Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--
  • 0
  • 1

Le tour du monde du grand débat en 59 jours

Grand débat étrangerGrand débat étranger
Écrit par Justine Hugues
Publié le 25 mars 2019, mis à jour le 18 juin 2019

De Toronto à Auckland, en passant par Bangalore ou Maputo, les Français se sont également mobilisés à l’étranger pour nourrir le grand débat national. Morceaux choisis.

 

«  En France, on a tendance à s’assoupir un peu. Ce débat est une grande chance. J’ai l’intuition qu’il en sortira quelque chose de positif » s’enthousiasme un participant, le 31 janvier à Tirana, capitale albanaise. A 8.000 km de là, Salomé, 15 ans, la plus jeune participante du grand débat de Bangkok, s’inquiète de l’état de la planète, évoquant les pollutions par le carbone et le plastique. Soucieuse d’assumer les responsabilités qui incombent à sa génération, elle propose de sensibiliser à l’écologie dès le plus jeune âge.

Pendant deux mois, nos concitoyens établis à l’étranger ont été invités à organiser et participer à des réunions locales, pour débattre des quatre grandes thématiques définies par le gouvernement.  Un remue-méninges collectif auquel se sont prêtés, avec minutie et enthousiasme, plusieurs milliers d’expatriés. « Après la seconde guerre mondiale,  la France avait un idéal social. De nos jours, il semblerait que les politiciens ont plus d’ambitions personnelles que d’idéaux politiques », a t-on entendu à Auckland.  « Si l’on veut un système écologique, il faut changer de système économique », ont souligné les Français de Toronto. Le besoin de donner un grand coup de pied dans la fourmilière française a ainsi résonné sur tous les continents.

 

Quatre thématiques, des centaines de propositions

 

À urgence climatique, pléthore de solutions créatives. La fiscalité environnementale a fait couler beaucoup d’encre. La TVA devrait être réduite à 5% sur les travaux d’isolation, propose-ton à Sofia et à Toronto. Elle pourrait aussi baisser sur l’achat de produits en vrac, lorsque le consommateur apporte son sac en toile ou, à l’inverse, augmenter si le ratio poids de l’emballage/poids du produit est trop élevé, renchérit-on à Bangalore. Taxer les produits qui ne sont pas de saison localement, taxer les grands voyageurs aériens, maintenir les aides à l’installation de panneaux photovoltaïques ou à la reconversion vers l’agriculture biologique…Les bonus/malus écologiques semblent faire l’unanimité, de même qu’une meilleure sensibilisation aux impératifs environnementaux dès le plus jeune âge. A Abidjan, l’idée du renfort de Volontaires Internationaux en Entreprises (VIE) dans le domaine de la transition écologique a rencontré un écho favorable. Partout ailleurs, le dispositif du service civil a été loué, dans des domaines plus larges que l’environnement.

 

Doit-on supprimer le Sénat ? Oui, répond-on à bien des endroits. « Ils ne devraient plus être choisis par les grands électeurs mais selon un système à déterminer de représentation de la société civile (commerçants, artisans, professeurs, syndicats, églises, associations) », suggère-ton plutôt à Maputo. Pour renforcer la présence de « civils » dans les instances politiques, le tirage au sort des élus remporte aussi, sur le continent africain comme ailleurs, une vive approbation. Concernant la représentation des Français de l’étranger, les avis divergent. Si certains estiment que les députés et sénateurs des Français de l’étranger « coûtent très cher et sont inutiles et inexistants pour les électeurs de leur circonscription », d’autres semblent regretter l’existence d’un Secrétariat d’Etat auprès des Français de l’étranger, rattaché à la figure du Premier ministre. Quant aux services publics en général, beaucoup s’accordent sur la nécessité de préserver ceux de proximité, tandis qu’ils font le constat d’un système de soins malmené. Un impératif revient sur toutes les lèvres : baisser le train de vie des élus et hauts fonctionnaires.

 

Pour le vote blanc

Si l’on devait retenir la proposition la plus consensuelle sur le thème de la démocratie et de la citoyenneté, ce serait indéniablement la reconnaissance du vote blanc. Pour nombre de nos concitoyens, au dessus d’un certain pourcentage de votes blancs, un second scrutin devrait être organisé. Le vote obligatoire apparaît aussi comme une solution au défaut de représentativité dont on taxe régulièrement la classe politique.

