Dans ce contexte économique sans précédent, entretien avec Denis Delespaul, président de la Chambre de commerce et de l’industrie France Italie, notamment sur les atouts de la Péninsule pour s’en sortir et l’importance du rôle éthique et responsable de l’entreprise, pour son futur.
Lepetitjournal.com/Milan : De quelle façon la CCI France Italie s’est réorganisée pour rester aux côtés de ses adhérents et accompagner les entreprises ?
Denis Delespaul : Dès le lockdown, la Chambre s’est rapidement adaptée pour assurer son activité de services pour les entreprises. Elle s’est convertie aussi, pour poursuivre son activité institutionnelle. En effet, la CCIFI est un espace de rencontre, de business, d’échanges pour l’ensemble de ses adhérents. Autant que possible, nous avons reconverti cet espace d’échange en un espace de rencontres virtuelles. Les réunions physiques de nos Clubs ont sauté, le Gala annuel - qui a réuni près de 500 personnes l’année dernière – n’a malheureusement pas pu être organisé. Nous avons alors cherché à compenser avec de nombreux webinars. Pour septembre, on navigue encore à vue, mais nous ferons un Retour aux affaires physique, comme nous le faisons tous les ans, bien que redimensionné dans le respect des normes en vigueur bien sûr.
Concernant l’alliance franco-italienne, l’ambassadeur de France en Italie, Christian Masset, parlait d’une saison favorable à la coopération entre nos deux pays quant aux opportunités à développer pour le « monde d’après ». Les sociétés à capitaux franco-italiens sont-elles une force particulière dans ce contexte actuel ?
Tout est effet de conjoncture, de plusieurs éléments favorables. Et dans cet effet de conjoncture, il s’avère que la relation France-Italie – qui a été sensiblement détériorée au cours du précédent gouvernement – est favorable. D’une part on le note au niveau européen : l’Italie, l’Espagne, la France mais aussi l’Allemagne ont fait front face à des pays contraires. D’autre part au niveau humain et politique : la relation politique est bonne et apaisée entre Emmanuel Macron et Giuseppe Conte.
Enfin les sociétés à capitaux français en Italie, qui sont plutôt de grands groupes tels que Carrefour, Edison/ EDF, BNP Paribas, LVMH, L’Oréal, Crédit Agricole, Lactalis. Ces grandes sociétés françaises consolident ces liens entre nos deux pays. Ce sont des groupes qui durant la crise sanitaire, ont soutenu leurs filiales italiennes. Elles ont démontré leur capacité à résister et à considérer l’Italie comme un pays important. Il y a d’ailleurs eu assez peu de cassa integrazione (chômage partiel) dans ces groupes.
Rappelons aussi que le projet de fusion Fincantieri /Saint Nazaire avance, Luxottica/Essilor se concrétise, tout comme Peugeot/Fiat. Ce sont de beaux exemples qu’on ne trouve pas avec l’Allemagne ni l’Angleterre. Et ils témoignent qu’au-delà de l’aspect historique et culturel, la relation franco-italienne est exemplaire au niveau économique.
Dans ce contexte de crise économique, quels sont les atouts de l’Italie pour s’en sortir, selon vous ?
La crise économique sans précédent que l’on va vivre est mondiale. Dans ce contexte incroyable qui va nous arriver, le plus grand drame va être le déséquilibre économique des personnes, c’est-à-dire la pauvreté.
Comment l’Italie peut tirer son épingle du jeu ? On connaît les points faibles (l’organisation administrative, l’évasion fiscale, l’instabilité politique…), mais regardons les bons points de l’Italie. Le premier atout, ce sont ses entreprises, la capacité des PME PMI italiennes à se reconvertir, à relancer, à exporter. L’Italie est en effet un pays d’excellence dans l’industrie, le design, le textile, la mécanique. Ses entreprises sont ainsi très sollicitées. Par exemple, une grande partie des pièces détachées des voitures allemandes sont faites en Italie, l’Allemagne est absolument dépendante de son fournisseur italien.
La deuxième opportunité qui se dessine à peine c’est un gouvernement qui semble plus stable. Et l’Italie ne pourra se sauver que si ce gouvernement tient, si la politique se stabilise, si les grands travaux sont relancés, si l’argent européen reçu est bien redistribué et les circuits administratifs simplifiés.
Pour l’entreprise qui se transforme dans la responsabilité, l’éthique n’est pas seulement une image mais elle représente bien leur futur.
Nos modes de consommation changent, notre prise de conscience sur le développement durable s’accélère, et sûrement davantage encore avec la crise. Dans ce contexte, quelle place peut prendre le Club des responsabilités sociales (CSR) que la Chambre a créé il y a quelques mois ?
J’avais à cœur sous ma présidence d’attirer à la Chambre les grandes entreprises car elles sont en effet le moteur, elles attirent les PME. Pour cela nous avons créé quatre clubs thématiques : le Cercle d’Affaires, qui réunit les présidents et administrateurs délégués ; le Club Start-up qui rassemble les responsables innovation et les jeunes startupper ; le Club Inspiring Women qui soutient le middle management féminin et accompagne les femmes dans leur parcours de carrière valorisant le mérite et l’inclusion.
Et le dernier né est en effet le CSR, qui rassemble aujourd’hui une vingtaine d’entreprises. Il est indispensable que l’entreprise fasse de la politique, pas politicienne, mais qu’elle s’engage dans la transformation éthique du monde. En tant qu’acteur du changement, elle a le pouvoir d’imposer de l’éthique et de la responsabilité. Aussi, elle doit profondément changer sa manière de fabriquer ou encore de distribuer ses services. Dans ce but, le club est un lieu d’échange, afin de savoir ce que font les autres et de mettre en commun des moyens. Prochainement, un communiqué devrait être publié dans la presse, il s’agit d’un acte de foi dans lequel toutes les entreprises adhérentes s’engagent à agir concrètement pour la CSR en Italie. L’idée est de réaliser des actions communes, efficaces et concrètes. Sur plusieurs sujets, ensemble, nous pouvons faire beaucoup pour générer un réel impact concret et de la valeur. Cela peut par exemple être sur la formation des jeunes en difficulté, le recrutement, mettre en commun nos consultants, nos fournisseurs…
Pour l’entreprise qui se transforme dans la responsabilité, l’éthique n’est pas seulement une image mais elle représente bien leur futur.