Par Florent ISSERT, Ingénieur Patrimonial du Groupe EQUANCE
Généralement une retraite se construit au fil de l’eau par des réglages fins : calibrage de l’abondement de l’épargne, optimisation de la fiscalité immobilière avant/après votre vie active, consommation habile du stock constitué, transfert entre dispositifs au moment opportun…
Toujours est-il que depuis le 1er octobre 2020, le Plan d’Epargne Retraite (PER) s’impose en France comme l’outil retraite phare, la solution par excellence. L’objectif de cet article est de comparer le PER avec 2 autres solutions :
- Le Contrat d’Assurance Vie (le CAV)
- L’investissement en parts de sociétés civiles immobilières (SCPI)
Pour illustrer l’analyse nous prendrons l’exemple de Monsieur Paul, un investisseur âgé de 40 ans, qui dispose d’une durée de 25 ans pour se constituer un capital retraite en France (1). Il vit en couple, sa tranche marginale d’imposition est de 41 % pendant sa vie active, nous supposerons qu’elle sera de 30 % pendant sa retraite. Monsieur Paul choisit de limiter son effort d’épargne à 10 000 €/an (effort lissé sur les 25 ans).
Nous supposerons les taux de marché suivants :
- Taux de rendement de l’épargne 2% (pour un contrat d’assurance-vie ou un Plan d’Épargne Retraite).
- Taux de rendement de l’immobilier 4% (pour une Société Civile de Placement Immobilier).
- Taux de crédit sur 15 ans 2,20 % assurance incluse.
La phase de capitalisation se déroule comme suit :
Notez cependant que l’investissement immobilier a été plus important les 15 premières années (durée de l’emprunt de Monsieur Paul).
Expliquez-nous le détail de votre situation personnelle. Nous vous aiderons à choisir les meilleures solutions retraite en cliquant ici.
Que se passe-t-il pendant la phase d’épargne?
Sur ce graphique on s’aperçoit que le PER est le support « roi » en phase de constitution de l’épargne puisqu’il permet d’obtenir un capital bien plus important par son effet défiscalisant (à condition bien sûr de respecter les plafonds de déductibilité (2) ).
Retenez donc que plus la tranche marginale d’imposition est importante plus le Plan d’Épargne Retraite (PER) est performant et creuse l’écart avec le Contrat d’Assurance-Vie (CAV) et la Société Civile de Placement Immobilier (SCPI).
Que se passe-t-il en phase de service ?
Au terme des 25 ans d’épargne, Monsieur Paul prend sa retraite et dispose alors de 2 possibilités de sortie de l’épargne constituée, là encore nous tentons de simplifier pour bien comprendre :
- Soit, Monsieur Paul dispose partiellement de son capital. Il en retire une petite partie tous les mois pour combler son budget mensuel. Il s’agira alors d’une sortie en rente pour le PER, de rachats programmés pour le Contrat d’Assurance-Vie et de consommer le loyer reçu de la SCPI.
- Soit, Monsieur Paul dispose totalement ou quasi totalement de son capital. Dans ce cas, il fait le choix d’utiliser la totalité de son épargne retraite d’un seul coup (voyages, maison secondaire, donation aux enfants …). Pour cela, il demandera de sortir en capital pour le PER ; il rachètera la totalité de son Contrat d’Assurance-Vie ou vendra ses parts de SCPI (ces dernières ont la particularité d’être moins liquides qu’une assurance-vie ou un PER).
Cas d’une sortie au mois le mois
Monsieur Paul souhaite donc percevoir une petite part de son investissement. Rappelons que son Taux Marginal d’Imposition (TMI) au moment de la retraite a baissé, Monsieur Paul est passé de 41 % à 30 % :
Sur ce graphique, il y a un rattrapage en faveur du Contrat d’Assurance-Vie (CAV) au moment de la retraite puisque ce dernier bénéficie d’une fiscalité plus favorable au service de l’épargne (3) alors qu’elle est moins favorable au PER et à l’immobilier locatif.
Il faut cependant noter les points suivants :
- Pour que le Contrat d’Assurance-Vie (CAV) soit plus performant, Monsieur Paul devra consommer une partie de son capital. Il prendra alors le risque de l’épuiser (Dans le cas n°1 le capital sera épuisé à 90 ans) s’il souhaite le conserver, il ne devra récupérer que les intérêts (cas n°2) le CAV sera alors le moins performant des 3 dispositifs.
