La Chambre de Commerce Française de Grande-Bretagne a accueilli ce mardi 24 septembre Robert Elder, économiste à la Banque d'Angleterre, pour un webinaire attendu. Le sujet : les défis économiques majeurs auxquels le Royaume-Uni est confronté dans le contexte post-Brexit et post-pandémie. Taux d'intérêt, inflation, pénurie de main-d'œuvre... autant de thèmes abordés pour une audience principalement composée de dirigeants d'entreprises françaises implantées à Londres. Voici les principaux enseignements de cette rencontre.
Les taux d’intérêt : un levier indispensable pour contrôler l’inflation
La question des taux d'intérêt, en constante hausse depuis 2021, a été le premier point abordé. Robert Elder a rappelé que la Banque d’Angleterre avait, depuis plusieurs mois, relevé son taux directeur à 5,25 %, son plus haut niveau depuis 2008. Cet ajustement fait partie d’une stratégie visant à contrôler une inflation galopante, qui a atteint un pic de 11 % en 2022, avant de redescendre autour de 6,8 % en 2024. Elder a expliqué que ce resserrement monétaire est nécessaire pour rétablir la stabilité économique : “Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de laisser l'inflation s'installer durablement, ce qui pénaliserait les entreprises comme les consommateurs.”
Il a également souligné que bien que l'augmentation des taux soit impopulaire, elle permet à la Banque d'Angleterre de maintenir une certaine maîtrise de l'économie, notamment en évitant une surchauffe et une dévaluation de la monnaie. Cependant, il a précisé que la Banque agissait avec précaution pour ne pas nuire à l’emploi : “Notre objectif est de maintenir le taux de chômage à son niveau d'équilibre, autour de 4 %, tout en réduisant progressivement l'inflation.” Un chômage maîtrisé, couplé à une baisse progressive de l'inflation, est essentiel pour redonner de la stabilité au Royaume-Uni.
“Si nous n’agissons pas maintenant, nous risquons de laisser l'inflation s'installer durablement, ce qui pénaliserait les entreprises comme les consommateurs.”
Pénurie de main-d’œuvre et stagnation de la productivité
L’une des préoccupations majeures soulevées par Robert Elder concerne la pénurie croissante de travailleurs qualifiés dans de nombreux secteurs clés de l’économie britannique. “Nous voyons une demande excessive de main-d'œuvre dans plusieurs industries, mais l’offre de travailleurs diminue”, a-t-il affirmé. En 2024, le Royaume-Uni a vu son taux de participation au marché du travail chuter à 76 %, son plus bas niveau depuis 2017. Cette situation est particulièrement prononcée dans des secteurs tels que la santé, la construction et l’hôtellerie, où les employeurs peinent à recruter, notamment en raison du départ massif de travailleurs européens suite au Brexit.
Les problèmes de recrutement ont un impact direct sur les coûts de production, en particulier avec l'augmentation des salaires, alimentant ainsi l'inflation. Par exemple, le secteur de l'hospitalité a vu les salaires augmenter de 7 % en moyenne au cours des douze derniers mois pour attirer des talents. Elder a exhorté les entreprises à se concentrer sur l'amélioration de la productivité afin de pallier ces pénuries et de compenser l’augmentation des coûts : “Si vos coûts augmentent, essayez de travailler plus intelligemment, d'investir dans la technologie et d'optimiser vos processus.” Selon lui, la clé pour redresser l’économie passe par une hausse de la productivité, qui stagne depuis plusieurs années, avec une croissance annuelle inférieure à 1 % depuis 2010.
Le Brexit : des répercussions durables sur l'économie britannique
Les effets du Brexit continuent de peser lourdement sur certains secteurs, notamment celui de l'hôtellerie et de la restauration, qui dépendaient fortement de la main-d’œuvre étrangère. Robert Elder a souligné que Londres, en particulier, a souffert de cette pénurie. Avant le Brexit, près de 30 % des employés du secteur de l'hospitalité à Londres étaient des ressortissants de l'Union Européenne. Aujourd’hui, ce chiffre est tombé à 15 %, et les employeurs se tournent vers des travailleurs venus d’Asie, notamment de Chine et d’Inde. Toutefois, les restrictions de visas et les exigences salariales minimales compliquent de plus en plus cette alternative : “Les entreprises doivent payer au moins 26 200 £ par an pour obtenir un visa de travail, ce qui crée une barrière pour beaucoup d’employeurs.”
Cela a un effet domino sur les prix des services, contribuant à l'inflation dans ce secteur, qui reste autour de 7 %. Elder a reconnu que les ajustements nécessaires post-Brexit sont difficiles, mais il a également insisté sur le fait que les entreprises doivent s’adapter pour survivre dans ce nouvel environnement réglementaire.
"Les entreprises françaises apportent une contribution inestimable à notre économie, et je veux que vous sachiez qu’elles sont toujours les bienvenues."
Des signes d’amélioration et un avenir encourageant
Malgré ces défis, Robert Elder a tenu à rassurer l'audience en insistant sur les signes positifs. “Nous pensons que l’inflation est maintenant fermement sous contrôle, ce qui nous permet d’envisager une baisse progressive des taux d’intérêt à partir de l’année prochaine, si la tendance se confirme.” Les prévisions de la Banque d'Angleterre tablent sur une baisse de l'inflation à environ 4 % d’ici la fin de l’année 2024, puis à 2,5 % en 2025, ce qui donnerait un coup de pouce aux ménages et aux entreprises.
Elder a aussi souligné l’importance des relations économiques entre la France et le Royaume-Uni, encouragées par la présence active des entreprises françaises sur le sol britannique. “Les entreprises françaises apportent une contribution inestimable à notre économie, et je veux que vous sachiez qu’elles sont toujours les bienvenues.” Cette déclaration a résonné fortement auprès des participants, renforçant l’idée que malgré les tensions post-Brexit, des opportunités économiques subsistent pour ceux qui s'adaptent.