PALAZZO REALE - Piero Manzoni "Contre le style"

Il n'aura vécu que 29 ans, mais l'artiste culte qui exposa sa merde en conserve dans les années '60 a marqué l'avant-garde milanaise. Ses "tableaux blancs" restent une référence pour l'art contemporain. Le Palazzo Reale lui dédie une rétrospective jusqu'au 2 juin.

L'âme de Brera

MANZONI ID 41. Achrome tela grinzata e caolino 1959 ca

Ils se rencontraient autour des années '50 au café Jamaica, encore ouvert de nos jours au numéro 32 de la rue Brera, pour discuter d'art. S'en était fini du style. Les années d'après-guerre avaient facilité le passage des artistes à l'abstraction et à l'art conceptuel. En septembre 1957, à l'âge de 24 ans, Piero Manzoni signe le manifeste "Contre le style", aux côtés d'artistes et intellectuels des avant-gardes tel que Baj en Italie, mais aussi Yves Klein ou Hundertwasser à l'étranger. Ses études en philosophie ont vite fait de lui un gourou, prônant le rôle central de l'artiste face à l'oeuvre d'art.

C'est ainsi qu'il entreprend à la fin de la même année ses premières oeuvres d'impact. La toile entre ses mains est modelée, plissée, composée avec d'autres matériaux. Il s'inspire de ses contemporains Alberto Burri et Lucio Fontana, à la différence près que, pour lui, l'absence de couleur permet une meilleure focalisation du résultat. On entre dans la période des Superficies blanches ou Achromes, réalisés en divers matériaux dont le plâtre et le kaolin (emprunté à la céramique).

Artist's Shit et autres performances neoDada

L'oeuvre d'art exposée se présente en petite boîte de conserve de 30 grammes. Elle existe en 90 exemplaires numérotés, datés de 1961, et signés par Piero Manzoni. Une étiquette en trois langues en décrit le contenu: Merde d'Artiste. Elle a été évaluée par l'artiste au même prix de l'or au

gramme. Le concept qu'un objet courant voir intime puisse à travers l'oeil d'un artiste devenir une oeuvre d'art remonte à 1917 avec L'urinoire de l'artiste dada et surréaliste Marcel Duchamp. Manzoni a réinterprété le concept. Des boîtes de conserve, il installe des tubes de carton contenant une ligne tracée à l'encre sur plusieurs mètres de rouleau de papier: c'est la série des Lignes de 1959 dont une de celles exposées au Palazzo Reale dépasse 30 m (mais il en existe une de 7200 m!). Puis, c'est au tour des Corps d'air, ballons gonflés avec le souffle de l'artiste, qui semblent résister au temps!

L'esprit dada avait ainsi comme objectif de remuer le public en le provoquant pour l'aider à réfléchir sur la consommation de l'art. Piero Manzoni l'implique aussi dans un processus de création dynamique. Il fait par exemple manger aux personnes présentes lors d'une performance, intitulée Dévorer l'art, des oeufs durs sur lesquels il a appliqué son empreinte digitale d'artiste. Ou bien il les place sur un piedestal comme sculptures vivantes, avec certificat signé. Le sujet n'est plus le passif visiteur de musée ou le collectionneur. Il entre en communion avec l'art en dévorant les oeufs. Il est oeuvre d'art dès qu'il monte sur la "base magique". Non content, Piero Manzoni place le monde entier sur le "Socle du monde", un piedestal mis à l'envers. Il meurt d'infarctus dans son studio de Brera en 1963.

Monica La Rivière (Lepetitjournal.com de Milan) – jeudi 10 avril 2014

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Informations pratiques:
Piero Manzoni 1933-1963
Palazzo Reale
Jusqu'au 2 juin 2014
Lundi 14h30-19h30
Mardi mercredi vendredi dimanche 9h30-19h30
Jeudi et Dimanche 9h30-22h30
www.mostramanzonimilano.it
Tarifs divers

A noter qu'il est aussi possible de voir quelques oeuvres de Piero Manzoni dans la collection permanente du Museo del Novecento (entrée libre pendant la Semaine du design 2014).

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