- Pour le Plan d’Épargne Retraite (PER) l’assureur versera une rente à vie, mais la fiscalité sur le revenu s’appliquera sur la totalité de la rente, c’est-à-dire sur le montant du capital ET des intérêts (4) capitalisés.
- Pour la Société Civile de Placement immobilier (SCPI), Monsieur Paul recevra un loyer à vie, mais imposable à l’impôt sur le revenu (Ou selon les cas à un taux de prélèvement à la source quasi fixe (5) ) ce qui viendra diminuer le montant perçu.
Cas d’une sortie en capital au moment du départ en retraite
Dans ce cas précis, Monsieur Paul a besoin de cash pour profiter pleinement de ses premières années retraite :
Sur ce graphique, le rattrapage est moins évident en cas de sortie en capital. En effet, la pertinence du dispositif PER dépend grandement de la tranche marginale d’imposition lors de la sortie (ici 30%), mais également de la façon dont il est sorti. Une sortie fractionnée permettra de lisser l’impôt surtout si dans le même temps Monsieur Paul active des réductions ou crédits d’impôts (travaux immobiliers, isolation…) :
- Pour le Contrat d’Assurance-Vie (CAV), la fiscalité sur le revenu s’appliquera toujours et uniquement sur la part des intérêts sous déduction de l’abattement (6). Cependant, à la différence d’une sortie au fil de l’eau (cas précédent) l’abattement ne sera utilisé qu’une seule fois.
- Pour le Plan d’Épargne Retraite (PER), la fiscalité sur le revenu sera appliquée sur la totalité du capital. De ce fait, l’imposition sera bien plus importante puisque l’épargnant sera encore fiscalisé sur le montant du capital ET des intérêts (7).
- Pour la Société Civile de Placement immobilier (SCPI), il n’y aura pas de fiscalité en cas de cession (sauf si plus-value significative), mais l’imputation des frais d’entrées. En effet l’acquisition de pierre papier occasionne, comme la pierre physique, des frais compris entre 7 et 12% selon les SCPI. Ces frais sont prélevés à la sortie. Notons cependant qu’il est fréquent que la revalorisation des parts réduise voir comble totalement ce surcoût d’acquisition.
Que se passe-t-il en cas de décès prématuré de Monsieur Paul ?
Cas 1 décès pendant la phase d’épargne
En reprenant notre exemple un peu plus tôt (horizon N+5 - Cf tableau 1), Monsieur Paul âgé de 45 ans transmettra en cas de décès l’épargne suivante :
- Un capital de 89 967€ dans le cadre du Plan d'Epargne retraite (PER)
- Un capital de 53 081 € dans le cadre du Contrat d’Assurance-Vie (CAV)
- Un patrimoine immobilier de 390 000 € dans le cadre d’une SCPI
Même si Monsieur Paul n’a pour objectif de se constituer une épargne retraite pour mourir… il est important de noter l’effet de levier supplémentaire apporter par le PER ( 8) et par la SCPI (9).
Attention : en cas de décès accidentel avant 70 ans le traitement fiscal est favorable pour le PER et pour le CAV (Le 990 I du CGI (10) s’applique), mais pour ce qui est des parts de SCPI le patrimoine entrera en succession et sera donc taxé aux droits de mutation par décès barème compris entre 5% et 45%.
Cas 2 décès après la phase d’épargne
En reprenant notre exemple à horizon N+25, Monsieur Paul âgé de 65 ans disposera de l’épargne suivante :
- Un capital de 553 748 € dans le cadre du Plan d’Épargne Retraite (PER)
- Un capital de 326 709 € dans le cadre du Contrat d’Assurance-Vie (CAV)
- Un patrimoine immobilier de 390 000 € dans le cadre d’une SCPI
En cas de décès après la phase de constitution, le traitement fiscal est identique pour le CAV (issue favorable via 990 I) et pour les parts de SCPI (issue moins favorable via l’entrée en succession), mais elle est différente pour le PER.
En effet, si le décès intervient après une sortie en rente du PER, les bénéficiaires désignés pourront recevoir la rente de réversion, hors succession si le contrat le prévoit.
Si le décès intervient après une sortie en capital du PER le capital qui n'a pas été consommé (et qui se retrouve éventuellement sur les comptes bancaires de Monsieur Paul) se retrouve cette fois dans l'actif de succession, il sera transmis aux héritiers et taxé aux droits de succession.
