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Comment gérer l'hypersensibilité d'un enfant expatrié ?

L’environnement, les émotions ou les sensations provoquent des réactions inattendues et parfois intenses chez votre enfant ? Comme 30% de la population française, il est possible qu’il soit hypersensible. Comment gérer cette situation en expatriation, ce grand moment d’émotions et de chamboulement ? 

une enfant hyper sensible se cache les yeux pour pleurer une enfant hyper sensible se cache les yeux pour pleurer
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 10 avril 2024, mis à jour le 17 avril 2024

 

 

 

Amandine et son mari sont parents de quatre garçons. Ils vivent depuis plusieurs années en expatriation. Depuis les deux ans de son fils aîné, Léopold, la maman a des doutes sur son hypersensibilité, c’est-à-dire une sensibilité plus haute que la moyenne. Aux premiers mois de son troisième fils, Victor, elle a de nouveau la sensation qu'il se passe quelque chose du côté des émotions

 

Nous avons écouté l’histoire d’Amandine. A travers les changements de pays et de cadres scolaires, comment elle a identifié l’hypersensibilité de deux de ses enfants ? Comment gère-t-elle la situation familiale et éducative aujourd’hui ?

 

Du Maroc à la France : émotions très fortes et hurlements 

En 2015, lorsqu’Amandine et son mari s’apprêtent à quitter le Maroc, où ils vivent depuis 3 ans. Leopold a 3 ans et suit un cursus anglophone. C’est un petit garçon joyeux, et plutôt sensible. De retour en France, la petite section de maternelle est une épreuve pour lui. La maîtresse n’arrive pas à lui faire faire des activités simples comme mettre de la peinture sur une feuille. Le petit garçon est à la traîne. Il refuse de participer à des activités pour ne pas être au cœur de l’attention. Pendant des vacances au Maroc, Léopold veut revoir sa nounou. Au moment où celle-ci ouvre la porte, l’enfant se met à hurler et part en courant. L’émotion est trop forte pour lui. Tout sort. A cette époque, Amandine n’a pas connaissance de la notion d’hypersensibilité. En 2016, la famille part en expatriation en Inde. La moyenne section à l’école américaine est une véritable transformation pour Léopold. Il sourit, il participe. « Aux vacances d’été, nos proches n’en reviennent pas du changement de Léopold et le voient épanoui. Il est même à l’aise lors des spectacles de l’école ! » confie Amandine qui ne creuse plus dans les problèmes émotionnels. 

 

une enfant est triste dans son lit le soir

 

 

Le troisième de la fratrie présente des signes de nervosité et d’agressivité

Victor naît en Inde en septembre 2017. L’enfant dort peu, tape beaucoup dès ses 6 mois. « J’ai vu un ostéopathe en rentrant en France, elle m’a dit que c’était un enfant très nerveux, tonique, crispé et tendu… ». A deux ans, le petit garçon se met à mordre son entourage et ne parle toujours pas.

 

« Les trajets en voiture étaient devenus un enfer, il hurlait… ». Le soleil le gêne beaucoup, ce qui est problématique dans un pays chaud comme l’Inde. Les étiquettes de ses vêtements le grattent. Changer sa couche ou l’habiller est de plus en plus difficile… « On subissait. » se souvient la maman. 

 

un enfant en colère se met à crier dans un micro

 

 

En 2020, retour en France à cause du Covid, Amandine appréhende. Elle prévient la maîtresse d’une certaine sensibilité de Victor. Le benjamin de la famille se met à taper à nouveau. A mi-année, l'institutrice discute avec la maman : « Je pense que Victor est un enfant à Haut Potentiel. (HP) me dit-elle. Je ne comprenais pas ce qu’elle me disait, car mon fils avait trois ans et ne parlait pas bien. Mais sa maîtresse m’explique qu’elle lui a donné des exercices un peu plus durs et qu’il les a réussis avec brio. Mieux que les plus grands de sa classe de petite-moyenne section. ». Amandine se reprend en pleine figure l’image de Léopold au même âge. La maman veut comprendre « le mode d’emploi » des deux enfants. Son mari est plutôt contre consulter un psychologue, il y a débat à la maison. 

