Jérôme Walczak-Capèle dirige le Dispensaire Français depuis l'année dernière. Pour rappel, cette organisation vient en aide aux Francophones en difficulté à Londres. Dans cet interview, il partage les évolutions qu'il a observées et les nouveaux objectifs de l'institution : "Avant le Brexit, nous accueillions principalement des jeunes au pair, des étudiants et des travailleurs temporaires... Aujourd'hui, ce profil a quasiment disparu."
Le Brexit et le Covid ont profondément transformé la vie de nombreuses personnes, mais aussi celle de nombreuses organisations ! Le Dispensaire Français, malgré ces bouleversements, continue d’offrir soutien indispensable aux Français et francophones de Londres et du Royaume Uni. Récit d’un parcours toujours motivé par l’entraide, évolution de la patientèle, et défis à venir, Jérôme Walczak-Capèle, manager du dispensaire, partage son expérience au sein de la structure.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Jérôme Walczak-Capèle, j’ai 51 ans et je suis conjoint d’expatrié. Je suis arrivé à Londres fin 2022 en suivant mon conjoint, qui travaille au Consulat. J’ai un parcours professionnel assez classique. J’étais enseignant et directeur d’école, tout en m'investissant dans des causes associatives, notamment dans l'accompagnement des personnes atteintes du VIH et la promotion de l'inclusion dans le sport, que ce soit pour les personnes âgées ou transgenres.
Bouche à Oreille: A la découverte du Dispensaire Français
Racontez-nous l’histoire du dispensaire français
C’est une très ancienne structure caritative, fondée en 1867. À l’origine, elle s’appelait l’hôpital français et a été mise en place par des philanthropes, afin d’offrir des soins médicaux et une assistance en français aux personnes vulnérables, notamment les réfugiés français.
Auparavant, la Société de bienfaisance a été créée et s'est occupée des aspects sociaux et des personnes âgées. Les deux structures ont fusionné, il y a une vingtaine d'années, et aujourd'hui, nous aidons les personnes vulnérables, françaises et francophones, en restant fidèles aux deux missions. Nous insistons d’ailleurs beaucoup sur l'idée de communauté de langage, car nous avons conscience que maintenant, beaucoup de personnes à Londres parlent français.
Qui est éligible au service du Dispensaire ?
La première chose qu'il faut avoir en tête est que le dispensaire français est une charité qui s'adresse aux personnes vulnérables. Donc nous n’allons pas répondre à toutes les demandes. Il est vrai que nous posons toujours la question des revenus de la personne, car nous avons peu de créneaux.
Les bénévoles nous octroient quelques heures par semaine ou par mois, et cela varie selon les emplois du temps. En fonction de tous ces créneaux, nous sommes en mesure d’attribuer des consultations. Nous posons aussi la question de la situation au NHS.
Quelles sont les principales évolutions que vous avez constatées depuis le Brexit ?
Avant le Brexit, nous avions principalement des jeunes au pair, des étudiants et des travailleurs temporaires qui ne comprenaient pas toujours le NHS et n’avaient pas d'assurance pour payer un médecin privé.
Aujourd’hui, ce profil a pratiquement disparu, et nous accueillons plutôt tous types de personnes, notamment des personnes d’origine plus lointaine, des réfugiés et d’autres travailleurs précaires qui viennent pour des consultations ou pour résoudre des problèmes sociaux, comme le logement, l’emploi, ou des démarches administratives complexes.
Le bénévolat est-il toujours au cœur de l’organisation ?
Absolument, le bénévolat est un pilier central. Si les bénévoles étaient rémunérés, notre budget annuel avoisinerait les 900 000 livres ! Avec 1 300 consultations annuelles, nous n'avons que trois salariés : une infirmière (Anne Castellani), une secrétaire médicale (Fanny Dulin) et moi-même. Les 45 autres personnes, dont les praticiens et les 15 curateurs, sont toutes bénévoles.
Par ailleurs, ces 15 trustees forment un conseil d'administration, réparti en différents comités : financier, médical, social, et fundraising. Ils donnent les grandes orientations chaque année.
Quels services proposez-vous aux patients ?
Nous proposons un suivi médical avec des généralistes, une orthophoniste, des kinésithérapeutes, un dermatologue, un gynécologue, un ORL et des psychologues.
Côté social, une quinzaine de bénévoles organisent des événements conviviaux pour les personnes âgées : comme des repas, des séances de cinéma ou des restaurants. Ils les aident également dans leurs démarches administratives.
Pouvez-vous nous en dire plus sur ce club senior, une branche moins connue du Dispensaire Français ?
Le club senior est animé par des bénévoles et des curateurs. Ils organisent un repas chaque mois au dispensaire et des activités sociales pour une quinzaine de personnes âgées.
Avec notre nouveau président, Olivier Nicolay, nous souhaitons développer ce pôle, pour toucher davantage de personnes âgées qui passent sous les radars, notamment celles qui n'ont pas accès à Internet. Nous réfléchissons aussi à diversifier les activités, par exemple pour prévenir la démence ou pour organiser plus d'activités en extérieur.
Comment voyez-vous l'évolution du dispensaire ?
Très positivement, car Magali Chabrelie, ma prédécesseure, a très bien assuré la transition et m’a beaucoup accompagné. Il faut comprendre que la culture du bénévolat est assez unique : il va de notre rôle de comprendre pourquoi les bénévoles viennent, certains plus que d’autres, et de toujours être à l'écoute. Aujourd'hui, nous voyons les fruits de projets comme l’espace santé jeunes, où nous travaillons avec le Consulat, pour aider les jeunes Français en détresse.
Quel est le rôle de cet espace santé jeunes ?
Premièrement, il s’agit d’un espace d’orientation et non d’un espace d’accueil, ce qui est primordial pour tout ce qui concerne les questions de santé physique, mentale ou sexuelle. Le public jeune change, et nous voyons moins de problèmes mineurs comme à l’accoutumée. Nous avons moins de jeunes qui viennent spontanément depuis le Brexit, mais ceux qui viennent, ont des besoins plus complexes. Les équipes consulaires nous ont d'ailleurs beaucoup accompagné sur ce projet.
Quels sont vos projets futurs ?
Nous voulons continuer d’améliorer nos services pour les personnes âgées, particulièrement à Londres, où une forte concentration de la population française réside dans le quartier de Hammersmith et Fulham. Nous cherchons à mieux les toucher et à les aider dans leurs démarches. Nous avons également des événements pour nos donateurs, comme un gala, organisé tous les deux ans, sous le patronage de la duchesse d'Édimbourg, Sophie Rhys-Jones, ce qui nous donne une certaine reconnaissance et aide à mobiliser des fonds.
Comment contacter le dispensaire ?
Pour toute personne francophone qui a une question de santé ou qui ne comprend pas le système britannique, il suffit de nous appeler au 0208 222 88 22 ou de consulter notre site web. Nous ne faisons pas de suivi à long terme, mais nous orientons vers les services appropriés.