Historien et spécialiste du Moyen-Orient, Louis Blin a publié L’Arabie saoudite : De l’or noir à la mer rouge. À travers une centaine de pages, il décrypte de manière anthropologique les évolutions actuelles d’un pays méconnu des Français.
L’Arabie saoudite vivrait, selon Louis Blin, une réelle transition passant d’État à nation. Publié par les Éditions Eyrolles, L’Arabie saoudite : De l’or noir à la mer rouge met en lumière une région du Moyen-Orient encore méconnue des Français. Relations diplomatiques délicates avec la France ou séparation avec le wahhabisme, quels sont les enjeux actuels d’un des principaux exportateurs de pétrole ?
L’Arabie saoudite en transition cosmopolite
Longtemps décrié par la communauté internationale, l’Arabie saoudite se rachète une image auprès de la scène internationale. Le Royaume rendait déjà plus accessible en 2019 ses visas touristiques. Il souhaite même se détacher du wahhabisme. Ce mouvement salafiste en Arabie saoudite est extrêmement critiqué par les pays européens après la révolution iranienne en 1979. Devenu plus extrême, celui-ci rend, pour des raisons éthiques, les relations commerciales parfois difficiles avec d’autres nations comme la France. Selon Louis Blin, « les Saoudiens sont aujourd’hui dans un univers cosmopolite et divers. Le wahhabisme se calme. Cette transition est majeure pour le pays. »
Passant de Royaume à nation, une fête nationale a pour la première fois eu lieu cette année. Une libéralisation plus générale se profile : il n’y avait jamais eu d’impôt en Arabie saoudite jusqu’à 2021. Aujourd’hui, une imposition indirecte a été mise en place. Les manuels scolaires ont été réécrits et une matière nommée « esprit critique » a même été instaurée. Selon l’auteur, il s’agirait « d’une grande première. Cependant, il y a un contexte qui explique qu’il faut laisser du temps pour arriver à une vie politique que nous considérons normale. »
La Mer Rouge, une ouverture sur le monde
Louis Blin explique que le plus gros enjeu de l’Arabie saoudite reste sa réforme économique. « Dans mon titre, l’or noir fait référence au pétrole et la mer rouge à l’économie de production que l’Arabie Saoudite est en train de voir émerger » justifie l’auteur. Souhaitant se libérer du pétrole et du wahhabisme, l’Arabie saoudite se tournerait vers une économie de production. Le prince héritier de l’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salmane, affirmait ainsi le 24 octobre 2017 devant un forum économique international : « Il faut en finir avec l'extrémisme (…) et faire en sorte que l'Arabie retrouve son islam modéré d'avant 1979, un islam ouvert sur toutes les religions et sur le monde entier. Nous ne pouvons pas vivre encore trente ans avec toutes ces idées destructrices. »
Le prince ne manque pas d’observer que la Mer Rouge offre des ressources phénoménales avec sa pêche, ses minerais et ses énergies. L’auteur précise : « Je suis peut-être utopiste en disant cela, mais il y a bon nombre de pays du Moyen-Orient autour de la Mer Rouge. C’est comme une seconde Mer Méditerranée. Peut-être que cela pourrait tisser des nouveaux liens entre certains pays comme la Jordanie ou le Soudan. »
Arabie saoudite, des relations commerciales critiquées avec la France
Les échanges diplomatiques sont bien établis entre la France et l’Arabie saoudite. Le président Emmanuel Macron est pourtant critiqué par les Français pour ses échanges commerciaux avec le pays. L’IRIS précise que « les critiques ont été nombreuses quant à la vente d’armes à un pays dans lequel les droits démocratiques élémentaires ne sont pas respectés . » Malgré ces échanges médiatisés, « l’Arabie saoudite était mieux connue des Français au 19e siècle » rappelle Louis Blin. Le premier nom à s’intéresser à cette région pour la Mer Rouge n’était autre que Napoléon Bonaparte. D’autres personnalités comme Alexandre Dumas avec Le Monte Cristo ou encore Victor Hugo ont eu comme grand intérêt l’islam et l’Arabie saoudite. L’historien détaille que « la littérature jouait le lien entre les hommes au moment où leur furie les divisait. » Louis Blin espère d’ailleurs que la France pourra aider l’Arabie saoudite dans sa quête d’une réelle mutation : « il va aussi dans l’intérêt général de ceux qui disposent d’une mémoire saoudienne, d’accompagner ce pays dans sa transformation. »