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Marché locatif: quelles conséquences aura la loi espagnole sur le logement ?

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Tierra Mallorca
Écrit par Armelle Pape Van Dyck
Publié le 6 octobre 2021

Guide de la nouvelle loi sur le logement qui comprendra une réglementation des loyers, l’implantation de zones locatives tendues, une surtaxe sur les appartements vides et une aide au logement. Voici les points clés d’une règlementation qui devrait rentrer en vigueur le 1er janvier 2022.


La future loi, qui sera approuvée par le Conseil des ministres dans les prochaines semaines, intervient après plus d’un un an de discussions tendues entre Podemos et PSOE. C'était une condition indispensable pour que Podemos accepte de donner son feu vert au budget général de l'État pour 2022. Quelles sont les principales mesures, quand et comment pourra-t-elle être appliquée et quelles en seront les conséquences ?


Les principaux points de la nouvelle loi espagnole sur le logement

Surtaxe des appartements vides

La nouvelle loi comprendra une surtaxe sur les impôts fonciers (IBI) des appartements vides, pouvant aller jusqu'à 150%. Il s’agit d’une des mesures les plus controversées. D’une part, ce sont les mairies qui devront s’en charger. Or, les sources du secteur immobilier consultées par LPJ doutent que l'exécutif puisse obliger les mairies à appliquer cette sanction aux appartements considérés comme vides. D’ailleurs, le maire de Madrid s’est empressé de déclarer ouvertement qu’il y était opposé. 

D’autre part, cela soulève un nouveau problème. Comme le signale le porte-parole de Fotocasa, « comment les mairies pourront-elles savoir quels logements sont vides ? Il s'agit d'une mesure punitive qui ne contribue pas à générer la confiance dans le marché et à créer un climat d'investissement attrayant ».


Chèque-logement de 250 euros pour les jeunes

Pour aider à payer leur loyer, la nouvelle loi crée une aide de 250 euros par mois destinée aux jeunes âgés de 18 à 35 ans, dont le revenu annuel est inférieur à 23 725 euros. Il sera en vigueur pour les deux prochaines années. En outre, cette subvention sera complétée par des aides directes, pouvant aller jusqu'à 40% du loyer pour les familles les plus vulnérables.
 

Distinction entre propriétaires

Après des mois de négociations au sein du gouvernement, PSOE et Podemos ont convenu de faire une distinction entre les « grands » et les « petits » propriétaires. A signaler que plus de 80% des propriétaires en Espagne sont des particuliers, et non des personnes juridiques (fonds, banques ou entreprises spécialisées).
 
Les personnes les plus touchées sont celles considérées comme des "grands propriétaires", qui possèdent 10 biens immobiliers ou plus. Ce concept est très ambigu et il est possible que ce chiffre baisse à l'avenir, puisque Podemos avait proposé de considérer comme "grand détenteur" un propriétaire de 5 biens immobiliers et non 10.


Fixation de zones tendues

Concrètement, la loi sur le logement comprendra la réglementation des prix des loyers pour les grands propriétaires, ceux qui possèdent plus de 10 logements. Les loyers seront fixés en fonction d’un indice de référence dans les zones de marché locatif dites « tendues ». Or, son application restera entre les mains des communautés autonomes qui pourront déclarer si elles ont ou pas des zones de tension du marché locatif.

La question est maintenant de savoir si, avec cette loi, la décision de l'État primera sur celles des régions autonomes. Par conséquent, si la loi sur le logement respecte bien les compétences régionales, elle n'aura alors aucun effet sur les régions qui soutiennent la liberté du marché, comme à Madrid.

En revanche, il y a un point sur lequel le gouvernement peut agir, c’est sur la fiscalité. Les grands propriétaires perdront les actuels privilèges fiscaux. La réduction de l'avantage fiscal devrait être « considérable », selon les sources du secteur.

Le secteur immobilier grince déjà des dents. En ce qui concerne la limitation des loyers des grands propriétaires, le portail immobilier Fotocasa considère qu'il est « plus efficace d'opter pour des instruments incitatifs plutôt que pénalisants lorsqu'il s'agit d'établir un contrôle des loyers. En effet, cette mesure pourrait générer une nouvelle insécurité juridique non seulement pour les propriétaires, mais aussi pour les investisseurs étrangers ».


Gel des loyers pour les petits propriétaires

De leur côté, les petits propriétaires qui possèdent des biens locatifs dans les zones tendues seront obligés de geler le loyer. Cependant, s'ils sont disposés à le baisser, ils pourront bénéficier d'une réduction d'impôt pouvant aller jusqu'à 90% des loyers. Cela signifie-t-il que les propriétaires de logements locatifs ne pourront plus actualiser les loyers en fonction de l'IPC ? Ou que, s'ils ont un bien loué à 800 euros et que le locataire part, ils ne pourront plus le louer un peu plus cher pour le prochain locataire ? Et quelles seront les conditions pour ces abattements fiscaux ? Les doutes sont nombreux et l'incertitude est totale. Il faudra attendre de voir les détails de la loi pour mieux en évaluer les conséquences.

