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Italie: Est-il possible de licencier en cas de refus du vaccin Covid ?

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Écrit par Lablaw
Publié le 25 janvier 2021, mis à jour le 25 janvier 2021

Avec le début de la campagne de vaccination contre la Covid-19 en Italie, la question de la possibilité pour l'employeur d’appliquer une sanction disciplinaire, jusqu’au licenciement, à un salarié qui refuse de se soumettre à la vaccination, a été soulevée.

 

Les thèses qui affirment la possibilité de licencier

Selon certains observateurs, au cas où le travailleur refuserait la vaccination, l'employeur serait obligé d'exiger son éloignement temporaire du lieu de travail, voire le licenciement si un tel refus risque de mettre en danger la santé d'autres personnes. Cette thèse s'appuie donc sur la prévalence de l'intérêt général à protéger la santé de la communauté par rapport à celui individuel du travailleur, ainsi que sur la disposition de l'art. 2087 du Code civil italien qui oblige l'employeur à prendre toutes les mesures qui - selon la particularité de l’activité, l'expérience et la technique - sont nécessaires pour protéger l'intégrité physique et morale des salariés.

D'autres observateurs, relèvent que l’employeur est tenu dans certaines hypothèses, à mettre à disposition des vaccins efficaces pour les travailleurs qui ne sont pas déjà immunisés (l'art. 279 du Texte Unique sur la sécurité au travail (Décret Législatif n. 81 de 2008). Cette disposition doit être lue en relation avec l'art. 42 de la même loi, qui dispose que lorsque le médecin compétent exprime un jugement selon lequel le travailleur n'est pas apte à l'emploi, l'employeur serait tenu d'affecter le travailleur à des tâches équivalentes ou, à défaut, à des fonctions inférieures.

Ces affirmations, bien qu'elles contiennent des points de réflexion intéressants, suscitent également de fortes perplexités.
L’art. 32 de la Constitution italienne et son interprétation
Le point de départ pour aborder une telle question est certainement l'art. 32 de la Constitution italienne : "Personne ne peut être obligé de suivre un traitement de santé spécifique, sauf disposition de la loi”.
Cependant, jusqu’à présent, aucune disposition législative ad hoc en Italie, ne prévoit une telle obligation concernant la vaccination contre le virus Covid-19.

En particulier, ni l'article 2087 du Code Civil Italien, ni l'art. 279 du D. Lgs. n. 81/2008, pourraient légitimer l'imposition d'un tel traitement médical, conformément à l'art. 32 de la Constitution.

L’art. 2087 du Code civil italien, en effet, est une disposition réglementaire générale sur la sécurité au travail, qui impose à l'employeur l'obligation "d'adopter les mesures qui, selon la spécificité du travail, de l’expérience et de la technique, sont nécessaires pour protéger l'intégrité physique et la personnalité morale des employés ".

L'interprétation de cette règle par la jurisprudence a été plutôt extensive au fil des années. Elle a en effet étendu les dimensions de l'obligation de protéger les travailleurs au point d’obliger les entrepreneurs à adopter non seulement des mesures de sécurité prévues par la loi, mais aussi de toutes ces mesures abstraitement connues ou connaissables sur la base de l'état de la technologie et de la science à un moment historique donné. Toutefois, l'article en question ne serait apte à soutenir l'imposition d'un traitement de santé d’une telle ampleur au travailleur. Il paraît en effet difficile d’imaginer qu'une vaccination obligatoire puisse être imposée au citoyen-employé, en vertu d'un simple contrat de droit privé, comme celui du travail.

On peut en conclure de même pour ce qui concerne l'art. 279 de la T.U. Sécurité, qui dispose que “l'employeur, conformément à l'avis du médecin compétent, adopte des mesures de protection particulières pour les travailleurs pour lesquels, également pour des raisons de santé individuelles, des mesures de protection spéciales sont nécessaires, y compris la mise à disposition de vaccins efficaces contre l'agent biologique présent dans le processus de production, à administrer par le médecin compétent ".

Cette règle renvoie à une hypothèse spécifique et différente (par rapport à la vaccination contre la Covid-19), c’est-à-dire dans le cas où des agents biologiques sont «présents dans le processus de production». Aussi, même si l'on souhaite l'interpréter de manière extensive, cette disposition pourrait s'appliquer tout au plus, au (seul) personnel médical et infirmier opérateurs aux services hospitaliers dédiés à la prise en charge des patients Covid-19, mais certainement pas aux autres catégories de travailleurs pour lesquelles le risque de contagion ne résulte pas des travaux spécifiquement effectués.

Dès lors qu’aucune obligation prévue par la loi de se soumettre à ce traitement de santé spécifique n’existe, le refus d'un travailleur de se faire vacciner contre la Covid-19 serait légitime. Une rupture unilatérale de la relation de travail suivant à une telle décision du travailleur – et à la lumière des réflexions précédentes - serait par conséquent probablement illégitime.

Que faire si un employé refuse de se faire vacciner contre la Covid-19 ?

En premier lieu, il faudrait examiner les raisons de ce refus (qui pourraient également être objectivement valables, telle que l'immunodéficience de l'employé ou toute autre condition psycho-physique qui ne recommande pas la vaccination. Dans ce cas, l'employeur devrait adopter, si possible, des mesures appropriées pour permettre l’accomplissement du travail dans des conditions de sécurité maximale (y compris le changement de fonctions et/ou le transfert). Dans le cas contraire, il pourrait être nécessaire de suspendre le travailleur, avec l'activation du chômage partiel (si possible), ou en accordant des congés payés.
Si au contraire, le refus n'était pas motivé raisonnablement, se pose la question de savoir quelle serait la mesure la plus appropriée à adopter.

Pour les raisons exposées ci-dessus, il ne semble pas possible enjoindre le licenciement.  Cette solution, ne pourrait être raisonnablement soutenable que dans l'hypothèse où le vaccin (compte tenu des tâches accomplies par le travailleur) est absolument nécessaire pour protéger la santé dans le milieu du travail spécifique dans lequel le salarié travaille. Ce besoin est partagé avec les représentants syndicaux de l'entreprise et/ou les Responsables de la sécurité (ainsi qu’évidemment, dans le cas où des règles spécifiques ayant une valeur juridique la rendent obligatoire, au moins en référence à la catégorie à laquelle appartient le travailleur concerné).

Avant de procéder à la rupture unilatérale du contrat de travail,  l'employeur devra aussi démontrer qu'aucune mesure alternative adéquate ne peut être mise en œuvre et raisonnablement suffisante pour protéger la santé de l'employé, ni la possibilité de relocalisation et/ou de transfert du travailleur dans autre bureau qui présente des risques de contagion plus faibles, ni le changement de fonctions (si possible) voire l’utilisation du  télétravail (si cette méthode de travail est compatible avec l'activité exercée).
Autre possibilité : si le salarié effectue un travail en contact avec le public, il pourrait être décidé de le considérer en congé sans solde. Cette mesure s’appuierait sur la situation d'incapacité temporaire de travail du salarié.

 

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Lablaw
Publié le 25 janvier 2021, mis à jour le 25 janvier 2021

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