Étudiante, Séverine Farnabe n’avait qu’un rêve, venir travailler et vivre au Canada. Après des années de travail « intense » dans l’audit, elle est aujourd’hui directrice financière chez Sofitel à Montréal, heureuse dans son pays d’adoption.
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
lepetitjournal.com: Travailler au Canada, est-ce un choix de votre part ou un hasard ?
Séverine Farnabe : C’est un choix. Étudiante, au départ, je n’imaginais pas ma carrière ailleurs qu’en France. Mais j’ai dû faire un stage à l’étranger dans un pays anglophone, mais l’Australie par exemple, c’était trop loin. L’Angleterre, c’était trop près ! J’ai trouvé un stage à Toronto, et là… Je suis tombée amoureuse de ce pays. J’ai voulu m’y installer pour y vivre, ça a été une obsession !
Tout le reste de ma scolarité à SKEMA et le début de ma carrière ont été marqués par cette fixette d’aller vivre au Canada.
J’ai eu une proposition d’emploi chez Bouygues Telecom, mais je voulais un contexte international qui m’assure d’avoir la possibilité de partir, donc j’ai postulé dans l’audit. J’ai commencé ma vie professionnelle chez Deloitte, une entreprise connue et reconnue dans toutes les directions financières du monde. Je savais qu’il y avait des bureaux au Canada notamment. Au bout de 4 ans en France, j’ai obtenu mon transfert pour le bureau de Montréal, j’ai donc démissionné du bureau parisien pour un contrat local canadien.
En travaillant dans la même entreprise d’abord en France puis au Québec, avez-vous vu des différences notables des deux côtés de l’Atlantique ?
Dans les process et les systèmes, c’est la même chose, pourtant la culture d’entreprise est totalement différente. Le siège du Canada est à Toronto, donc à Montréal, c’est comparable à un bureau de province en France. Les Francophones et les Anglophones travaillent rarement ensemble, les affectations sur les missions se font en fonction de la langue des clients. Ils ont une culture de travail différente, et sans qu'il n'y ait aucune animosité, il y avait quelques clans. L'organisation n’était pas la même que celle que j’avais connue en France, ce qui peut être parfois déstabilisant. D’ailleurs beaucoup de transferts français ont du mal à s’adapter et ne font pas long feu chez Deloitte à Montréal.
Par rapport à la France, on a beaucoup plus de facilités à parler carrière, objectifs financiers, salaires. En audit on est tous évalués. En France, on ne parle pas entre nous de nos évaluations, ce n’est pas aussi transparent alors qu’ici la grille des salaires est affichée et les gens affichent crânement leurs ambitions.
C’est positif ?
C’est juste différent. On se ferait taxer de requin en France, avec des dents qui rayent le parquet. Ici ce n’est pas négatif. Par ailleurs, il y a une grande souplesse dans la façon de travailler, notamment pour travailler de chez soi. Si on a un enfant à aller chercher, ou des choses personnelles à régler, pas de problème, tant que le travail est fait. Cette souplesse est d'ailleurs un argument avancé par beaucoup d'entreprises pour attirer les talents.
En France, cela est moins bien vu.
En revanche, les horaires en France ou au Canada sont très lourds, mais différents. Les gens ici sont plus matinaux, déjeunent autour de 11h, le soir à 18h, ils sont chez eux en train de dîner.
Après 6 ans d’audit chez Deloitte, vous avez eu envie de changer ?
Travailler dans l’audit, c’est très prenant, combiné à l’adaptation dans un nouveau pays, à une nouvelle culture, c’était assez intense.
J’ai été embauchée chez Guerlain, entreprise française, avec des Français et des Québécois, une très belle expérience. On vendait « le luxe à la française », avec parfois un peu de cette arrogance française. Le mot est peut-être un peu fort, mais on pense que dans certains domaines nous savons mieux faire que les autres, notamment dans la beauté, la mode et la cuisine…
Le marché nord-américain est plutôt mass market, pas très luxe, on a l’impression qu’on doit « éduquer » le consommateur. Ici les parfums les plus vendus sont ceux des célébrités. En France ce n’est pas possible, c’est forcément ceux des marques les plus prestigieuses, on n’a pas les mêmes références.
On peut changer facilement de travail au Canada ?
Ici le marché du travail est hyper dynamique. Le taux de chômage à Montréal doit être de 5%, ce qui est considéré comme le plein emploi, et en finance il y a plus d’offres d’emplois que de demandeurs. Je suis contactée par des chasseurs de tête 3 à 4 fois par mois. Chez Guerlain j’étais contrôleur financier. Je suis partie chez Nespresso où je suis devenue analyste financier, ce qui m’a permis d’élargir ma palette de compétences. Depuis aout 2018, je suis directrice financière chez Sofitel, avec une équipe de 5 personnes à manager. Il faut dire que mon expérience de Deloitte est celle qui m’ouvre toutes les portes. L’entreprise est reconnue pour sa formation. Je recommande Deloitte ou tous les autres Big 4 (PwC, KPMG, E&Y) à ceux qui veulent travailler dans la finance, d’autant plus si on veut être mobile à l’international. J’avais été recrutée alors que j’étais encore étudiante à SKEMA, comme d’autres personnes de ma promotion. Lorsque l’on a un bon diplôme et que l’on postule dans l’audit, on fait la différence avec sa façon de se présenter, car on va être en contact avec les clients, et avec sa motivation, essentielle pour supporter la pression. La personnalité est déterminante car à la sortie des études, nous avons quasiment tous le même profil.
La vie québécoise est donc à la hauteur de votre rêve d’étudiante ?
Je dirais que oui. Avec un projet bien construit, on peut s’épanouir personnellement et professionnellement au Canada. Ma carrière a connu une progression rapide. L’économie est florissante. La culture me plait. La ville de Montréal me semble à taille humaine pour moi qui viens de Paris. C’est très vert, avec des zones résidentielles peu élevées. C’est très safe. Je laisse souvent ma porte ouverte l’été ! C'est comme une ville de province avec les ressources d'une grosse métropole internationale. On y sent l’influence de l’Europe même si le Québec est loin d’être la France en Amérique du nord. Je m’y sens bien. Quand je rentre à Paris maintenant, je me sens un peu oppressée dans les transports. Trop de béton, de stress ! Mais Paris restera toujours la plus belle ville du monde !