Le Monaco Yacht Show est devenu un évènement incontournable dans le monde de la grande plaisance. Gaëlle Tallarida, directrice générale du salon depuis 2010, a su s’imposer dans cet univers très masculin en proposant à ses clients une expérience exceptionnelle lors de leur séjour dans la Principauté. Avec à la clé, le stress de devoir faire toujours mieux l’année d’après !
EN PARTENARIAT AVEC SKEMA ALUMNI
lepetitjournal.com : Avez-vous toujours souhaité travailler dans l’évènementiel ?
Gaëlle Tallarida : C’était très clair dans ma tête. Étudiante à SKEMA, j’ai participé à l’équipe organisatrice du festival de théâtre des Grandes Ecoles, le Festi, en 3e année. De là est née ma passion pour ce secteur d’activités. Travailler pour un projet tangible me plaisait. On concentre ses efforts, on peut voir se concrétiser le fruit de notre travail à un moment donné. J’ai donc souhaité continuer à me former dans ce domaine. Je suis cavalière et j’ai ensuite fait un stage à Monaco qui combinait en plus ma passion pour l’équitation, avec l’organisation d’un jumping.
A la sortie du SKEMA, en 1998, j’ai fait une mission de quelques mois pour le Monaco Yacht show. L’événement, spécialisé dans la grande plaisance (des bateaux de plus de 25 mètres) n’avait à l’époque pas l’ampleur qu’il a aujourd’hui.
Jeune diplômée, j’ai accepté un travail à Cannes, toujours dans le secteur de l’évènementiel, avec une forte connotation commerciale. J’ai toujours pensé qu’il valait mieux monter dans le train que de restait sur le quai, c’était une bonne expérience. Entre deux missions professionnelles, je suis revenue donner un coup de main à l’équipe du Festi, par attachement à mes belles années étudiantes.
Au printemps suivant, en 1999, j’ai été rappelée par le Monaco Yacht Show et depuis je n’ai cessé de contribuer à son développement en proposant des idées, des évolutions commerciales et des solutions. J’en suis depuis 2010 la directrice générale.
Comment était le Monaco Yacht Show (MYS) à l’aube des années 2000 ?
L’événement avait une notoriété nationale, mais l’aura internationale était assez faible. Il y avait une cinquantaine d’exposants et de bateaux. Nous avons proposé au fur et à mesure une offre plus complète, dans le design, les équipements et les services liés à cette activité.
Au début, cela a été une phase de croissance physique. Il fallait remplir les espaces, mais avec les bons exposants. Nous avons beaucoup voyagé pour recruter, avec des critères de sélection précis. Les entités choisies devaient avoir de grandes références, c’est toujours le cas ! Compte tenu de notre clientèle, fortunée, extrêmement qualitative et exigeante, nous n’avions pas le droit à l’erreur.
Aujourd’hui nous avons atteint notre taille maximum. Nous recevons 120 yachts qui font de 50 mètres à près de 100 mètres de long. Nous avons 600 exposants. Notre activité est du B to C mais on la fait évoluer aussi en B to B. Lors du salon, les chantiers sont par exemple en contact avec les designers… C’est devenu un rendez-vous incontournable, c’est chez nous que sont lancées les innovations, les nouveautés… Nous sommes le leader mondial dans ce domaine.
Le yacht, c’est en quelque sorte le jouet ultime de l’adulte
Quelles sont les tendances du marché de la grande plaisance ?
La grande plaisance, est principalement basée sur des produits sur mesure car le yacht, c’est en quelque sorte le jouet ultime de l’adulte. Nous mettons en avant les nouvelles techniques de navigation électronique, qui tendent vers une réduction de la consommation de fuel. Des matériels spécifiques sont développés. Par exemple, la tendance actuelle consiste à avoir des fenêtres de plus en plus grandes, il faut donc trouver des produits résistants aux impacts des vagues. Globalement, notre industrie se porte bien.
Quel est le client type de ce salon ?
La « consommation » de yachts a changé. Il y a quelques années, notre clientèle était composée d’hommes d’affaire en fin de carrière, âgés d’une soixantaine d’années. Ils achetaient un yacht par plaisir, car ils avaient plus de temps à consacrer à la plaisance.