 

Vivre en expatriation avec un enfant autiste, une histoire d'amour et d’adaptation

 

Retour en Inde et les bienfaits du système anglophone

Amandine se met à lire sur l’hypersensibilité et le Haut Potentiel, souvent liés. Elle arrive à la certitude que son aîné, Léopold, est hypersensible, tout comme Victor. Entretemps, les enfants continuent leur scolarité dans le système français. La maman passe beaucoup de temps avec Victor car on lui a conseillé de « l’alimenter, passer du temps avec lui ». A à peine 4 ans, l’enfant sait compter jusqu’à 100. A noël 2021, les parents se rendent comptent qu’il sait lire. Il faudrait le tester pour pouvoir confirmer une hypersensibilité et un haut potentiel mais le test représente un budget d'environ 400€… 

 

une enfant se met en colère car elle est hypersensible

 

En décembre 2022, la famille repart en Inde, pour une nouvelle expérience. Victor intègre le système anglophone. Problème, il est du mois de septembre alors que l’année scolaire commence en août. Il pourrait se retrouver dans un niveau en dessous. La maman contacte en amont l’école pour demander que Victor passe au niveau au-dessus. Le corps enseignant est compréhensif, l’institutrice perçoit tout de suite la situation. L’accueil est positif en KG2 (et non KG1). « Avec le recul, je pense que le système éducatif joue un rôle. Parce que, dans le système français, c’est toute la classe qui avance, et pas l’individu. Et donc il faut rentrer dans des cases, savoir faire telle ou telle chose à tel ou tel niveau. Dans le système anglophone, on est plutôt dans un accueil individualisé, on incite l’enfant à montrer ses émotions. Léopold s’était transformé lors de notre première expatriation en Inde, il était dans une école américaine. Il y a un lien de cause à effet. Il s’épanouit à nouveau ici, et Victor aussi ! »  

 

 

L’hypersensibilité en expatriation : trouver les bons outils 

Amandine réfléchit à réaliser les tests en France cet été, car il est conseillé de les effectuer dans la langue dans laquelle l’enfant se sent bien « pour mieux comprendre mes enfants, et que ce soit reconnu dans la fratrie. Pouvoir expliquer que le cerveau fonctionne différemment ». Si son mari n’est pas pour les tests car « cela pourrait mettre le doigt sur ce que l’on ne veut pas entendre », Amandine ressent aussi le besoin qu’on la rassure « Je suis une maman au foyer, ma mission est que notre famille fonctionne bien. Si ça vrille, c’est que je ne remplis pas bien mon rôle et je le vois comme un échec. Les mots d’une tierce personne peuvent faire du bien à notre famille ».

 

Les bons outils en attendant ? Lire sur le sujet, se rapprocher de groupes de parents bienveillants, et surtout ne pas penser qu’on est seul dans cette situation, « Et pour nous, le système anglophone a joué un rôle majeur. » 

 

 

une maman et son enfant regardent au loin sur une digue

 

Est-ce que l’expatriation joue un rôle particulier ? Il est souvent dit que l’hypersensible est plus vulnérable en expatriation : le changement le bombarde de visages inconnus, d’une nouvelle langue, d’un climat différent et d’un environnement inédit. Bref, tout ce qui pourrait générer des émotions intenses… Amandine a un avis sur la question : « Dans mon cas, c’est plutôt l’inverse. Léopold s’est épanoui lors de notre première expatriation en Inde. Je me demande souvent ce qu’il se serait passé si nous étions restés en France. Et comme il faut nourrir les enfants, une nouvelle langue et une nouvelle culture semblent bénéfiques. » De plus, dans la mesure où l’enfant hypersensible requiert d’être entouré, l’expatriation peut être bénéfique, car souvent l’un des parents ne travaille pas. C’est le cas d’Amandine qui a pu donner de son temps et de son attention à Victor et à la gestion de ses émotions. « Même si, depuis la naissance de mon 4ème garçon, forcément je suis un peu moins présente, et je sens que parfois Victor peut partir en « vrille » ».

 

D’ailleurs, elle le sent déjà, son petit dernier est plutôt dans le moule de Léopold et Victor…