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Mythe ou réalité ? Pauline Fétu éclaircit les recommandations liées à la grossesse

Une femme enceinte contemple les montagnes, en pleine randonnéeUne femme enceinte contemple les montagnes, en pleine randonnée
Lucas Favre - Unsplash
Écrit par Marie Benhalassa-Bury
Publié le 2 août 2021, mis à jour le 2 août 2021

Pas de charcuterie, pas d’avion, pas d’alcool, pas de rapports sexuels… Un « fais-pas-ci, fais-pas-ça » auquel se confrontent les femmes enceintes. C’est à n’en plus savoir démêler le vrai du faux ! Heureusement, notre sage-femme Pauline Fétu nous aide à déceler la vérité au sein des injonctions liées à une grossesse.

 

Propos recueillis par Luther Beaumont et Marie Benhalassa-Bury.

Quel est le régime alimentaire que vous conseilleriez à une femme enceinte ? Faut-il absolument proscrire les fromages, charcuteries, sushis… ? Des écarts sont-ils possibles ?

J’aborde très souvent cette thématique lors d’un premier rendez-vous puisque nous évoquons ici la règle à laquelle on pense en premier lieu lorsqu’on prépare sa grossesse. Il est essentiel d’en discuter avec la patiente et de tout lui détailler, j’estime en effet qu’on accepte toujours mieux une restriction si on la comprend.

On traite ici de recommandations de santé publique. Plutôt que de vous dire si des écarts sont possibles ou non, j’aimerais insister sur le fait que chaque femme est libre, et surtout autonome. Il lui appartient d’accepter un risque ou non, tant qu’elle est informée de manière éclairée et précise sur celui-ci. Il s’agit là de responsabiliser les patientes, pas de les culpabiliser.

D’autant plus qu’on entend souvent, de la part de pairs et surtout chez les générations précédentes, qu’une telle a fait un écart dans son hygiène de vie et que, pourtant, sa descendance se porte bien aujourd’hui. Cela ne change en rien les statistiques à l’appui ! Certaines ont de la chance, d’autres pas : tout dépend tout dépend des risques que l’on accepte de prendre pour sa grossesse. Et en tant que professionnelle de santé, je me dois de suivre les recommandations de restrictions alimentaires et de donner des conseils qui ne plairont pas à toutes...

Concernant les fromages à pâte molle, les charcuteries, les poissons fumés, les coquillages crus… Ces aliments peuvent s’avérer dangereux car ils provoquent parfois la listériose, une maladie liée à une bactérie pouvant entraîner des septicémies. Il faut savoir qu’une femme enceinte est immunodéprimée : ses défenses sont affaiblies et elle sera donc plus à risque. De la même manière, elle pourrait contracter une toxoplasmose, induite par le parasite éponyme. Sont alors concernés les viandes pas assez cuites (au-deçà de 70 degrés à la préparation), le contact avec des chats d’extérieur et leurs litières, des crudités mal lavées, le jardinage sans gants… Mais cette pathologie comporte peu de symptômes détectables, ce qui la rend peu dépistée dans les faits et donc plus pernicieuse encore.
 

On entend souvent qu’un verre ou une cigarette ne fait pas de mal, voire qu’un tel écart est préférable au stress généré par un arrêt potentiel. Qu’en est-il réellement ?

La problématique de l’alcoolémie durant la grossesse soulève de nombreux débats outre-Manche. Certaines études anglo-saxonnes s’attèlent à dire qu’un verre ou deux, de temps en temps, ne sera pas morbide. Mais la fréquence, le moment de la grossesse et la quantité prétendument acceptable demeurent très vagues, c’est pourquoi en France on recommandera le risque zéro. À titre personnel, je préconise moi-aussi de ne pas boire du tout. Aucun problème avec les traces d’alcool indiquées dans certains emballages alimentaires néanmoins, comme la pâte à pizza.

Pour la cigarette, c’est plus compliqué. J’accompagne au maximum mes patientes vers l’arrêt, mais s’il doit se réaliser progressivement alors il se fera de la sorte. Il est certain qu’il vaut mieux ne pas fumer au cours de sa grossesse, mais je préfère que mon interlocutrice soit honnête sur sa consommation et soit sensibilisée plutôt que de la juger, la blâmer, ce qui serait contre-productif quant à un arrêt total ou la réduction de sa consommation. Il est bon de savoir que les patchs à nicotine ne posent pas de souci. Encore une fois, il faut s’inscrire dans une démarche d’autonomisation de la femme plutôt que de la contrarier avec des impératifs culpabilisants. Qui plus est, assez souvent, les nausées des premiers mois aident à arrêter naturellement !

En fait, un nombre croissant de principes émergent quant aux restrictions à s’imposer. On pointe de plus en plus les dangers de certains édulcorants, de l’excès de phytostérols…
 

Toujours sur le thème de l’alimentation, quel apport énergétique est à privilégier ? Faut-il « manger pour deux » ?

Non, il ne faut pas manger pour deux mais bien veiller à équilibrer au mieux son alimentation. Il faut bien garder à l’esprit qu’un bébé se développe dans notre corps, et doit se procurer tous les nutriments nécessaires. Par contre, rien ne sert de doubler les quantités de nourriture ! Tout dépend de l’appétit et de l’alimentation initiale de la personne. On adaptera celle-ci selon ses goûts, ainsi que sa digestion puisque son métabolisme se transforme pour ces 9 mois.
 

Y a-t-il une prise de poids qui puisse être jugée « excessive » lors de la grossesse ?

