Édition internationale

Une photographie des Italiens, entre crainte et désillusion

Dans son 59e rapport annuel, l’institut italien de recherche socioéconomique, le Censis, dresse un portrait à 360 degrés de la société transalpine. Une population plus pauvre, plus âgée, désabusée par la politique et accablée par une dette publique colossale, qui se tourne vers les autocrates et les puissances internationales.

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Photo de Piero Taroppio sur Unsplash
Écrit par Lepetitjournal Milan
Publié le 8 décembre 2025

Les Italiens ont été passés au microscope. Dans son 59e rapport annuel, publié début décembre, l’institut italien de recherche socioéconomique, le Censis, écrit noir sur blanc les grandes caractéristiques, les préoccupations, les besoins et les envies de la population italienne.

Premier constat : les Italiens ne supportent plus la politique telle qu’elle est menée aujourd’hui. Environ 30 % des personnes interrogées estiment que les autocraties correspondent mieux à l'air du temps. Les Italiens font confiance à Poutine (12,8 %), Orbán (12,4 %), Erdoğan (11 %), Trump (16,3 %) et même Xi Jinping (13,9 %). Le pape Léon XIV, rassemble l’adhésion de 66,7 % de la population.

Résultat, le désintéressement envers la politique est croissant. En 2003, 57,1 % des Italiens suivaient régulièrement l'actualité politique ; en 2024, ce pourcentage est tombé à 48,2 %. Quant aux citoyens qui écoutaient les débats politiques, ils étaient 21,1 % en 2024 et ne sont plus que 10,8 % aujourd'hui.

Aussi, la participation électorale diminue d'année en année : en 2022, l'abstention a atteint un niveau record de 36 %, soit 9 points de moins qu'aux précédentes élections européennes.

Dette record, une menace pour la protection sociale 

Concernant les finances publiques, les chiffres du Censis révèlent également que l'Italie n'est plus le seul pays malade d’Europe. D'ici 2030, le ratio dette publique/PIB des pays du G7 dépassera 137 %. Entre 2001 et 2024, la dette publique des pays du G7 est passée de 75,1 % à 124 % du PIB. En Italie, elle est passée de 108,5 % à 134,9 %, en France de 59,3 % à 113,1 %, au Royaume-Uni de 35 % à 101,2 % et aux États-Unis de 53,5 % à 122,3 %.

« Nous ne sommes plus les seuls à souffrir en Europe. Un choc pour les finances publiques européennes, comparable à celui subi lors de la crise sanitaire, se profile. L'endettement colossal et la faible croissance, liés au vieillissement et à la diminution de la population active, contribuent à réduire inévitablement le système de protection sociale », souligne le Censis. Et de citer l'exemple de la dette record de l'Italie et de ses charges d'intérêts exorbitantes - qui « dépassent les dépenses hospitalières et la valeur totale des investissements publics, et représentent plus de dix fois le budget annuel consacré par l'Italie à la protection de l'environnement ». L’institut de recherche met en garde : « Sans protection sociale, les sociétés deviennent des foyers d'agression, et sans paix sociale, les démocraties vacillent. Pour 81 % des Italiens, il est temps de sanctionner les géants du web qui échappent à l'impôt. »

Crainte d’une protection sociale insuffisante

Huit Italiens sur dix craignent un système de protection sociale insuffisant. En effet, 78,5 % des Italiens redoutent ne pouvoir compter sur des soins de santé et des services d'assistance adéquats s'ils venaient à devenir dépendants. Il en va de même pour les risques environnementaux : 72,3 % estiment qu'en cas d'événements climatiques extrêmes ou de catastrophes naturelles, l'aide financière de l'État serait insuffisante. Aussi, 54,7 % des Italiens se disent prêts à mettre de côté jusqu'à 70 euros par mois pour se prémunir contre le risque de dépendance, les dommages liés au changement climatique ou d'autres événements indésirables. Cette volonté ne se traduit toutefois pas en actes : 70 % des Italiens ne prennent aucune mesure financière ou d'assurance pour se protéger en cas de dépendance. Et seuls 10,7 % se disent prêts à souscrire une assurance pour faire face à cette éventualité.

L’aide familiale reste une tradition culturelle. Plus de 4 retraités sur 10 apportent régulièrement un soutien financier à leurs enfants, petits-enfants ou autres proches. 61,8 % ont déjà versé (ou prévoient de verser) une contribution financière à leurs enfants ou petits-enfants pour couvrir des dépenses importantes, comme un apport initial pour l'achat d'un logement.

 

Le modèle de développement économique italien menacé

Entre le vieillissement progressif de la population et la baisse de la natalité, le déclin démographique freine la multiplication des petites entreprises. En vingt ans (2004-2024), le nombre de chefs d’entreprises est passé de plus de 3,4 millions à un peu plus de 2,8 millions, soit une baisse de 17 %. Parallèlement, le nombre de jeunes entrepreneurs de moins de 30 ans a diminué de 46,2 % (près de 132 000 de moins) sur la même période.

 

Un marché du travail vieillissant

Si le taux de chômage baisse en Italie, c’est notamment car les personnes de plus de 50 ans sont de plus en plus nombreuses à être embauchées, dépassant ainsi le nombre de jeunes. Le Censis lit cette tendance comme un signal d'alarme majeur pour la croissance productive du pays.

À titre d'exemple, sur la période 2023-2024, le nombres d’actifs a augmenté de 833 000 individus, dont 704 000 avaient plus de cinquante ans (84,5 %).

Le solde positif des dix premiers mois de 2025 (206 000 personnes employées de plus qu'à la même période l'année précédente) est dû exclusivement aux travailleurs âgés, dont le nombre a augmenté de 410 000 (+4,2 %), contre une baisse de 96 000 individus âgés de 35 à 49 ans (-1,1 %) et de 109 000 personnes âgées de moins de 35 ans (-2,0 %). Parmi les jeunes, le nombre de personnes inactives augmente fortement : +176 000 au cours des dix premiers mois de l’année (+3,0 %).

Face au déclin démographique que subit l’Italie, la tendance ne laisse pas présager une amélioration.

La crise de la natalité s’aggrave encore en Italie

L’Italie face à son déclin démographique

C’est un constat récurrent des études statistiques de ces dernières années : la natalité diminue sans cesse, faisant de l’Italie le pays le plus vieux d’Europe et le deuxième plus âgé du monde après le Japon.

En 2025, les individus âgés de 65 ans et plus représentent 24,7 % de la population (14,6 millions), contre 18,1 % en 2000 (10,3 millions) et 9,3 % en 1960 (4,6 millions). L’espérance de vie a atteint 85,5 ans pour les femmes et 81,4 ans pour les hommes : une augmentation d’environ 5 mois en un an seulement. D’ici 2045, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus aura augmenté de près de 4,5 millions, pour atteindre 19 millions, soit 34,1 % de la population.

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