Le gel des prix des loyers pour les petits propriétaires à pourrait se traduire par une contraction de l'offre de logements locatifs, ce qui rendrait l'accès au logement encore plus difficile. Les portails immobiliers sont catégoriques. « L'expérience de villes européennes voisines telles que Berlin a montré que de telles mesures ne sont pas efficaces à long terme » affirme-t-on à Fotocasa. 

Pour le porte-parole d’idealista, « afin de contenir les prix et de faciliter l'accès au logement locatif, il faut que davantage de logements arrivent sur le marché. Les politiques restrictives, comme cela s'est produit dans d'autres capitales et pays qui nous entourent, peuvent avoir l'effet inverse de celui recherché : le retrait de logements du parc immobilier, la hausse des prix des loyers et l'émergence de négociations en marge des contrats de location ».


Des mesures polémiques

Un marché locatif surréglementé aurait donc des effets contraires à ceux escomptés. Pas besoin de traverser les Pyrénées pour le constater. En Catalogne, il y a un an, le contrôle des prix des loyers a été lancé et cela n'a pas fonctionné comme prévu. Les prix ont moins baissé qu'à Madrid. Comme il y a moins d’offre et, une fois la pandémie plus ou moins contrôlée, les prix sont maintenant repartis à la hausse.

A Berlin, en Norvège ou en Suède, le contrôle des prix a détruit le marché de la location, et les gouvernements étudient actuellement une libéralisation d’un modèle qui a finalement eu des effets pervers. Dans des villes comme Stockholm, ces réglementations ont amené de nombreux propriétaires à retirer leur logement du marché de la location et à le vendre. Cela a également entraîné une augmentation de l'économie souterraine, les loyers étant négociés et payés "au noir". Dans le même temps, la baisse de l'offre de logements disponibles a provoqué une hausse des prix. Il faut parfois entre sept et dix ans pour trouver un logement à louer. Et la seule solution reste la collocation ou une chambre chez l’habitant.


Retour à la loi franquiste ?

Aussi incroyable que cela puisse paraitre, cette loi sur le logement rappelle les locations appelées de « renta vieja » (vieux loyer). Il convient de rappeler qu’avant la guerre civile, plus de la moitié de la population était locataire. En 1946, Franco met en place une loi, en vigueur jusqu'en 1985. Jusqu'alors, et selon ce type de loyer, les contrats étaient prolongés indéfiniment jusqu'au décès du locataire, de son conjoint et de ses enfants. C’est une des raisons pour lesquelles le marché du loyer avait pratiquement disparu en Espagne et que plus plus de 90% des espagnols sont propriétaires.
 
En outre, comme à l’époque des contrats de « renta vieja »,  le parc de logements locatifs pourrait diminuer et on assistera à une détérioration progressive des bâtiments dédiés à cet usage. "Les petits propriétaires, avec la nouvelle loi, seront moins intéressés ou capables d'investir dans l'entretien. Nous aurons un stock plus petit, plus vieux et de moins bonne qualité", affirme le directeur d’études à pisos.com. Enfin, beaucoup de gens achètent et réhabilitent un logement pour le louer. Si les avantages fiscaux viennent à diminuer ou cesseront, l'investissement dans le logement disparaîtra.

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Rentabilité locative actuelle

En attendant, selon la dernière étude publiée par le portail immobilier idealista, la rentabilité locative des principaux produits immobiliers dans toutes les capitales espagnoles au troisième trimestre 2021 reste intéressante.

Alors que les logements offraient un rendement brut de 7,9 % à la fin du troisième trimestre de 2020, ce pourcentage a légèrement baissé, et est actuellement de 7%. A titre de comparaison, l’obligation d'État à 10 ans continue d'offrir un rendement nettement inférieur (0,4 %).

Les bureaux restent le produit le plus rentable (11,4 %), suivis par les commerces (9,4 %), les logements (7 %) et les garages (6,3 %). Parmi les capitales de province, Murcie est la plus rentable, avec 8,3 %. Elle est suivie par Lerida (7,9%), Huelva (7,4%), Santa Cruz de Tenerife (6,9%) et Almería (6,8%). Toutefois, les rendements les plus faibles en Espagne sont obtenus par les propriétaires de biens locatifs à Saint-Sébastien (3,6 %), Palma (4,4 %), La Corogne (4,5 %) et Barcelone (4,5 %). A Madrid, la rentabilité brute est de 4,8%.

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