Encore une fois, tout dépend de l’état de forme de la femme au départ. Une prise de poids pour une femme à l’IMC de départ jugé « normal » se situera entre 12 et 15kg, en moyenne. Mais peu importent certains écarts, tant qu’ils n’impliquent pas, notamment, un risque de diabète gestationnel ou d’accouchement complexifié par l’accumulation de graisses au niveau du bassin. Le métabolisme du sucre est modifié, notre corps va stocker plus, on conseillera donc une grande parcimonie sur les sucres rapides.

En fait, les échographies vont nous aider à estimer le poids du bébé : on va mesurer ses dimensions pour établir son poids à partir d’un algorithme. La douzaine de kilogrammes comportera ce résultat, mais aussi d’autres facteurs comme le poids du placenta, du liquide amniotique et une marge liée au métabolisme gestationnel. Une prise de poids peu importante ne témoignera normalement pas de complications, tant que le bébé est en bonne forme : il suffira de vérifier l’absence de carences.
 

Doit-on nécessairement bien vivre sa grossesse pour éviter de faire subir notre stress au bébé ?

Non, on peut toutefois se faire accompagner si on en ressent le besoin. Mais je refuse la culpabilisation des femmes qui vivent déjà un moment de stress et qui, en plus, doivent se sentir coupable vis-à-vis de leur bébé!
 

Peut-on faire du sport? Plus généralement, combien de temps une femme doit-elle se reposer, éviter d’être trop active, et ce à partir de quel stade de la grossesse ?

Oui, le sport est tout à fait recommandable. Mais une femme qui n’était pas sportive auparavant n’a pas vraiment de bonne raison de commencer dès qu’elle est enceinte. Une bonne hygiène de vie est certes recommandée mais une telle transformation de son quotidien pourrait lui imposer une pression trop importante. A contrario , le corps d’une femme sportive est habitué à une certaine dose de pratique. Ma conclusion est toujours la même : en tant que professionnelle, je m’adapte au profil de la personne et pas à des idées reçues trop généralisées. Prenez, par exemple, une femme qui a toujours habité au quatrième étage d’un immeuble sans ascenseur. Même pendant sa grossesse, il y a fort à parier que cette montée ne la gênera pas tant que ça, puisqu’elle y est habituée. Une autre qui a toujours vécu au rez-de-chaussée et déménage plus haut au cours d’une grossesse, elle, devrait rencontrer plus de difficulté !

Autrement, il n’y a pas de contre-indications si ce n’est la plongée sous-marine, le parachute ascensionnel, les sports extrêmes avec des risques de chute… Au moindre problème, comme une contraction ou un saignement, on prendra bien sûr les mesures nécessaires. Mais jusqu’alors, les femmes font ce qu’elles veulent. Le corps donne beaucoup de signaux, l’essentiel étant de les écouter ! Voilà d’ailleurs un conseil qui devrait s’appliquer à chacun.
 

Peut-on avoir des rapports sexuels lorsque l’on est enceinte ?

On peut, jusqu’au bout de la grossesse, sous réserve du moindre trouble qui limiterait cette possibilité : col de l’utérus un peu modifié ou placenta mal inséré… On limitera ou adaptera alors ses relations sexuelles, notamment en termes de position préférée. Il n’y a pas vraiment de recommandation ou d’interdiction, la femme est à nouveau libre de ses choix. La libido est transformée, variable, il lui revient donc de s’y adonner lorsqu’elle en ressent l’envie seulement. À la toute fin de la grossesse, si le bébé tarde à arriver, d’aucuns recommandent un coït pour accélérer le processus… Le sperme contient des prostaglandines, lesquelles viendraient stimuler l’utérus. C’est le fameux déclenchement à l’italienne.
 

D’ailleurs, on entend souvent que certaines choses sont à proscrire, car elles pourraient déclencher l’accouchement prématurément. Concrètement, qu’est-ce qui pourrait le provoquer réellement ?

Au niveau des moyens de transport, bien entendu dans le cadre d’une grossesse se déroulant normalement, l’avion est contre toute attente certainement le moins à risque! Ce sont plutôt les compagnies aériennes qui vous l’interdiront à partir d’un certain stade, puisqu’elles souhaitent éviter tout risque d’accouchement en plein vol. Mais en termes de sécurité, dans les faits, il suffit de porter des bas de contention.

Les moyens de transports les plus risqués sont ceux qui provoquent des vibrations dans l’appareillage : la voiture, la moto, le scooter… Et ce, surtout sur des très longs trajets. Les voyages en train ou les vols sont quant à eux plutôt sécuritaires. On prêtera une attention toute particulière à la destination, cependant, notamment en cas de vaccination, de présence de moustiques…

Par ailleurs, certaines plantes ou tisanes sont déconseillées. Il faut aussi être extrêmement vigilant avec les huiles essentielles.

L’essentiel est de prendre énormément de pincettes quant aux sites internet, aux blogs, de toujours demander les recommandations publiques et personnalisées à sa sage-femme plutôt que de se fier aux grands principes énoncés par-ci par-là. Dans ma pratique, je m’adapterai toujours à l’individu unique que j’ai en face de moi, tout en donnant des conseils scientifiquement avérés pour protéger au mieux la personne et son fœtus.

 

Par ailleurs, Pauline Fétu dispose d’un site internet à votre disposition pour toute demande de contact ou prise de rendez-vous, afin de vous prodiguer un suivi personnalisé et spécialisé avant, pendant et après la grossesse. N’hésitez pas non plus à communiquer ses coordonnées à quiconque autour de vous serait dans le besoin.