Synthèse
Même si les résultats présentés sont simplifiés et très arbitraires nous venons de balayer les grandes lignes du nouveau dispositif retraite (PER) sous le prisme d’autres stratégies retraite. Ce que nous pouvons dire à ce stade c’est que le PER est l’outil « roi » pour se constituer un « stock » mais qu’il est moins performant en phase de service sauf si on utilise habilement les dispositifs fiscaux au moment du départ en retraite (sortie lissée, réduction/crédit d’impôt…)
Le PER est également pertinent d’un point de vue prévoyance c’est-à-dire en cas de décès accidentel, même s’il ne rivalise pas avec un investissement immobilier SCPI, il permet de protéger plus efficacement ses proches par l’effet de levier fiscal.
Autre point commun du PER avec l’investissement immobilier, en cas de sortie au fil de l’eau la rente du PER sera servie à vie (tout comme un loyer logiquement) alors que dans le cadre de rachats, le contrat d’assurance-vie sera nécessairement épuisé au bout d’un certain temps. C’est en ce sens que le PER est un excellent levier car l’épargnant fait supporter à l’assureur le risque lié à l’allongement de la durée de vie.
Sous des apparences simples le PER est un outil très technique, nous n’avons d’ailleurs pas abordé tous les points dans cet article (Transfert Madelin, options de gestion, fiscalité binaire du chef d’entreprise…) notre conseil est de faire appel à un spécialiste pour en chiffrer les tenants et aboutissants, vous n’avez pas d’autres choix. Votre conseiller EQUANCE pourra vérifier que votre PER s’inscrira au sein d’une logique d’ensemble qui balayera à la fois les questions précédentes : optimisation du revenu, préparation de la retraite, protection des proches et anticipation de la transmission.
Enfin retenez que ce sont les conditions de marché qui définissent une stratégie long terme… l’exemple présenté auraient été différent si nous avions pris un rendement SCPI de 6% au lieu de 4 ou encore un rendement financier de 8% au lieu de 2.
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[1] En principe un non-résident ne peut pas bénéficier de l’avantage fiscal du PER car les personnes non domiciliées ne disposent pas de revenus d'activité imposables en France, ils ne bénéficiaient donc d'aucun plafond de déduction. Ils peuvent par contre ouvrir ou conserver un PER. Le législateur a également prévu de leur faire bénéficier, dès l’année de leur retour, d’un plafond de déduction forfaitaire.
[2] Plafond maximum du PER : 10 % des revenus professionnels de l’année précédente. Les revenus sont plafonnés à un maximum de huit fois le PASS de l’année précédente. En 2020, le plafond maximum est fixé à 32 419,20 euros.
Plafond minimum du PER : le minimum de versements déductibles correspond à 10 % du PASS de l’année n-1. Soit 4 052 euros en 2020.
[3] CAV : La fiscalité sur le revenu s’applique uniquement sur la part des intérêts sous déduction de l’abattement 4600 € pour un célibataire / 9 200 € pour un couple, abattement appliqué sur la part d’intérêt uniquement.
[4] PER : la fiscalité s’applique sur le montant total de la rente : IR après abattement de 10 %, plafonné à 3 812 €. Sur une fraction de la rente et 17,2 % de prélèvements sociaux sur une fraction de la rente selon l'âge du titulaire au jour de l'entrée en jouissance de la rente (40 % si le titulaire a entre 60 et 69 ans au jour de l'entrée en jouissance de la rente)
[5] Cas d’investissement sur de l’immobilier allemand par exemple (taux de 15.83%)
[6] Abattement CAV : 4600 € célibataire / 9 200 € couple, appliqué sur la part d’intérêt
[7] Fiscalité PER au décès applicable sur le total des versements (cumul des primes) avec application éventuelle du système du quotient sans abattement de 10 %, mais pas de prélèvements sociaux. Sur les gains issus des versements (intérêts) la fiscalité applicable est le PFU ou IR sur option globale + 17,2 % de prélèvements sociaux
[8] Certains contrats PER prévoient des garanties « bonne fin » donc le capital pourra être bien plus important. Cette option est payante, mais permet de sécuriser les héritiers en cas de décès.
[9] Effet de levier maximal du fait du décès l’assurance remboursera l’emprunt auprès de la banque prêteuse.
[10] Si versement avant 70 ans, abattement de 152 500 €, par bénéficiaire, commun à l'assurance-vie et au PER, puis taxation à 20 %