« Pourquoi sur la feuille d’impôt, ne pas donner la possibilité aux citoyens d’indiquer les 4 ou 5 domaines prioritaires où ils voudraient que leur argent aille ? Cela redonnerait du lien entre l’impôt et le citoyen », avancent plusieurs expatriés à Jérusalem. « Tout en faisant plus de tranches pour rendre l'impôt vraiment progressif », complète-t-on dans l’assemblée. Face au remplacement de l’Impôt sur la Fortune par l’Impôt sur la Fortune Immobilière, le débat est vif. « Il faudrait conserver l’ISF sur les produits de luxe, les grosses voitures, bateaux, avions, l’étendre peut-être à d’autres produits, pas nécessairement sur l’immobilier.  Tout le monde n’a pas les moyens de payer l’ISF sur l’immobilier », justifie-t-on à Toronto.  « La suppression de l’ISF, outre son aspect symbolique fort, a eu comme résultat négatif la baisse des dons aux ONG et organismes de bienfaisance qui étaient déductibles, sans que l'on sache si les revenus ainsi économisés ont été investis dans la production », observent plusieurs Français établis à Maputo.

 

S’inspirer des pratiques vertueuses hors de France

L’étude de pratiques et systèmes politiques dans leur pays d’accueil a inspiré certains expatriés. « En Nouvelle-Zélande, les tranches d’imposition sont acceptables, le mode de calcul est plus simple et il y a une tolérance 0 vis à vis des tricheurs, indiquent des Français d’Auckland. Le sens civique est très développé. L’uniforme à l’école est une caractéristique de l’adhésion à cette valeur et une base du civisme ». « L’école a un rôle primordial dans l’engagement civique et le respect de la patrie » abonde-t-on à Toronto. 

Du civisme à l’éducation à l’environnement, en passant par le plafonnage des hauts salaires, les domaines de comparaison sont variés. « En Israël, une loi est passée au parlement limitant l’échelle des salaires à 50 fois entre le salaire minimum et le salaire le plus élevé. La mesure est actuellement en expérimentation pour les entreprises financières et bancaires israéliennes cotées en bourse », remarquent les participants au débat de Jérusalem. « Les comportements à adopter pour protéger l’environnement devraient être intégrés à l’ensemble des matières dès l’école, comme c’est le cas au Danemark » cite-t-on en Europe du Nord.

Dans plusieurs pays comme l’Israël ou l’Australie, la dématérialisation des démarches administratives et la possibilité de réaliser certaines d’entre elles (retrait du permis de conduire, d’une carte grise, enregistrement de véhicules…)  dans des grandes surfaces ou des points d’accès aux services essaimés sur le territoire ont été saluées.  
 

L’écueil du grand déballage

Si le grand débat national a pour objectif de transmettre au gouvernement des propositions concrètes liées à l'intérêt général de la Nation, les interventions auront régulièrement tourné autour du témoignage et des problématiques propres aux Français de l’étranger, voire personnelles. Sans surprise, la fiscalité des non résidents, la protection sociale et l’enseignement français à l’étranger ont fait l’objet de nombreuses interventions. Maintien de la CSG-CRDS hors de l’Espace Economique Européen, hausse du taux minimum d’imposition à 30%, frais de scolarité élevés dans les lycées français, tarifs de la CFE : des expatriés s’estiment lésés en comparaison de leurs compatriotes de l’Hexagone. Dans les grands débats organisés sur le sol africain, la question de la fermeture par les instituions bancaires françaises des comptes des expatriés s’est également posée avec acuité. Enfin, les grands débats, en instaurant un espace de parole libre, ont parfois été le théâtre d’une grogne contre les assistés, les immigrés et les amalgames autour du « tous pourris ».

 

Un exercice salué, pour quelles retombées ?

« Je propose que l'on instaure un grand débat de façon annuelle, a lancé une participante au débat madrilène. De la même manière que l'on prend nos bonnes résolutions tous les 1ers  de l'an, revoyons-nous l'année prochaine ».  Les conclusions des réunions sont unanimes : l’exercice devrait être renouvelé. Pour autant, les attentes quant à l’utilisation des résultats oscillent entre optimisme et scepticisme. « S’il y a deux ou trois idées qui ressortent à chaque fois, j’attends du gouvernement des changements structurels, des propositions », ambitionne un participant à Tirana. La réponse d’ici quelques mois.

Justine Hugues
Publié le 25 mars 2019, mis à jour le 18 juin 2019
Pensez aussi à découvrir nos autres éditions

© lepetitjournal.com 2024