Aujourd'hui, on voit aussi arriver des clients plus jeunes, autour de 35-40 ans, ce n’était pas le cas il y a 20 ans. Ils veulent tout très vite. Or pour devenir propriétaire d’un yacht, sur mesure, il faut souvent attendre 2 à 3 ans. C’est trop long pour eux. Ils sont dans un espace-temps différent, ont un intérêt pour l’écologie qui leur fait préférer la location à l’achat de yachts.
S’il y a plus de personnes éligibles, le pourcentage de propriétaires de yachts est moins fort qu’il y a 15 ans. Pour fidéliser nos clients, nous offrons des services. Nous organisons des conférences, une éducation sur ce secteur, car un client informé va rester.
Compte tenu de la spécificité de votre cible, comment faire connaître l’événement ?
Notre cible n’est pas facile à approcher. Nous allons chercher les clients finaux là où ils se trouvent, lors de nombreux voyages. Nous leur présentons le MYS lors de cocktails, par exemple, de 30 à 40 personnes. Nous connaissons les lieux de rencontre où les hommes d’affaire font du networking très qualifié. Nous collaborons avec de grands hôtels, comme le St Regis à New York. Comme organisateurs, nous ne vendons pas un bateau en tant que tel, mais nous proposons une semaine de découverte du yachting, dans un environnement magnifique, avec à la clé de superbes rencontres. Notre stratégie orientée vers le client final depuis 4-5 ans paye. Le bouche à oreille, très positif est notre plus grande réussite.
Nos clients nous font confiance parce que nous proposons une expérience exceptionnelle. Notre métier évolue sans cesse vers une qualité d’accueil toujours plus grande. Nous sommes devenus des facilitateurs de business. Il faut déployer une grande énergie pour cela. Aujourd’hui nous figurons parmi les évènements à ne pas manquer pour les grandes fortunes, selon le magazine Forbes.
La Principauté est le cadre idéal pour un tel événement…
Monaco est un véritable écrin. Nous sommes le deuxième événement en termes de retombées économiques après le grand Prix de Formule 1. Nous travaillons main dans la main avec le Monaco Economic Board et la Direction du Tourisme. Car clairement le Yacht Show promeut Monaco. Nous mettons en commun nos contacts, c’est du gagnant-gagnant.
Mais il y a aussi une forte pression locale. Mon quotidien est une bataille continuelle pour obtenir un peu plus de place, des facilités logistiques car c’est très complexe de faire circuler 200 ou 300 semi-remorques dans le centre-ville et sur le port de la Principauté pendant les phases de montage et démontage du salon.
Jean Castellini, Ministre des Finances de Monaco.
Vous avez reçu le prix du «meilleur manager de l'année» aux Trophées de l’Eco de Monaco 2018, c’est une belle récompense pour votre engagement ?
C’est important pour moi, car ça montre une reconnaissance à mon égard, et l’importance de l’événement pour Monaco. C’est une activité très prenante, un métier très complet, il faut être touche-à-tout car il nécessite plusieurs savoirs faire : le développement marketing et commercial, mais aussi un socle logistique. Le tout, dans un monde anglo-saxon et très masculin. Être une femme est une difficulté clairement, mais je me suis toujours sentie à la hauteur. Le MYS appartient au groupe Informa, le leader mondial de l’évènementiel. J’ai la confiance du groupe sur la stratégie et l’entière gestion du salon. Je crois que je suis maintenant respectée dans ce secteur, je dis souvent non à des attentes, je dois résister à des lobbies puissants car je tiens à préserver la rentabilité de l’événement.
Je manage 15 personnes à temps plein afin de proposer cette superbe expérience client avec des conférences, une soirée d’ouverture avec remise de trophées, un magazine, un site internet… Mon plus grand stress est de toujours faire mieux l’année d’après !
Ce n’est pas toujours simple avec deux enfants, compte tenu de la charge de travail, mais la passion est toujours là. Être passionné par son métier est une clé pour le succès. On n’a rien sans rien, et il faut beaucoup travailler, sinon on ne peut pas aspirer à un poste à responsabilité.