944, il échappe à la sentence et se réfugie en Suisse. Correspondant italien au procès de Nuremberg, il y désapprouve l'absence de juges allemands. Les années 1946-1973, le voient reporter de premier plan au Corriere (interviews de Franco, Churchill, Salazar, De Gaulle, Truman, Nasser). Son plus grand regret en tant que journaliste sera de ne pas avoir rencontré Mao et Staline.
Le créateur du Giornale
En 1974, il crée son propre journal laïque, libéral et de centre droit : Il Giornale. Il est soutenu par de nombreuses personnalités telles que François Fejto, Raymond Aron, Guido Piovene, Eugène Ionesco, Jean-François Revel et par la Montedison de Eugenio Cefis. Le 2 juin 1976, alors qu'il se rend à pied à son journal, il est "gambizzato"à Milan par les Brigades Rouges. Cet attentat est accueilli avec indignation par les uns, indifférence par les autres. En 1994, Silvio Berlusconi, devenu entre-temps actionnaire principal d' Il Giornale, entend s'en servir pour sa nouvelle activité politique. Montanelli prend la décision d'en quitter la direction.
Il meurt en 2001 en laissant une grande empreinte.
Alexis Conquet (www.lepetitjournal.com -Toscane/Rome) jeudi 28 mai 2009

































