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Laure Delaporte : “LP4Y, la business school des bidonvilles”

Lauréate du Trophée “social et humanitaire” des Français de l’Etranger en 2016, Laure Delaporte revient sur les missions, objectifs et enjeux futurs des équipes LP4Y : “Les jeunes qui étaient exclus comme des parias par la communauté deviennent, grâce à LP4Y, des acteurs de celle-ci.” LP4Y transforme des jeunes issus de bidonvilles en entrepreneurs et acteurs de leur communauté.

L'ONG LP4Y aide les jeunes en difficulté L'ONG LP4Y aide les jeunes en difficulté
Écrit par Ewan Petris
Publié le 8 novembre 2023, mis à jour le 11 novembre 2023

 

 

laure delaporte lp4y
Laure Delaporte, fondatrice d'LP4Y

 

Donnez-nous un aperçu de votre organisation et de sa mission pour les lecteurs qui ne seraient pas familiers avec LP4Y ?

Life Project for Youth est un projet de vie pour les jeunes créé en 2009. Pour la petite histoire, tout part d’un tour du monde en famille en 2008. Nous avons traversé plus de 25 pays, essentiellement des pays en développement et avons rencontré des jeunes dans la rue qui nous ont bluffés par leur résilience. 

L’année suivante, nous avons pris un nouveau tournant de vie. Nous venions du monde “corporate” avec 25 années d’expérience en entreprise et nous avons pris conscience de la nécessité de créer des ponts entre le monde de l’exclusion et celui de l’inclusion. LP4Y accompagne des jeunes de 17 à 24 ans et les aide à s'intégrer professionnellement, en adoptant une approche de coaching plutôt qu'éducative. La Banque mondiale affirme que dans les dix prochaines années, 1 milliard de jeunes dans le monde vont arriver sur le marché du travail et moins de la moitié d'entre eux auront un travail décent. Le challenge est immense !

 

Comment abordez-vous les défis auxquels ces jeunes sont confrontés ?

Un jeune déscolarisé qui ne sait pas lire et écrire, ou qui a été à l'école mais qui n'a pas les moyens de continuer se révèlera s'il expérimente plutôt qu’il n’apprend de manière scolaire. Le programme progressif dure trois mois dans les Green Villages ; des espaces résidentiels en milieu rural qui répondent aux problématiques de l’environnement, ou six mois dans des centres au cœur des zones défavorisées des grandes villes. 

 

Green Village Calauan, Philippines
Le Green Village de Calauan, Philippines

 

Nos premiers centres ont impliqué ces jeunes. Ils ont construit, repeint les bâtiments, renforçant leur engagement. Nous les poussons à devenir autonomes. Ils reçoivent des diplômes internes à chaque étape de leur parcours. Une fois qu'ils deviennent managers, ils animent une équipe et transmettent ensuite leurs compétences pour devenir entrepreneurs et s’intégrer professionnellement. Les jeunes sont accompagnés par des coachs qui les aident à créer des micro-entreprises traitant des problèmes de leur communauté. Ce processus les transforme de jeunes exclus en acteurs influents dans leur communauté. C'est vraiment impressionnant de voir à quel point ils progressent lorsqu'ils comprennent le système.

Les jeunes participants à nos programmes reçoivent chaque semaine une indemnité appelée le "Life Project Money", qui représente deux fois le seuil de pauvreté et est inférieur à leur premier salaire, pour les aider à rechercher un emploi. Cette aide est essentielle, surtout pour les jeunes mères, car 82 % des participants sont des femmes.

 

Nous mettons un fort accent sur l'autonomisation des femmes, car ce sont les plus vulnérables et qu’une grande partie de leurs revenus servent leurs familles. 

 

Votre organisme a une présence mondiale ?

Historiquement, nous avons commencé aux Philippines, en 2009. Nous avons étendu nos opérations en Indonésie et au Vietnam, mais nous avons depuis fermé le Vietnam pour nous concentrer sur des zones plus défavorisées comme l'Inde, le Népal, le Myanmar, le Bangladesh, et nous avons en projet l’ouverture du Sri Lanka. 

 

life project 4 youth

 

En 2020, nous avons étendu notre présence au bassin méditerranéen avec des programmes au Liban, et prochainement en Égypte. En parallèle, nous menons des actions de plaidoyer en France, en Belgique, au Luxembourg, au Royaume-Uni, et aux États-Unis.

 

Les activités sont-elles différentes selon les pays ?

Les spécialisations varient. Au Royaume-Uni, nous envisageons la création de "Youth Labs", dédiés à la formation sur l'inclusion des jeunes (comme à Paris et New York). Nous nous sommes rendu compte, lors d'un forum international sur l'inclusion des jeunes à New York, que de nombreuses organisations et entreprises travaillent dans le domaine de la jeunesse mais ne communiquent pas suffisamment.

 

Une de nos missions consiste à rassembler et à sensibiliser davantage sur le défi colossal de l'emploi des jeunes et de leur formidable potentiel. Ce sera le message qui sera véhiculé pendant l’évènement Together We Art qui a lieu à Londres entre le 14 et le 19 Novembre prochains. 

 

Together We Art 2023 : une vente aux enchères pour soutenir les jeunes

 

Comment avez-vous mis en place Together We Art 2023 ?

L’initiative implique une équipe de professionnels bénévoles qui se sont mobilisés pour solliciter des artistes et les encourager à offrir une œuvre d'art pour soutenir LP4Y. L'exposition à Londres servira non seulement à sensibiliser, mais aussi à collecter des fonds.

 

together we art
Le Together We Art 2023 de Londres

Ce qui est particulièrement unique à Londres est que l'événement rassemble des artistes et des architectes reconnus. J'ai discuté avec certains d'entre eux, comme l'artiste Narinder Sagoo, qui est incroyablement enthousiaste à l'idée de s'impliquer. Je vois un parallèle évident avec notre approche envers les jeunes et l’importance de la créativité dans le processus d’intégration dans le mode décent.

 

Comment avez-vous réussi à transformer l'opinion des entreprises sur ces jeunes que vous accompagnez ?

Dans nos centres, nous mettons l'accent sur le développement de la pensée critique plutôt que sur l'apprentissage de métiers spécifiques. Nous encourageons les jeunes à parler anglais, à maîtriser l'informatique, à gagner en confiance et à développer leur leadership.

En 2012, nous avons été surnommés : "la business school des bidonvilles" , car nous travaillons en étroite collaboration avec les entreprises qui s’impliquent dans le parcours des jeunes et leur proposent. Ces stages fonctionnent un peu comme un cheval de Troie et les entreprises se rendent compte que les jeunes sont bien plus talentueux qu'elles ne le pensaient ! 

 

 

Compte tenu des enjeux immenses, il s'agit avant tout de sensibiliser le plus d’acteurs possibles au sort des jeunes dans le monde

Quels sont les prochains objectifs de l’organisation ?

Notre première mission est bien de les accompagner là où ils vivent, et nous l'avons fait pendant quatorze ans, avec la ferme intention de continuer. Mais nous devons aller plus loin avec les jeunes eux-mêmes, leur donner une tribune aux Nations Unies et dans d'autres grandes institutions pour mettre en lumière la condition des jeunes et agir concrètement.

Nous avons besoin de soutien financier pour mener à bien cette mission et croyons à l’engagement de tous et notamment des entreprises pour qu’elles ouvrent leur porte aux jeunes les plus en danger et s’engagent. C’est un combat que nous devons mener tous ensemble.