L’agence commerciale est une solution optimale pour les entreprises qui souhaitent commercialiser leurs produits à l’étranger sans recourir à un distributeur indépendant. Cela leur permet de conserver le contrôle de la clientèle en se prévalant de la collaboration de partenaires connaissant le marché à aborder, avant d’envisager de s’y implanter en créant une structure stable, avec les coûts en découlant. Droit français ou italien : pour lequel opter ?
Si la règlementation italienne et celle française en matière d’agents commerciaux sont issues de la même Directive Européenne CE/86/653, des différences significatives persistent dans les solutions effectivement adoptées dans la transposition de celle-ci dans les deux pays.
La loi applicable au contrat d’agence étant remise au libre choix des parties, il devient donc fondamental de se concentrer sur les principaux points de différenciation existant entre France et Italie, ceux-ci pouvant entraîner des conséquences importantes et jouer un rôle stratégique notamment en cas de litige.
Le statut de l’agent commercial
En Italie, le contrat d’agence commerciale est soumis aux dispositions des articles 1742 et suivants du Code Civil et aux accords économiques collectifs (AEC), des conventions sectorielles que les parties peuvent décider d’invoquer par dérogation ou en complément des dispositions du Code Civil contenant des prévisions plus favorables pour l’agent.
En France, le statut de l’agent commercial est réglementé par les articles L. 134-1 et suivants du Code de Commerce qui ont codifié la loi n. 91-593 du 25 juin 1991 ayant transposé la directive susvisée.
La forme et la durée du contrat d’agent commercial
En Italie comme en France, la loi ne prévoit aucune formalité expresse pour la validité du contrat d’agent commercial même si la forme écrite est requise afin de prouver l’existence du contrat. Dans les deux pays, le contrat peut être conclu à durée déterminée ou indéterminée selon le choix des parties, étant précisé que le contrat à durée déterminée qui continue de s’exécuter après l’expiration du terme devient automatiquement un contrat à durée indéterminée. Soulignons à toutes fins que la durée est sans incidence sur le droit à l’indemnité de rupture qui est due au terme du contrat à durée déterminée en l’absence de renouvellement.
Le préavis de rupture
Il existe en revanche des différences entre la France et Italie quant au préavis dû par le mandant à l’agent en cas de rupture du contrat. En effet, bien que dans les deux pays le préavis soit déterminé sur la base de la durée du contrat, en France le préavis est plafonné à trois mois à compter de la troisième année alors qu’en Italie le préavis peut aller jusqu’à six mois à compter de la sixième année.
L’indemnité de rupture
Le régime de l’indemnité de rupture constitue un aspect fondamental pour l’entreprise mandante ou agent afin d’apprécier si soumettre le contrat d’agence commerciale au droit français ou si, au contraire, opter pour le droit italien.
A cet égard, le droit français a toujours été considéré plus favorable à l’agent dès lors qu’il assure à celui-ci une indemnité de rupture en cas de cessation du contrat, allouée de façon quasi automatique (sauf si la rupture est du fait de l’agent ou en cas de faute grave de celui-ci) et généralement fixée par les tribunaux à deux années de commissions sur la base de la moyenne des commissions perçue au cours des trois dernières années.
En Italie, au contraire, le droit de l’agent à percevoir l’indemnité de rupture est subordonné à des conditions spécifiques :
- l’agent doit avoir apporté de nouveaux clients ou avoir développé des affaires avec ceux déjà existants dont le mandant doit pouvoir continuer à bénéficier après la cessation du contrat;
- le paiement de l’indemnité doit être jugé comme équitable au vu des éléments de l’espèce.
En outre, le montant de l’indemnité en Italie est plafonné à un an de commissions.
Le pouvoir de négociation
Tant en Italie qu’en France, l’application du statut de l’agent commercial est liée aux modalités par lesquelles l’activité est effectivement exercée, indépendamment de la qualification donnée par les parties au contrat.
Au cours des dernières années la jurisprudence française a tenté de réduire de plus en plus le champ d’application des dispositions en matière d’agence commerciale en considérant que pour pouvoir bénéficier du statut protecteur prévu par la loi française, l’agent doit disposer d’un véritable pouvoir de négociation, consistant essentiellement en la possibilité de négocier les prix et autres conditions de la fourniture, même si le pouvoir de conclure le contrat est expressément exclu et réservé au mandant, faute de quoi le rapport est requalifié en simple contrat de courtage.
Or, le droit italien n’impose pas une telle condition qui risque d’être souvent très difficile à remplir de la part des agents, lesquels sont normalement tenus d’appliquer strictement les prix et conditions fixés par le mandant, notamment dans les rapports avec la grande distribution.
Le droit français pourrait donc se révéler aujourd’hui une solution moins favorable pour l’agent à moins que les modalités d’exercice n’aient été bien fixées dans le contrat en prévoyant son droit de négocier directement avec les clients dans la limite de certains paramètres fixés par le mandant (par exemple avec des pourcentages de remise maximales selon les catégories de clients). Inversement pour l’entreprise mandante, le choix du droit italien permettra de limiter les coûts en cas de rupture des contrats des agents donnant ainsi une plus grande souplesse dans l’organisation de la distribution en Italie.
Autres différences
Les règlementations en question présentent également d’autres différences, notamment en ce qui concerne les clauses prévoyant une période d’essai (dont la validité a été reconnue par la jurisprudence française qui exclut en principe le droit à l’indemnité de rupture en cas de cessation du contrat au cours de cette période, ce qui est toujours fortement débattu en Italie) ou concernant la clause dite « ducroire » (admise en France et nulle – sauf certains cas – en Italie).
Ainsi, bien qu’il s’agisse de règlementations, pour le reste, proches l’une de l’autre, les différences portent sur des points clés qui imposent de toujours bien vérifier, au cas par cas, quelle loi choisir. A noter : en l’absence de choix de la loi applicable opéré par les parties au contrat, le droit applicable sera celui de l’Etat dans lequel est exercée l’activité de l’agent.
Avec la collaboration de Nicola Lattanzi, Avocat au Barreau de Milan